L'université de Bordeaux alerte sur sa situation financière et ses conséquences sur les étudiants

Amandine Sanial Publié le
L'université de Bordeaux alerte sur sa situation financière et ses conséquences sur les étudiants
L'université de Bordeaux alerte sur sa situation financière. // ©  Arthur Pequin
Lors de sa conférence de rentrée, le président de l'université de Bordeaux Dean Lewis s'inquiète de la pression financière qui pèse sur les universités et fait le lien direct avec la précarité étudiante, particulièrement forte à Bordeaux. Si aucune mesure n'est prise, l'établissement pourrait réduire le nombre d'étudiants accueillis dès 2025.

La situation budgétaire de l'université de Bordeaux est pour l'heure "relativement maîtrisée", explique Dean Lewis, son président, avec des projets stratégiques financés notamment par le programme France 2030. "Mais l'évolution budgétaire de l'université de Bordeaux fait qu'à moyen terme, la situation peut être très compliquée."

En cause, une hausse structurelle liée notamment au financement des emplois, à la charge des universités françaises depuis l'autonomie des établissements en 2010. "Très vite, la dotation d'État pour financer la masse salariale s'est révélée insuffisante", souligne Dean Lewis.

Une masse salariale qui augmente de 0,5% à 1% par an, soit une hausse de 2 à 3 millions d'euros que doit assumer l'université de Bordeaux chaque année, sur un budget global de l'établissement approchant les 600 millions d'euros. "Dès le départ, il y a un sous-financement de ces postes-là."

À ce sous-financement structurel s'ajoute une inflation forte. Et si Dean Lewis accueille la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires comme une mesure "salutaire dans le contexte d'inflation", elle entraîne une augmentation de 4 millions d'euros en 2023, et de 8 millions d'euros pour 2024, malgré les aides de l'État.

Dix à quinze millions d'euros de dépenses supplémentaires

L'inflation entraîne également une hausse de la facture énergétique qui pèse sur le budget, comme dans les autres établissements. "On est passés de 10 à 20 millions d'euros de dépenses en 2023", indique le président. Au total, l'université chiffre les dépenses supplémentaires entre 10 et 15 millions d'euros chaque année.

Afin de garder les mêmes capacités d'accueil et de conserver les postes, l'université de Bordeaux doit aujourd'hui puiser dans ses réserves, qui s'élèvent à près de 70 millions d'euros, et dont une partie est déjà préemptée.

Mais à court terme, ces réserves risquent de s'épuiser et de mener au "requestionnement du périmètre des missions de notre établissement", explique Dean Lewis. Concrètement, sans dotation financière, l'université de Bordeaux pourrait réduire le nombre d'étudiants accueillis, dès 2025.

Agacé par les récentes déclarations d'Emmanuel Macron, accusant les universités de "mauvaise gestion" de leur budget, Dean Lewis déplore "une méconnaissance de ce qu'est l'université" de la part du chef de l'État. "L'enseignement supérieur et la recherche ne sont pas suffisamment financés", ajoute Dean Lewis, regrettant "un message assez négatif renvoyé à la jeunesse".

Précarité étudiante : "une situation scandaleuse" à Bordeaux

Cette pression financière sur les universités a des conséquences directes sur les conditions de vie des étudiants, "qui sont beaucoup plus difficiles qu'elles ne l'étaient auparavant", estime Dean Lewis.

Alors que l'université de Bordeaux accueille cette année 55.000 étudiants, en hausse par rapport à l'an dernier, et que les universités françaises ont dû absorber 500.000 étudiants supplémentaires sur les dix dernières années, le président s'inquiète de l'avenir des étudiants si aucune dotation supplémentaire n'est envisagée. "Leurs conditions d'encadrement vont se dégrader", déplore-t-il.

Au-delà de l'enseignement, Dean Lewis insiste sur la précarité étudiante. "Un sujet de préoccupation forte, avec une inflation qui a aggravé la situation des étudiants". Il décrit "une situation particulièrement scandaleuse" à Bordeaux, avec une explosion de l'aide alimentaire et de nombreux étudiants qui dorment dans leur voiture. "Autant de paniers repas ont été distribués depuis septembre 2023 que dans toute l'année 2022" note Bernard Muller, vice-président en charge de la vie étudiante et de la vie de campus.

À Bordeaux, seul un boursier sur quatre peut prétendre à un logement du Crous, faute de logements disponibles. Pour enrayer le problème, l'université a fait le choix de mettre à disposition une partie du campus pour la construction d'une résidence étudiante de 660 logements, qui devrait être livrée à l'automne 2025. Une deuxième résidence de 200 logements devrait, elle, voir le jour à l'horizon 2030.

Le sport, l'autre priorité de l'année

Malgré un contexte budgétaire difficile, l'université de Bordeaux met le sport au premier plan cette année : une opportunité de rayonnement, qui permet d'améliorer le bien-être de ses étudiants. "L'établissement a investi plus de 35 millions d'euros dans des infrastructures sportives, ces dix dernières années", souligne Olivier Pujolar, vice-président en charge des partenariats et des territoires.

Cet investissement a notamment permis la construction d'un gymnase connecté "SMART", un centre de formation et de recherche qui servira également de base de préparation pour les JO de 2024. "Seuls deux ou trois sites en France bénéficient d'un équipement de cette envergure", note Olivier Pujolar. Le gymnase devrait être livré à la fin de l'année 2023.

Amandine Sanial | Publié le