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Bizutage à Dauphine : "Ces pratiques n’étonnent personne parmi les étudiants"

mis à jour le 08 novembre 2011
1 min


Radiée. Tel est le sort de la JAPAD (Jeune association pour la promotion des activités à Dauphine), décidé par le président de la prestigieuse université parisienne samedi 5 novembre 2011, suite à une plainte pour bizutage « en lettres de sang » sur le corps d’un étudiant voulant la rejoindre. Comment réagissent les élèves de Paris-Dauphine ? Quelle image avait cette association, principale organisatrice des galas de l’établissement ? Témoignages
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La décision de Laurent Batsch n’a pas tardé : après qu’un étudiant de licence a porté plainte suite à un bizutage lors d’une session « de recrutement » de la JAPAD, le président de Paris-Dauphine a non seulement fermé l’association, mais a aussi convoqué un conseil de discipline et engagé l’université comme partie civile aux côtés de la victime. Celle-ci se serait fait graver de force les initiales JAPAD sur le dos avec une capsule de bouteille. L'association organise le gala annuel de Dauphine, le week-end de désintégration (WED) des masters, la semaine de ski-études... Elle est connue de la plupart des étudiants.

« Réputation élitiste et sulfureuse »

Dans les couloirs de Dauphine, les membres de l’association Japad étaient facilement identifiables : sweatshirts ou doudounes siglés au nom de l’association, carrures de rugbymen pour les garçons, et réputation de fêtard pour tous. Une réputation que des pratiques de recrutements « élitistes » et sulfureuses viennent émailler. « Pour s’y faire accepter, certains étudiants dorment dans un placard, se laissent uriner dessus, voire pire, raconte une étudiante qui souhaite garder l’anonymat. C’est la stupidité même. Une fille avait même eu un sexe sur l’épaule et a été forcée de ‘lui parler’. La Japad a la réputation d’être très gore ». Et d’ajouter : « Les bavures n'étonnent personne, mais là ils sont tombés sur un mec un peu plus intelligent qui a porté plainte. »


« Pour y entrer, il faut être prêt à faire pas mal de choses »
Un autre étudiant lance : « Pour être recruté, il faut connaître quelqu’un ou être le fils d’un ancien membre de la Japad ». Et selon un autre élève de licence, le rite de recrutement n’est pas un secret : « Quand tu entres à la Japad, il faut montrer que tu es un peu fou dans ta tête, que tu es prêt à faire pas mal de choses, à être dévergondé jusqu’au bout. Elle a une réputation un peu trash. Elle organise 3-4 grosses soirées par an et ses membres sont très soudés. Aux soirées de la Japad, prendre 10 « shots » de vodka ou manger quelque chose les yeux bandés fait partie du programme pour le potentiel recrutement des nouveaux. » Un ancien de l’association réfute : « Pour moi, le recrutement a duré 20 minutes devant des étudiants plus âgés et on ne m’a posé que des questions sur mes motivations pour rentrer dans l’association ».


« Ecole de la vie »
Beaucoup d’étudiants interrogés sur le campus de Dauphine deux jours après la fermeture de la JAPAD font pourtant rimer l’association avec alcool. « La plupart des membres des associations boivent jusqu’à se faire vomir, raconte l’étudiante de Dauphine. Il y a une omerta depuis des années là-dessus et la Japad fait partie des pires ». Une autre en première année de licence l’affirme : « Pour les séances de recrutement, certains racontent qu’il faut boire une bouteille de vodka et que des membres en cagoule regardent la recrue se saouler ».

Des dérives qu’un ancien de la Japad dément : « En 4 ans, de 2005 à 2009, je n’ai jamais vu de tels bizutages. Les gens nous font passer pour ce qu’on n’est pas, alors que cette association fait vivre Dauphine en la rendant particulière parmi les universités. La semaine de ski-études, par exemple, rassemble des profs de Dauphine depuis 20 ans, et est soutenue par l’administration. Cette association compte une trentaine de membres actifs et 350 anciens dont certains sont dans le corps professoral de l’université. Pas un seul membre n’a quitté cette association depuis 30 ans et ils l’adorent tous. Ce qui s’est passé aurait pu se passer dans une des 70 autres associations de Dauphine. La Japad est une école de la vie ». L’association ne compte que quelques dizaines de membres mais s’appuie sur un réseau d’anciens encore actifs, notamment dans l’organisation des soirées. « Les membres sont issus de milieux très aisés. Ils voient leur entrée dans la Japad comme un investissement personnel, pour avoir les bons contacts ou entrer dans les bons masters », indique une étudiante dont l’une des amies de lycée avait intégré l’association, avant de la quitter « pour se consacrer à ses études ». L’étudiant qui a porté plainte a lui aussi repris le chemin des cours lundi 7 novembre. En attendant les conclusions du conseil de discipline prévues d’ici la fin du mois.


Fabienne Guimont
7 novembre 2011

 

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