Budget : la situation s'améliore à Toulouse 3, Lille et Reims-Champagne-Ardenne depuis 2018

Malika Butzbach Publié le
Budget : la situation s'améliore à Toulouse 3, Lille et Reims-Champagne-Ardenne depuis 2018
L'université Reims-Champagne-Ardenne fait partie des établissements dont la situation économique s'est améliorée depuis 2018. // ©  Université de Reims Champagne-Ardenne
Le numéro d'équilibriste budgétaire n'est pas une mince affaire pour les universités. En 2018, la Cour des comptes avait épinglé plusieurs établissements pour leur situation économique dégradée, voire très dégradée. Cinq ans après, où en sont-elles ? EducPros a posé la question à Toulouse 3, Lille et Reims-Champagne-Ardenne.

En 2018, la Cour des comptes épinglait les finances de sept universités et d'une école d'ingénieurs. Cinq ans plus tard, l'Université de Toulouse 3 a droit à un point d'étape en 139 pages.

L'occasion pour EducPros de faire le point avec trois universités - Toulouse 3, Lille et Reims-Champagne-Ardenne (URCA) -, les autres établissements* n'ayant pas répondu. Bonne nouvelle : les trois universités évoquent une situation qui s'améliore.

Ainsi, selon la Cour des comptes, au 12 mai 2023, la situation financière de Toulouse 3 est désormais "assainie", mais des "risques majeurs" en matière de soutenabilité demeurent, selon la juridiction financière, qui estimait en 2018 que la "situation était très dégradée".

Une fusion importante intervenue à Lille

À Lille, le contexte et le paysage universitaire ont beaucoup évolué. "Il y a eu la réunification des trois universités, avec la création de l'université de Lille en 2018, et la constitution de l'établissement public expérimental qui a vu le jour le 1er janvier 2022", pointe Etienne Peyrat, premier vice-président de l'université.

Une fusion, la plus importante en taille qui soit intervenue, a parfois retardé les actions sur les sujets économiques.

À Reims et Toulouse, des présidents élus après le constat de la Cour des comptes

À l'URCA et à Toulouse, les présidents actuels ont été élus après la publication du rapport de la Cour des comptes. "Dès mon élection à la présidence de l'URCA, en mars 2016, ma priorité fut le retour à l'équilibre", explique Guillaume Gellé.

Dès mon élection à la présidence de l'URCA, en mars 2016, ma priorité fut le retour à l'équilibre. (G. Gellé)

Idem pour Jean-Marc Broto, devenu président de Toulouse 3, en 2020. Tous deux insistent sur le rôle de l'Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR). "Nous avons demandé un soutien et un accompagnement. Cela nous a permis de muscler nos services administratifs", témoigne le président du site toulousain.

Des "campagnes blanches" pour faire baisser le poids de la masse salariale

Pour revenir à l'équilibre, les universités ont dû prendre des décisions sur les recrutements, les salaires représentant la charge budgétaire la plus importante. "Le poids des dépenses de masse salariale était excessif, équivalant à plus de 86,3% du total des produits encaissables, soit quatre points au-dessus du seuil d'alerte et trois points au-dessus du seuil critique, rappelle Guillaume Gellé.

Après le rapport de la Cour des comptes, la question du gel des postes s'est posée. Dans les trois établissements, la décision a été prise de faire des "campagnes blanches", autrement dit, de ne pas recruter durant une ou plusieurs années.

Les questions de ressources humaines, toujours en tension

À Toulouse, pour la première fois depuis 2017, "l'optimisation des différentes ressources à disposition a permis de réaliser une campagne d'emploi en 2023, souligne Jean-Marc Broto. Actuellement, pour 30 départs à la retraite d'enseignants-chercheurs, nous en avons recruté 50".

La prise en charge du "glissement vieillissement technicité" (GVT), autrefois laissé aux composantes, a été re-mutualisé, dans l'établissement toulousain. La Cour des comptes note une gestion des ressources humaines "plus centralisée et efficace".

Mais le travail est loin d'être fini. Après une année sans recruter d'enseignants-chercheurs, en 2018, l'université de Lille, "structurellement en tension sur les questions RH", travaille sur un diagnostic pour les personnels "bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé" (Biatss).

"À l'échelle globale de l'établissement, on cible 110 postes qui doivent être réorganisés. Bien évidemment, nous allons tenir compte des spécificités de chaque composante et service", indique Étienne Peyrat.

Vers la rationalisation du parc immobilier

L'autre levier actionné pour un retour à l'équilibre réside dans le parc immobilier. À Toulouse, après la mise en œuvre de 67% des recommandations de la Cour des comptes sur le domaine, la juridiction constate que la gestion est "en voie d'amélioration" mais des problèmes de vétusté demeurent.

"Ce sera l'une des priorités durant le prochain mandat", prévoit Jean-Marc Broto. Autre sujet qui demeure en suspens : la création du Centre universitaire d'enseignement et de recherche en santé. Alors que la Cour souligne des risques d'impasses financières, le président est, lui, plus confiant sur ce sujet.

À Lille, une démarche de rationalisation a été mise en place. "Notre patrimoine s'élève à 650.000 m² de surface utilisée, relate Etienne Peyrat. Nous avons fait un énorme travail pour mettre en place un système d'information sur les surfaces gérées et les indicateurs énergétiques des bâtiments. On partait de très loin".

De nouveaux partenaires pour alimenter les finances

Si le premier vice-président lillois déplore la lenteur des processus sur les questions immobilières, "l'inaction n'est pas une option", tranche-t-il. Encore plus alors que les caisses des établissements ont été encore entamées par la crise énergétique.

Les universités ont donc dû se tourner vers des partenaires nouveaux, notamment les collectivités locales. "Nous n'avions pas bénéficié de financement dans le cadre de l'opération Campus. Nous avons aussi eu recours à un plan de revalorisation de notre patrimoine, dans le cadre du Contrat de Plan État-Région (CPER). En plus de la Région Grand Est, nous avons pu compter sur le soutien des collectivités territoriales comme le Grand Reims et le département de la Marne", souligne Guillaume Gellé.

Des questions sur l'offre de formations

Sur l'offre pédagogique, les choix diffèrent en fonction des établissements. À Reims, le choix a été fait de ne fermer aucune formation pour des objectifs financiers. "Les accréditations successives, en 2018 puis en 2024, ont montré que notre offre de formation s'adapte sans rien perdre de sa diversité et de sa richesse globale", répond le président.

À Toulouse, la faculté de sciences - dont est issu Jean-Marc Broto - a pris la décision de diminuer de 15% l'offre de formation. "Nous nous sommes appuyés sur un logiciel maison évaluant la soutenabilité de cette offre, précise le président. Nous avons des progrès à faire car, certaines formations coûtent vraiment cher."

Rassurer en interne

À Lille, ce sujet suscite des questions au sein de la communauté universitaire. "Les inquiétudes peuvent être plus importantes dans un établissement de grande taille où les personnes peuvent avoir du mal à saisir la vision d'ensemble", constate Etienne Peyrat.

Nous voulons être dans la discussion afin de construire ensemble dans ce moment difficile budgétairement. (E. Peyrat, Université de Lille)

Pour le vice-président, l'enjeu est avant tout de maintenir un dialogue direct avec les composantes. "Nous voulons être dans la discussion afin de construire ensemble dans ce moment difficile budgétairement. Il ne faut surtout pas que les incompréhensions demeurent."

*Également contactées, l’Université Grenoble-Alpes a refusé de répondre tandis que celles de Limoges, Orléans, Marne-la-Vallée et Paris-I n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Malika Butzbach | Publié le