Décryptage

Liens facs de médecine-industrie pharmaceutique : qu’en disent les étudiants ?

L'amphi Boiron à l'université Lyon 1
Sur 37 universités, 9 ont mis en place au moins une mesure pour prévenir tout rapport trop étroit avec les labos pharmaceutiques. © Capture d'écran
Par Mathilde Saliou, publié le 13 janvier 2017
1 min

Le premier classement des facultés de médecine françaises établi en fonction de leur indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique a été publié le 9 janvier 2017. Sur les réseaux comme dans les facs, les étudiants s’en amusent, mais ils cherchent aussi des changements.

Le 9 janvier 2017, un pavé tombait dans la mare des facultés de médecine. Deux chercheurs, Paul Scheffer, doctorant en sciences de l'éducation à Paris 8, et Jean-Sébastien Borde, néphrologue et fondateur du site Formindep, publiaient le premier classement des facs françaises selon leur indépendance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique. 

Sur les 37 universités, seulement 9 ont mis en place au moins une mesure pour prévenir tout rapport trop étroit. 

En cours comme en stage

Dans les facs, la question de l'indépendance est soulevée aussi bien en cours, lorsqu'un professeur payé par un laboratoire pharmaceutique est susceptible de faire la promotion des médicaments commercialisés par ce dernier, qu'en stage. "À l'hôpital, les visiteurs médicaux sont beaucoup plus présents. Ils viennent très régulièrement présenter des médicaments" explique Robin Jouan, vice-président de l'ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France) et membre du groupe Esprit critique niçois. "On n'est pas réellement formé à cela. Pourtant, les liens sont beaucoup plus importants dans cet environnement." Sur les réseaux, on s'amuse de ces liens troubles.

Financement d'amphis

Non loin de sa voisine Lyon-Est (relativement) exemplaire, Lyon-Sud fait figure d’anti-exemple. "Ils ont un très bel amphi que j’ai pu visiter pour une réunion", plaisante Robin Jouan. Le 20 juin 2011, était en effet inauguré l’amphithéâtre Boiron, financé à 50 % par le laboratoire expert en homéopathie du même nom. Leur directeur général, Christian Boiron, dispense même un cours en première année. "C’est quand même un peu gros", commente Matthieu, du collectif RIRE (Réseau des initiatives et des réponses étudiantes).

De l'esprit critique au niveau national

Blagues à part, le sujet prend réellement de l’importance. Clément, membre de l'ANEMF à Tours, explique que certains étudiants sont assez critiques envers l’étude tout juste publiée. "Pour eux, elle ne prend pas en compte quantité d’initiatives déjà existantes. Il y a une véritable avancée à Brest, par exemple, où une commission spécifique s’est créée, avec des étudiants, des représentants de l’UFR, d’autres du CHU [centre hospitalier universitaire]. Certaines UFR proposent des cours d’éthique, des professeurs attentifs au sujet viennent nous informer des possibles conflits d’intérêts... Tout cela ne transparaît pas dans les résultats. Mais c’est assez compréhensible, dans la mesure où il n’existe pas de tendance générale, où chaque action est isolée."

Robin Jouan s’étonne notamment que la faculté de Nice ne figure pas au classement. "Après tout, l’administration nous a soutenus pour mettre en place les deux éditions d’ECN." Au programme de la journée Esprit critique niçois 2016 ? Psychologie sociale et manipulation, recherche de l’information critique, ou encore intervention d’Irène Frachon (dont le rôle a été décisif dans l'affaire du Mediator) sur son parcours de lanceuse d’alerte. "Nos conférences ont rencontré un assez grand succès, raconte-t-il. Je suis même en discussion avec des camarades d’autres associations : on se demande s’il ne serait pas possible d’en créer une version nationale."

Des travaux menés à Paris

Matthieu, lui, explique que le collectif RIRE s’est précisément constitué parce que "des étudiants de Paris 7 et Paris 5 s’intéressaient notamment à ces questions de conflits d’intérêts. Comment étaient-elles gérées dans la recherche, l’enseignement, la formation continue ? On a travaillé le sujet, en suivant et traduisant notamment les publications de l’association Health Action International. Puis nous avons fini de produire notre propre synthèse sur la question".

Pour s’intéresser au sujet depuis plusieurs années, il n’est pas vraiment surpris des résultats de l’étude parue. "C’est une bonne représentation des échos qui nous sont remontés de la part de ceux qui demandaient notre livret. Et puis, lorsque l’étude qui a inspiré nos chercheurs est parue pour la première fois aux États-Unis, les résultats étaient les mêmes. Aujourd’hui, la majeure partie de leurs universités récolte de bonnes notes !". Clément Le Roux et Robin Jouan abondent dans le même sens. "Espérons surtout qu’après ce classement, d’autres étudiants veuillent monter le même genre d’initiatives que les nôtres", ajoute ce dernier.

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !