Reportage

Des étudiants de l'Institut Bocuse ouvrent un restaurant éphémère : "C’est une expérience incroyable"

Les étudiants en cuisine à l'Institut Bocuse de Lyon.
Les étudiants en cuisine à l'Institut Bocuse de Lyon. © Amélie Petitdemange
Par Amélie Petitdemange, publié le 23 janvier 2023
7 min

Ce projet de fin d’études des étudiants du bachelor management international des arts culinaires est une expérience riche et formatrice qui laisse place à leur créativité. Reportage à Lyon.

À peine passé la porte du restaurant, des étudiants vêtus de noir prennent nos manteaux. La salle est petite, une trentaine de couverts sont dressés. C’est Clara, étudiante en troisième année de bachelor management international des arts culinaires, qui s’occupe de notre table. L’étudiante est cheffe de projet pour la création de ce restaurant éphémère, nommé Öko. "Cela vient de 'ökologie', qui signifie écologie en allemand", explique-t-elle.

À la fin de leur cursus, les étudiants de ce bachelor de l’Institut Bocuse, à Lyon (69), doivent réaliser un projet de fin d’études d’envergure. Ils créent un restaurant éphémère, de A à Z : concept, marketing, financement, décoration, conception du menu, réalisation des plats, service…

Explorer tous les aspects d'une création de restaurant

Des groupes de 24 étudiants réalisent ce projet à tour de rôle. Ce premier groupe à créer un restaurant éphémère s’est divisé en plusieurs équipes : finances, marketing, sponsoring et RH ; conception, nutrition et kitchen design. Une fois le restaurant ouvert, ils se répartissent entre la salle et la cuisine.

"Parfois, certains étudiants veulent passer d’une équipe à l’autre afin de voir différents postes. Pour le projet Öko, l’accent est mis sur l’assiette. Il y a donc besoin de plus d’étudiants en cuisine et d’une équipe centrée sur la créativité des menus", relate Marielle Salvador, responsable pédagogique du projet Restaurant éphémère.

Chercher des financements comme de vrais restaurateurs

"Quand on arrive dans cette salle, tout est blanc. C’est un défi de tout habiller, sachant qu’il est interdit de peindre ou d’accrocher des tableaux aux murs. Le nerf de la guerre, c’est de créer la décoration sans budget. Sans chaises ni tables, impossible d’accueillir de clients !" raconte Clara.

L’école verse 300 euros par projet et les étudiants doivent chercher eux-mêmes le reste du financement. Une équipe "sponsoring" a donc démarché des restaurants, des artistes… pour obtenir du mobilier, de la vaisselle et de la décoration. Les menus ont par exemple été réalisés gratuitement par une artiste lyonnaise.

reportage Bocuse
Les menus peints par une artiste locale/ © Amélie Petitdemange.

Un concept de restaurant autour de l'écologie

De la cuisine à la salle, tout est pensé autour de l’écologie et de l’anti-gaspillage. Les verres, carafes et vases viennent de la boutique Culo, qui les réalise à partir de bouteilles de vin. Les tableaux sont réalisés par un artiste qui utilise d’anciennes toiles pour en créer de nouvelles. Et en cuisine, le défi est de ne rien jeter.

"Quand on commande un légume, on ne jette rien. La bouchée de topinambour servie en entrée est par exemple faite avec les résidus du plat au topinambour. Pour le céleri et le poireau, c’est pareil : on ne jette absolument rien. Les verts de poireaux sont utilisés dans une sauce, les restes de céleri sont transformés en poudre et mis dans les pâtisseries. Quant à la saucisse de cochon, elle est faite à partir d’une tête de porc qui est habituellement jetée", explique Chadi, l’étudiant chef de cuisine pour ce projet.

Pour Marielle Salvador, les projets réalisés par les étudiants sont le signe des nouvelles tendances dans le métier. "Nous sommes de plus en soucieux de l’environnement, y compris en cuisine", confirme Clara.

reportage Bocuse
Clara et Chadi, étudiants en bachelor management international des arts culinaires à l'institut Bocuse./ © Amélie Petitdemange.

Synthétiser trois ans de formation en arts culinaires

Ce projet, qui s’étend sur trois mois, est une prise de recul à la fin du bachelor. "L’objectif, c’est de synthétiser et d’appliquer ce qu’ils ont appris pendant les trois ans de formation", explique Marielle Salvador. Pendant toute la durée du projet, les étudiants sont suivis par des formateurs et doivent s’adapter au fil des évaluations.

Le premier jour de l’ouverture du restaurant éphémère, les étudiants organisent un "soft opening" avec une quinzaine de personnes de l’école : tuteurs, chefs… Après ce déjeuner, l’équipe pédagogique fait des retours aux étudiants. Objectif : s’adapter pour l’ouverture au public qui a lieu le soir même.

"Nous avons fait quelques remarques, notamment sur le service en salle. Nous ne comprenions pas le concept, il manquait des explications avant de nous servir. En revanche, le dressage des plats était très beau. Au niveau de la carte, c’est un des plus beaux projets que j’ai vus", confie Marielle Salvador.

"Nous avons la chance d’expérimenter"

"Pour arriver à ces plats, il y a un boulot énorme en cuisine. C’est très fatigant mais c’est une expérience incroyable. J’adore ce projet", témoigne Chadi. En cuisine, le poste de chef lui permet de développer ses compétences culinaires mais aussi managériales. "Tout le monde a une personnalité différente, il faut adapter sa communication".

Pour lui, c’est aussi une occasion de tester un concept sans prendre trop de risque. "Dans la vraie vie, c’est notre argent. Si le restaurant ne fonctionne pas, on fait faillite. Là, nous avons la chance d’expérimenter", souligne le jeune homme.

Un travail prenant mais satisfaisant, ajoute Clara : "On se réveille et on se couche en pensant au projet. Mais c’est très satisfaisant de voir à table des plats que l’on trouve beaux".

Présentation orale devant un jury

À la fin de la semaine, le projet se conclut par une soutenance devant un jury. "Ils doivent présenter leurs projets comme si nous étions des investisseurs. Il y a des chefs, des experts en finance, en design…", raconte Marielle Salvador. Les étudiants sont notamment évalués sur leur business plan et sur la soutenance en elle-même.

Enfin, un chef les évalue pour le côté pratique en cuisine. Les étudiants se notent aussi entre eux, sur le dressage des tables par exemple. Enfin, une auto-évaluation vient compléter la fin du projet et le tout donne une note globale.

Tout au long de l’année, les groupes se succèdent. Six autres projets de restaurants éphémères verront donc le jour dans les mois à venir. Le prochain groupe ouvrira un restaurant sur le thème du "desordining" : ils utiliseront des techniques de pâtisserie pour réaliser les plats.

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