France business school : le destin des quatre écoles depuis leur séparation

Agnès Millet Publié le
France business school : le destin des quatre écoles depuis leur séparation
L'ESC Amiens veut récupérer son grade de master et revenir dans la cour des grandes. // © 
En 2012, quatre écoles - Brest Business School, ESC Amiens, ESC Clermont, Escem - décidaient de fusionner pour créer France business school (FBS), une école de commerce qui se voulait novatrice. Deux ans plus tard, l’expérience est considérée comme un échec et les écoles reprennent chacune leur chemin. Où en sont-elles aujourd’hui ? EducPros revient sur le devenir de chacune.

En juillet 2014, le couperet tombe : France business school (FBS) est un échec, elle disparaîtra en 2015. L’école qui voulait recruter ses élèves différemment, n’a pas convaincu.

Françoise Roudier, aujourd'hui directrice générale de l’ESC Clermont, a vécu l’aventure FBS. Cette école proposait "un nouveau modèle dans le paysage de l’époque, avec un recrutement inspiré des entreprises. Mais sans la force des concours communs, cet établissement qui n’avait pas encore de notoriété, a connu un échec commercial", résume-t-elle.

Se relever après la crise

Éreintés, les quatre partenaires reprennent leur indépendance en 2015 et doivent reconquérir leur légitimité. Mais entre perte du grade de master pour certaines écoles, admissions en chute libre et problèmes financiers : les difficultés s’accumulent.

L’Escem, affaiblie, perd son PGE

L’Escem est l'une des écoles qui sort le plus affaiblie de cet échec. L'école ne récupère pas son grade de master pour son PGE et entre dans une période de turbulences.

Reprise en 2016 par le Groupe Sup de Co La Rochelle (devenu Excelia) et le réseau GES, l’école, qui propose deux bachelors visés à Tours et Orléans, vise la reconstruction d’un PGE, en 2017. Mais, le miracle n’aura pas lieu. "Relancer le PGE demandait trop d’investissement. L’Escem pouvait difficilement retrouver seule un modèle économique", précise Bruno Neil, directeur général Excelia depuis 2017.

Par ailleurs, fin mai 2020, l'association formée entre le réseau GES et Excelia est dissoute. En cause, des difficultés financières et "une forte divergence de vision stratégique des deux partenaires", précise Excelia.

L’Escem disparaît au sein d’Excelia : un second souffle?

C’est en novembre 2020 que l’ex-école de FBS vit son ultime moment : Excelia annonce qu’elle reprend, seule, l’Escem, dont la marque n’existera plus, à la rentrée 2021. Pour Bruno Neil, certains "alumni seront frustrés de cela. Mais on peut voir Excelia comme le groupe qui a sauvé l’Escem. Sans ce rachat, l’école aurait disparu".

Pour Julien Dargaisse, président des alumni de l’Ex-Escem, "ce rapprochement est une bonne nouvelle pour nous et pour les salariés, qui ont désormais un cadre clair, avec un seul capitaine à bord. Quant aux étudiants, leur cursus aura plus de valeur".

En effet, le groupe s’est engagé à garantir aux 550 étudiants la continuité des enseignements et ce, jusqu’à leur diplôme, notamment via ses programmes reconnus. Désormais implantée sur trois campus, Excelia ouvrira son bachelor business à Tours et Orléans, à la rentrée 2021. Objectif : donner "un coup d’accélérateur" à sa stratégie, explique Bruno Neil.

À Amiens, une reconstruction autour du bachelor

Pour l'ESC Amiens, l’histoire commence de la même façon : avec la perte de son grade master puis la fermeture du PGE, l’école est très affectée, en 2015. "Nous avons reconstruit l’école sur son bachelor visé par l’État, un programme non impacté", décrit Yann Tournesac, directeur général de l’École supérieure de commerce d’Amiens, recruté juste après la fin de FBS.

La croissance des effectifs, notamment des apprentis, permet "l’autofinancement" de l’ESC. L'école compte aujourd'hui au total près de 500 élèves et vise 800 étudiants pour fin 2023.

L’ESC Amiens veut revenir dans le jeu

L’école a également fédéré l’activité recherche de ses sept enseignants-chercheurs autour de la notion de gestion du risque avec en ligne de mire : la reconquête du grade de master.

Le cursus grande école, rouvert en 2016, est visé par l’État depuis fin 2019. "Ce qui manque entre le visa et le grade, c’est la recherche. Nous remplissons presque tous les critères mais nous devons encore consolider notre cursus, pour être, à court terme, éligible au grade", estime le directeur.

Jusqu’en 2024 au moins, l’école se positionne comme une école de commerce territoriale, qui recrute 80% d’élèves picards et veut former des managers pour les entreprises du bassin économique local.

