Reportage

Au cœur de l'INSEP : la sport académie

INSEP Institut national du sport
L’athlétisme fait partie des 22 disciplines sportives pratiquées à l’INSEP. C’est sur proposition d’une fédération sportive en fonction de ses performances, de son profil et d’un quota qu’un jeune peut l’intégrer. © Florence Levillain pour L'Étudiant
Par Assia Hamdi, publié le 20 juin 2016
1 min

À Paris, l’INSEP nourrit le corps et l’esprit des jeunes sportifs. Entre les cours, les examens, les entraînements et les compétitions, ces futurs athlètes vivent des journées de haut niveau. En voici une en particulier.

À son arrivée à l'INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), le visiteur n'est pas sûr d'être à Paris. Niché en plein bois de Vincennes, au sud-est de la capitale, l'établissement forme depuis 1975 les futures stars du sport français. Une fois passé les barrières, le passant tombe nez à nez avec la statue magistrale d'un archer en marbre qui symbolise les 12 travaux d'Hercule. En avançant un peu plus, les immeubles administratifs en brique rouge font place aux enceintes sportives élancées, séparées par des arbres apaisants. Pour parcourir les 28 hectares de l'INSEP il faut avoir de bonnes jambes. Ou être sportif.

Comme dans un lycée "classique"

La journée commence dans le bâtiment D, sorte de minilycée, où les jeunes sportifs préparent le bac. Ici, la règle est stricte. "On n'entre pas en short, prévient avec autorité Xavier Dallet, responsable de la scolarité. Une fois à l'intérieur, on est à l'école." Dans cette structure de deux étages, les cours ont commencé dès le matin. Murs blancs, salles de cours, centre de documentation et résultats du bac 2015... comme dans un vrai bahut, ou presque. Aucun distributeur de sucreries à l'horizon. "On a aussi affiché des citations de sportifs pour motiver les élèves." Les effectifs d'élèves sont "bien répartis" entre les filières ES, S, STMG et le bac professionnel commerce, nous assure l'école. Mais la série L, peu demandée, est absente.

Cours de physique en sweat et baskets

"Ici, on mène un double projet. C'est la réussite de la carrière sportive... et des études", insiste Xavier Dallet. Arrivées à l'INSEP en seconde ou en première, les "pépites" du sport y poursuivent leur scolarité. Chaque jour, les élèves sont en cours de 7 h 45 à 10 h 45 et de 14 h 15 à 16 h 15. Dans ce lycée, pas de risque de se perdre : "Chaque classe suit les cours dans la même salle toute l'année", précise le responsable scolaire. Ce matin, la terminale S se réveille avec Sandrine Muller, leur professeure de physique-chimie. Au menu du jour, hydroxyde de sodium et concentrations d'ions.

En sweat à capuche et baskets fluo, certains répondent aux questions, d'autres se frottent les yeux, mais tous restent concentrés. "Ils ont moins d'heures de cours que d'autres lycéens, mais ils doivent enregistrer les mêmes chapitres, explique l'enseignante en écrivant des éléments périodiques au tableau. Donc je me cantonne au programme." La terminale S a des cours toute la semaine à l'INSEP, sauf le vendredi matin, où un car emmène la vingtaine d'élèves au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés (94). "Là-bas, il y a les paillasses nécessaires aux travaux pratiques, justifie Sandrine Muller. C'est bien qu'ils puissent aussi voir comment on étudie dans un vrai lycée."

Après la physique, place à l'entraînement

Inesse et Solène pédalent vers la nouvelle piscine olympique de l'établissement, inaugurée à l'automne. "On passe notre vie ensemble", plaisante le duo de nageuses synchronisées. C'est l'heure de leur premier entraînement du jour. T-shirt vermillon assorti aux baskets, Solène, 17 ans, a intégré l'INSEP l'an dernier : elle faisait partie du pôle espoirs d'Angers en natation. "On a toutes les structures sportives sur place. Et les professeurs s'adaptent à notre emploi du temps", se réjouit l'athlète, en terminale S pour se laisser "le choix des formations".

Ici, on mène un double projet. C'est la réussite de la carrière sportive... et des études.

Arrivées à destination, Inesse et Solène filent aux vestiaires. Maillot de bain une pièce, bonnet, pédiluve... tout est prêt pour se jeter à l'eau. "5, 4, 3, 2, 1..." Leur entraîneuse, Laure Obry, mène la chorégraphie au micro sur fond de "Mamma mia", le tube d'Abba. La plupart des jeunes sportifs ont un entraînement le matin et un autre l'après-midi. Si le sport ne perturbe pas les études et vice versa, l'un prend parfois le dessus sur l'autre. "Le championnat d'Europe junior se déroule à la fin juin, avertit Laure Obry. Inesse et Solène passeront donc leur bac en septembre." Les deux athlètes prépareront leur examen à l'INSEP en août.

