Décryptage

Comment la transition numérique peut faciliter l'emploi des personnes en situation de handicap

Le taux de chômage des personnes handicapées reste à 12%, c'est 5 points de plus que celui de la population générale.
Le taux de chômage des personnes handicapées reste à 12%, c'est 5 points de plus que celui de la population générale. © WavebreakmediaMicro / Adobe Stock
Par Rachel Rodrigues, publié le 20 novembre 2023
5 min

De nombreux outils numériques permettent déjà de compenser certaines situations de handicap et facilitent le maintien dans l'emploi des personnes concernées. Mais leur accessibilité reste encore un défi pour les recruteurs.

Après plusieurs emplois dans la restauration et en tant qu'agent commercial en gare, Adrien a voulu se reconvertir : "j'avais envie de me prouver que j'étais capable de faire un travail plus réfléchi, moins dans l'action", explique-t-il.

Aujourd'hui, le Lyonnais de 34 ans est en alternance en tant que développeur informatique dans une entreprise du numérique, après s'être formé pendant plusieurs mois grâce à LADAPT (L'association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées)

Il y a dix ans, il a connu une situation de handicap psychique qui ne lui permettait plus d'être recruté pour quelque métier que ce soit. "Je n'ai pas ressenti de discrimination particulière, avec le recul, je sais que je n'étais pas apte à ce moment-là", admet-il.

Un taux de chômage encore élevé pour les personnes en situation de handicap

Comme lui, nombre de personnes en situation de handicap ont encore du mal à s'insérer professionnellement. "Le taux de chômage des personnes handicapées reste à 12%, c'est 5 points de plus que celui de la population générale qui se situe autour de 7%", rappelle Philippe Berranger, directeur de plaidoyer de LADAPT.

Pour cause, selon lui, un niveau de formation plus bas, une mobilité géographique moins évidente, et des périodes de chômage de longue durée qui n'incitent pas les employés à recruter.

Pourtant, la législation prévoit un taux d'emploi obligatoire minimum de 6% des personnes en situation de handicap. "On est plutôt autour de 3,5 dans le secteur privé, et 5,4 dans le secteur public", affirme Philippe Berranger, qui pointe une marge de progression significative dans le privé, notamment dans les PME "qui manquent souvent de moyens pour accompagner correctement leurs collaborateurs en situation de handicap".

Le numérique pour plus d’accessibilité

De nombreuses solutions numériques existent pour compenser certaines situations de handicap au travail. Transcription en braille pour les personnes déficientes visuelles, lecteurs d'écran et agrandisseurs de caractère, logiciels pour écrire sur ordinateur en utilisant sa voix et non le clavier…

"Les possibilités sont nombreuses", admet Véronique Bustreel, directrice de l'innovation à l'Agefiph, association co-organisatrice de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, qui se tient du 20 au 26 novembre 2023, sur le thème du numérique. Seulement, une fois identifié par l'entreprise, le matériel adapté peut parfois mettre du temps à arriver : "cela peut compromettre les débuts de contrats ou les périodes d'essai pour les CDI des personnes qui viennent d'arriver", précise-t-elle.

Une situation bloquante qui peut aussi refroidir de nombreux recruteurs. "Ne pas avoir le bon outil au bon moment, ça peut être un frein important", ajoute Véronique Bustreel.

"Certains employeurs peuvent se retrouver à patiner devant un marché d'outil sans savoir lequel choisir" sans l'aide d'un service RH formé ou d'un ergonome, précise Christophe Guérin, cofondateur de WeSiReport, un outil destiné à sécuriser les parcours professionnels des personnes handicapées.

À ce sujet, une plateforme de prêt de matériel doit être déployée dans chaque région d'ici fin 2024. L'objectif : faciliter les mises en relation entre recruteurs et prestataires de services pour l'obtention d'outils numériques.

Un vivier d'emploi dans le numérique

Le secteur est d'autant plus central pour l'emploi des personnes en situation de handicap qu'il est en croissance, depuis plusieurs années. Plus de 661.000 personnes y travaillent, selon Numeum.

"C'est aussi un domaine en tension", ajoute Philippe Berranger. À ce titre, près de 85.000 postes dans le secteur n'étaient pas pourvus en 2022, rapporte l'Institut Montaigne.

Par ailleurs, de nombreux métiers du numérique sont déjà adaptés aux personnes en situation de handicap. Souvent axés sur des missions bureautiques, ils rendent possible le recours au télétravail, ce qui "permet de s'affranchir des contraintes de déplacement", détaille Christophe Guérin.

Lutter contre l'illectronisme

"Il faut que les personnes en situation de handicap soient bénéficiaires de ce boom", affirme Véronique Bustreel. Or l'enjeu est de taille puisque, selon elle, le besoin de formation reste encore important pour éviter qu'une "fracture d'usage" ne se développe.

Les personnes en situation de handicap ont tendance à être plus éloignées du numérique, d'où la nécessité de les y acculturer. En outre, quand la volonté y est, une forme d'autocensure peut faire barrage.

"Nous sommes confrontés à des personnes qui ne sont pas toujours conscientes de leur capacité à exercer certains métiers", déplore Véronique Bustreel. Nombre d'entre elles manquent de confiance et "ont du mal à exprimer leurs désirs et leurs envies professionnelles", ajoute Christophe Berranger.

C'est à ce titre qu'Adrien a pu se former auprès de LADAPT, en apprenant "les bases de l'algorithmique et du fonctionnement des processeurs", mais aussi en réfléchissant à son orientation grâce des cours en groupe et des entretiens personnalisés. Aujourd'hui, il se dit fier d'un métier qui "implique de la rigueur et de la persévérance dans la résolution de problèmes".

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