L’école clermontoise sur une meilleure ligne de départ

L’ESC Clermont disposait de plus de cartes dans son jeu, en 2015, mais tout n’était pas joué d’avance. Si l’école récupère son grade de master, "il a fallu être très agile car nous sortions d’une crise", analyse aujourd’hui Françoise Roudier.

"Avec cette parenthèse inattendue, nous avons dû repenser entièrement notre stratégie, en innovant et en capitalisant sur nos racines, nos valeurs et nos actifs. En nous appuyant sur notre bonne réputation et en choisissant une stratégie offensive, nous avons relevé le défi", précise la directrice.

En 2016, encore secouée, l’école atteint son plus faible effectif étudiant, mais d’autres voyants sont passés au vert.

ESC Clermont, plus forte qu’avant ?

L’ESC Clermont parvient rapidement à réintégrer la Conférence des grandes écoles (CGE). Et, en 2016, deux étapes majeures sont franchies : l'école obtient pour cinq ans le renouvellement de l'accréditation AACSB et le programme grande école peut, de nouveau, recruter par le concours post-prépa BCE.

À cette date, "nous avions retrouvé nos fondamentaux de grande école de commerce : le grade master, l’AACSB et la BCE. Nous avons pu alors déployer un plan stratégique", indique Françoise Roudier. Puis, l’école décroche les deux accréditations qui lui manquent : Epas, en 2019, pour son bachelor et AMBA, pour le master grande école, en 2020.

Cette dynamique attire et le PGE retrouve ses effectifs d’avant FBS dès 2016. L’école recrute également davantage pour son bachelor et s’appuie sur le développement à l’international. "On a beaucoup travaillé sur l’offre de nos programmes, cœur de notre métier".

Déficitaire en 2015, l’école est à l’équilibre en 2019-2020, notamment grâce à la formation continue et le "soutien indéfectible" de la CCI, des entreprises et des diplômés. Une SAS, créée en 2019, lui apporte une "crédibilité supplémentaire".

Brest Business School : un chemin unique

Comme l’ESC Clermont, Brest Business School a pu rapidement récupérer son grade, réintégrer la CGE et recruter par la BCE. Mais sa reconstruction passe par un chemin unique.

En 2015, BBS redevient une association gérée par la CCI de Brest, avec la Région Bretagne. Mais dès 2016, elle se retrouve fragilisée financièrement et accueille un nouvel acteur dans sa gouvernance en 2016 : le groupe chinois Weidong Cloud Education, tandis que la Région Bretagne se retire. Cette entrée fait de Brest BS la première école franco-chinoise de l’Hexagone.

Dai Shen, l’ex-directeur des campus internationaux FBS, a œuvré au rapprochement avec le Weidong. Directeur de l’école depuis 2017, il explique que cette opération "très amicale" a permis d’organiser une "bonne gouvernance" : "Weidong permet la diffusion des programmes et apporte un marché pour la formation continue, et la CCI permet d’accéder au tissu économique local pour les contrats d’alternance".

Trois axes de développement qui s'appuient sur d'importants fonds propres

Dans le panier de la mariée, Weidong apporte 7 millions d'euros pour 2016-2020. Et si le directeur précise que l’école est toujours en déficit, il espère un retour à un solde positif "cette année ou l’an prochain".

Depuis 2017, l’école mise sur la digitalisation des programmes et l’apprentissage, qui atteint parfois "70% des promotions de M2", déclare Dai Shen. Surtout, elle se déploie à l’international : BBS compte 50% d’internationaux (notamment via des partenariats au Maroc) et développe la formation continue en Chine.

Mais tout n’est pas encore joué. "Au niveau académique, l’école a dépassé son niveau d’avant", estime Dai Shen, "mais nous devons attirer davantage d’élèves hors du bassin régional", car l’école manque de candidats post-prépa.


Que reste-t-il de France business school ?
Les anciens partenaires sont presque tous unanimes : rien. Ni dans la pédagogie, ni dans les modes de recrutement. Les connections entre les quatre écoles ne sont pas particulièrement fortes et si les chefs d’établissements se croisent dans les instances et peuvent avoir noué des "liens amicaux", aucun partenariat privilégié n’est revendiqué.

"En 2014, chaque école a tenté de revenir sur le marché avec sa propre gouvernance et sa propre équipe. À Clermont, FBS a eu un impact jusqu’en 2017. Depuis, ni les élèves, ni les entreprises ne nous en parlent. La page est tournée", constate Françoise Roudier. "FBS est révolue et oubliée", abonde Yann Tournesac, de l’ESC Amiens.

Une voix diffère, celle de Dai Shen. "Le PGE de Brest Business School s’est fortement inspiré de celui créé par FBS, avec une forte dimension internationale, de l’apprentissage, des cours renforcés dans l’entrepreneuriat et l’innovation. Si ce projet a été un accident industriel, il ne faut pas penser que tout a été négatif".

Agnès Millet | Publié le