Rentrée 2023 : les 12 travaux du gouvernement pour la jeunesse, l’éducation et le supérieur

Ariane Despierres-Féry Publié le
Rentrée 2023 : les 12 travaux du gouvernement pour la jeunesse, l’éducation et le supérieur
Rentrée 2023 : les 12 travaux du gouvernement pour la jeunesse, l’éducation et le supérieur. // ©  Eliot blondet/pool-REA
EDITO. Nouvelle rentrée, nouveau ministre, nombreuses annonces. Tels les pythie, hydre ou cerbère d’Héraclès, les défis seront nombreux à affronter pour le président Macron qui prend la main sur les sujets liés à la jeunesse, aux côtés de Gabriel Attal arrivé à l’éducation cet été et de Sylvie Retailleau qui poursuit son action pour le supérieur.

Quelle sera la réelle marge de manœuvre du gouvernement pour déployer ses mesures en faveur de la jeunesse, de l'éducation et du supérieur en cette rentrée 2023 ? Les chantiers, nombreux et importants, paraissent aussi difficiles à réussir que les épreuves mythologiques auxquelles est soumis le héros Hercule. Focus sur 12 travaux d’ampleur qui attendent Emmanuel Macron, Gabriel Attal, Sylvie Retailleau et de Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la formation professionnels.  

1. La ceinture de la reine Hippolyte : restaurer l’esprit républicain

Restaurer l’autorité sans autoritarisme, renouveler la confiance avec la jeunesse autour du pacte républicain, retrouver l’équilibre entre liberté et devoirs dans une démocratie, l’enjeu est de taille. Mesuré à sa (juste ?) valeur par le gouvernement, le président affiche l’éducation comme “son domaine réservé” et “la priorité des priorités” après les émeutes. 

La tâche est immense, et la réponse procèdera d’une évolution structurelle à défaut de porter ses fruits au-delà de l'action ponctuelle.  

2. Les pommes d’or du Jardin des Hespérides : améliorer la réussite au collège et au lycée

Objectif pour le gouvernement : retour aux fondamentaux, connaissances et compétences sociales, en tant que ferments de l’éducation et de la vie en société, de ce qui permet à chaque jeune d’envisager et construire son avenir.  

Les difficultés récurrentes en lecture ou calcul de certains jeunes Français ne sont pas un fait nouveau. Et ce sont donc, bien sûr, les notions fondamentales que veut renforcer Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation nationale, en cette rentrée.

Que ce soit chez les collégiens, tout en leur permettant de commencer à réfléchir à leur avenir via la découverte des métiers, ou que ce soit chez les lycéens avec le retour des maths, un temps disparus du tronc commun au grand effroi des enseignants et scientifiques.  

3. L'Hydre de Lerne : la réforme de la réforme du bac

En cette rentrée 2023, on rembobine le fil de la réforme Blanquer. Les effets de l’anticipation des épreuves de spécialité avaient été pointés par les professeurs avant même que la réforme n'ait pu être appliquée pour cause de Covid. Il aura fallu la preuve par l’exemple pour faire reculer le gouvernement.  

Au-delà du sentiment de déjà vu avec des épreuves finales du bac en juin, dans quelle mesure la mise en place de ce nouveau calendrier va-t-elle perturber l’organisation des cours et des programmes, et l’orientation des lycéens ? 

Car les formations du supérieur restent sur leur faim, friandes de résultats pour évaluer le niveau des candidats. 

4. Le taureau crétois : haro sur le harcèlement scolaire

La lutte contre le harcèlement scolaire, véritable fléau subi par près d’un million d’enfants chaque année, est la priorité de la Première ministre et donc de son ministre de l’Éducation.

Cela commence par un changement de paradigme : arrêter la double peine en changeant non pas le harcelé mais le harceleur d’établissement. Le dispositif de lutte pHARe est lui aussi annoncé comme renforcé. Les effets de ces mesures seront scrutés à la loupe.

5. Le chien Cerbère : mettre à bas les atteintes à la laïcité

Une note du ministère fait le constat d’une hausse de 120% des atteintes à la laïcité en milieu scolaire, en 2022-2023. Face à cela, le gouvernement reprend la main.   

L’interdiction changera-t-il la situation ? La mesure d’interdiction des abayas et qamis est symbolique mais pas seulement. Elle apporte une réponse claire aux enseignants qui demandaient le soutien de leur hiérarchie.

On le sait : cela ne suffira pas. Les atteintes à la laïcité nous rappellent en effet un des rôles fondamentaux de l’Ecole : contribuer à construire la liberté de conscience des citoyens de demain. Face à cette tâche, les enseignants se sentent bien souvent démunis ou en difficulté.

6. La capture des juments de Diomède : réformer le lycée pro

Le gouvernement entend réformer le lycée professionnel afin de mieux orienter et faire réussir des publics particulièrement fragiles. L’intention est louable, mais effacer le réflexe sociétal de guider son enfant vers la voie générale ou technologique prendra du temps. Comme toujours, faire réussir les élèves demande des moyens, que réclament les enseignants de la voie pro.