Même les blessés ne chôment pas

Dans la salle de boxe Jean-Letessier, un autre élève de terminale S ne s'entraîne pas. Pour Killian, jeune basketteur de 18 ans, c'est l'heure de la séance hebdomadaire de réathlétisation (rééducation du sportif blessé). "Allez, accrochez-vous !", martèle Sabine Juras, préparatrice physique, à la dizaine d'athlètes blessés, cramponnés aux machines. Chrono en mains, elle maintient un rythme effréné. Les jeunes geignent, mais s'accrochent. "Hormis les cours et les entraînements, ils accumulent aussi de la fatigue lors des déplacements pour les matches, explique la préparatrice. Les temps nécessaires à la récupération sont donc très faibles." Pendant plus d'une heure, elle leur fait travailler l'aérobie, la force, la vitesse ou l'agilité en appuyant là où ça fait mal. Son but ? Que ces jeunes athlètes reviennent vite aux entraînements, à la compétition, et qu'ils puissent poursuivre leur scolarité en toute sérénité.

Nourrir son corps et son esprit

Au terme de la séance, c'est l'heure du déjeuner. Dans ce self-service lumineux de deux étages, le sportif a le choix. Salades, plats chauds avec viandes ou poissons... et même des fruits. Mais attention, les sodas sont bannis. "Le midi, c'est assez rapide, confie Emmanuelle, 16 ans, basketteuse en première S, son dessert dans les mains. On sort de l'entraînement vers 13 heures, on se change et on doit manger en une demi-heure." Interne, comme 369 autres sportifs, Inesse finit de déjeuner. "Je vais faire une petite sieste dans ma chambre avant de reprendre les cours."

INSEP - sport - 2016Comme d'autres sportifs blessés, Killian, basketteur de 18 ans, participe à sa séance de "réathlétisation", pour reprendre le rythme de la compétition et de la scolarité en toute sérénité. // © Florence Levillain pour L'Étudiant

À 14 h 15, la sonnerie ne l'attend pas. Le ventre plein et deux heures d'entraînement dans les jambes, l'attention des élèves de la terminale S est plutôt faible. "Homère est un philosophe, pas un personnage des Simpson !" lance Stéphane Floccari, le professeur de philosophie, devant une erreur d'orthographe, provoquant les rires de la classe. Pendant que Solène et Killian lisent un texte de Hegel sur l'esthétique, certains tombent dans les bras de Morphée. La voix de l'enseignant ne les réveille pas. "Ils bûchent de 7 h 45 à 22 heures. Ils sont fatigués par leurs entraînements et n'ont pas le temps de se reposer."

Même sportif, on prépare sa reconversion

À quelques enjambées de Platon, Zachari s'entraîne en musique dans la salle de gymnastique Émilie-Le Pennec. Baptisée ainsi en l'honneur de l'ex-pensionnaire de l'INSEP, qui fut, en 2004, à 16 ans, la première Française championne olympique de gymnastique artistique. Zachari, lui, en a 19. Le gymnaste est arrivé à l'école en 2013 et y a passé un bac scientifique."Ici, il y a un centre médical, des kinés, de la balnéothérapie... Bref, j'ai tout pour me sentir bien." Barres parallèles, cheval d'arçon, anneaux ; le jeune homme et ses camarades tricolores se frottent les mains de magnésie avant de s'exercer aux agrès. "Zachari est doué au sol et au saut", se félicite Damien Millot, son entraîneur. Le jeune homme souriant est désormais en première année de licence STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives). "Je me suis dit que, durant ma carrière sportive, je pourrais saisir des opportunités." Et avec la cellule orientation de l'INSEP, il prépare déjà son avenir. "Je souhaiterais poursuivre mes études en école de commerce." Suspendu à sa barre fixe, Zachari enchaîne éléments d'élan, rotations et parties volantes sous les encouragements de ses camarades. Dans le sport comme dans les études, pour réussir, il faut viser haut.

Se former à l'INSEP

Pour intégrer l'INSEP, les jeunes sont sélectionnés sur proposition de leur fédération sportive selon leurs performances, leur profil et le quota d'athlètes attribué à chaque sport.
32 formations sont proposées. Pour les formations extérieures, le centre bénéficie de nombreux accords avec des écoles tels l'IUT de Montreuil, l'école de management de Grenoble ou l'Institut de formation en soins infirmiers Jean-Baptiste-Pussin. 149 sportifs de l'INSEP suivent des études dans des établissements de l'enseignement supérieur. En 2012, 56 % des médaillés aux jeux Olympiques ont été formés à l'INSEP.
730 sportifs s'entraînent chaque jour, dont 150 sont mineurs. 200 entraîneurs les encadrent.
L'INSEP a atteint 98,6 % de taux de réussite au bac en 2015, et 76 % pour les formations universitaires. 144 diplômes y ont été délivrés en 2014.

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