Témoignage

Des étudiants face aux refus de logements Crous : "C’est ma seule solution pour faire des études"

Pour de nombreux étudiants, la recherche d'un logement s'apparente à un calvaire.
Pour de nombreux étudiants, la recherche d'un logement s'apparente à un calvaire. © Adobe Stock/itchaznong
Par Léa Fournier, publié le 28 juin 2023
5 min

Les étudiants ont quatre phases pour faire des vœux afin d’obtenir un logement universitaire auprès du Crous. À la veille de la troisième phase, certains sont désespérés à l’idée de ne pas avoir un toit au-dessus de la tête à la rentrée… Jusqu’à envisager de renoncer à leurs études.

Isabelle se sent "délaissée" par le système du Crous. Pour le moment, pas de logement en vue pour elle. Ses vœux ont été refusés lors des deux premiers tours à l’occasion desquels les étudiants peuvent formuler des demandes pour obtenir une chambre universitaire. Elle a retenté pour la troisième phase de vœux et, ce mardi 28 juin, elle espère obtenir une solution. 

Trois heures de trajet par jour

À 21 ans, Isabelle est en deuxième année de licence AEI (administration et échanges internationaux) à l’université de Créteil (94). Elle vit pourtant dans l’Yonne, à une heure et demie de transport de sa fac – si le trajet se passe sans encombre. L’année dernière déjà, elle n’a pas obtenu de logement étudiant, "faute de place disponible".

Tous ses vœux ont été refusés : elle avait passé les quatre phases, ainsi que la phase complémentaire. Elle a même "essayé de forcer en prenant rendez-vous avec l’assistante sociale". Celle-ci ne pouvait rien pour elle. 

Or, il est impossible pour la jeune femme de louer un appartement dans le privé. Boursière échelon 2, elle reçoit 270 euros du Crous et n’a pas d’aide de ses parents. Résultat, trois jours par semaine, Isabelle prend un train puis les transports parisiens pour arriver à la fac. En tout, elle fait plus de trois heures de trajet aller-retour pour assister à ses cours.

"C’est invivable niveau fatigue. Peu importe que je commence à 9h ou 11h, je me réveille entre 5h30 et 6h pour avoir le train de sept heures quand j’ai des TD. Surtout avec les retards permanents de la SNCF." L’étudiante craint en effet d’être ajournée si elle accumule les retards… 

Renoncer à ses projets d'études, faute de logement

Lorsque les décisions du Crous tombent, les étudiants de toute la France se désespèrent sur les réseaux sociaux. C'est le cas de Timoti, 20 ans, qui reprend des études en licence de lettres classiques et de LLCE Coréen à Paris (75) à la rentrée. "Chaque mardi, je me sens désespéré… Un logement Crous, c’est ma seule solution pour faire des études", explique le jeune homme.

Il est inconcevable pour lui de trouver un logement à Paris : "C’est minimum 500 euros et ma mère ne gagne pas trois fois le loyer". Pour lui, c’est clair, sans chambre universitaire, il pourrait être contraint d’abandonner l’idée de reprendre ses études.

Chaimaa, 19 ans, doit faire sa rentrée en deuxième année de droit à Toulouse (31) à la rentrée. Faute de logement, elle avait justement dû changer ses plans d’études l’année dernière. "J’étais admise à la fac de droit de Nanterre (92). Mais à cause des logements, Crous, je n’ai pas pu y aller."

L’étudiante avait fait des vœux lors des quatre phases du calendrier du Crous. "J’avais même eu l’aide de l’établissement où je devais aller…, déplore-t-elle. Et quand je regardais sur le site du Crous, il y avait des logements disponibles."

À la toute dernière phase, la phase complémentaire, elle avait demandé un logement à Toulouse par dépit, pour suivre tout de même son cursus en droit. Elle avait ainsi obtenu un logement universitaire d’une quinzaine de mètres carrés, qu’elle payait 370 euros par mois.

L'impossibilité de se loger dans le parc privé pour les boursiers

Malheureusement, cette année encore, les galères sont de mise. "J’ai demandé des logements à côté de ma fac, donc à Toulouse. Et pour le moment, j’ai été refusée pour les quatre logements, constate tristement Chaimaa. Je vais donc devoir faire des demandes pour des logements à 30 ou 45 minutes de ma fac."

Boursière échelon 6, elle dépend de ses 513 euros de bourses, de l’APL (aide personnalisée au logement) et de l’aide éventuelle de ses parents : "800 à 900 euros pour vivre dans un logement privé, ça fait trop cher pour moi", explique-t-elle.

Un job ou un prêt étudiant pour s’en sortir dans le privé

Pour économiser et espérer "être le moins possible dans la précarité étudiante" l’année prochaine, Karen, 17 ans, a pris un job chez McDonald’s. Elle sort tout juste du lycée et devrait commencer une licence d’arts plastiques à Tourcoing (59) à la rentrée, à plus de 200 kilomètres de chez elle.

Pour le moment, ses vœux n’ont pas été acceptés par le Crous. Ses parents ne peuvent pas l’aider : "Ma mère est surveillante de nuit dans l’éducation spécialisée et mon père est ouvrier. Et il y a aussi ma sœur…" Alors avec 215 euros de bourse et d'éventuelles APL, Karen n’aura, elle non plus, pas les moyens de se payer un appartement. "Payer entre 280 et 360 euros au Crous, ça rentre dans mon budget – et encore. Chez un particulier, ça serait autour de 500 euros."

La jeune femme a donc envisagé deux solutions : opter pour un prêt étudiant… "Mais je n’ai pas envie de m’endetter à vie." Ou travailler. "J’ai 20 heures de cours, je pourrais travailler en contrat étudiant, 12 heures, chez McDo." Une difficulté supplémentaire pour l’étudiante.

Car, comme nous l’expliquait récemment Felix Sosso, porte-parole de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) : "Le salariat contraint [les étudiants] à rogner sur leur temps d'études et leurs loisirs. Ce qui [mène] à des échecs scolaires, des réorientations ou des abandons."

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