En outre, le gouvernement mise sur le réalisme : montrer les débouchés d'emploi à l’issue de la voie pro, alors que de nombreux secteurs peinent à recruter. Mais certains redoutent une forme "d'adéquationnisme" et la fermeture annoncée de nombreuses formations.

7. Le lion de Némée : revaloriser le métier d’enseignant

Le gouvernement a annoncé la revalorisation inconditionnelle des salaires pour tous les enseignants, "la plus importante depuis 30 ans". Mais le retard pris par la France, au sein de l’OCDE, ne sera pas comblé d’un coup d’augmentation magique.  

Pour compléter cette rémunération, il compte sur le pacte enseignant. Au-delà de la carotte financière – qu’environ un quart des enseignants auraient saisie – le sentiment de mépris perçu par certains, derrière cette incitation, irrite dans les milieux enseignants.  

Mais le malaise enseignant est bien plus profond. Au sentiment d’un manque de considération par l’État se couple une perte de sens et un manque de moyens. Face aux problèmes sociaux et sociétaux qui s'expriment en classe, l'enseignant est seul et en première ligne.

Depuis plusieurs années, le métier d’enseignant n’attire plus et les concours manquent de candidats. Si bien qu’à chaque rentrée, on se demande s’il y aura un enseignant devant chaque classe.  

8. Le sanglier d’Erymanthe : améliorer l’orientation via Parcoursup et Mon master

Pourquoi l’orientation ne fonctionne pas en France ? Vaste question à laquelle les gouvernements successifs s’attèlent jusqu’ici sans solution miracle. Celui d’Emmanuel Macron n’échappe pas à la règle.

Créée il y a six ans, la plateforme d’accès au supérieur Parcoursup a atteint son rythme de croisière et permet à de nombreux jeunes d’intégrer la formation supérieure de leur choix. Reste qu'ils demeurent encore trop de bacheliers sans formation à la rentrée et de déçus de Parcoursup.  

L'orientation est aussi un sujet dans le supérieur. Le bilan de la plateforme Mon master est attendu pour savoir si son ambition de fluidifier l’entrée en master est atteinte. Il faudra des ajustements, notamment la mise en place d’une phase complémentaire, pour qu'elle soit parfaitement opérationnelle.

9. Les oiseaux du lac Stymphale : augmenter la réussite dans le supérieur

L’ambition d’accompagner chaque jeune vers son avenir est à nouveau au menu de la ministre Syvlie Retailleau. Celle qui fut elle-même présidente d’université sait le gâchis humain, social et économique que représente l’échec de milliers d’étudiants, notamment en licence.  

Les universités se sont engagées dans cette mission, notamment depuis la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), mais continuent à dénoncer le manque de moyens et l’orientation par défaut qui pèsent lourd sur la capacité à réussir des étudiants. 

10. Les bœufs de Géryon : améliorer le pouvoir d’achat des étudiants

Comment compenser l’inflation et réduire la précarité qui touchent les étudiants ? Ces vecteurs d’inégalités fortes entravent la capacité de milliers de jeunes à réussir leurs études.

La ministre Retailleau a annoncé un "renforcement historique de l’accompagnement étudiant", via une réforme des bourses, le gel des frais de scolarité à l’université, la limitation des coûts du logement et de la restauration Crous. 

Malgré cela, les représentants des étudiants restent sur le pont pour demander plus d’accompagnement, tandis que les associations constatent que la demande ne s’est pas tarie depuis la crise sanitaire.  

11. La biche de Cérynie : des moyens à la mesure des enjeux du supérieur

Depuis des années, les universités appellent à l’aide l’État, évaluant à un milliard les moyens manquants pour accueillir leurs étudiants, dans les meilleures conditions. Mais aussi pour les aider, face à l’augmentation de leurs frais fixes, la hausse du coût de l’énergie ou encore du point d’indice des agents publics. Sans parler des investissements pour innover et peser dans la compétition internationale.

Dernier gouffre financier qui appelle un soutien : la rénovation et la décarbonation des campus, qui représentent 20% du patrimoine immobilier de l’Etat.  

Le projet de loi de finance 2024 est attendu avec impatience, mais non sans inquiétude, alors que le ministre de l’Economie a déjà exigé une baisse de 15% des dépenses de chaque ministère. La ministre Retailleau a confirmé "qu'il n'y aura pas de miracle" et que les universités feront partie des opérateurs publics concernés par le prélèvement d’excédents de trésorerie.

12. Les écuries d'Augias : réguler le supérieur privé lucratif

Autre épine dans le pied de la ministre : le développement rapide du supérieur privé et la manne financière du soutien à l’apprentissage ont mis en exergue des pratiques abusives par certains acteurs privés dits lucratifs.  

Sylvie Retailleau attend pour l’automne les préconisations d’une mission de la DGESIP pour faire le grand nettoyage et apporter enfin de la transparence aux familles et étudiants. Le ministère se doit notamment de reprendre la main sur des titres, visas et diplômes abusivement utilisés. Mais des acteurs privés puissants et bien implantés se laisseront-ils couper leurs sources de revenus ? 

Ariane Despierres-Féry | Publié le