Enquête

APL : ces 5 € en moins qui déclenchent la colère des étudiants

CAF
Les aides au logement versées par la CAF vont diminuer de 5 euros par mois à partir d'octobre. © Laurent Cerino/REA
Par Étienne Gless, publié le 24 juillet 2017
5 min

"Économies sur le dos des étudiants", "massacre à coups de rabot budgétaire", "aggravation de la précarité étudiante"... La baisse de 5 € par mois de l'aide personnalisée au logement suscite l'indignation des étudiants et au-delà.

Le montant paraît modeste et symbolique : 5 € par mois de baisse de l'aide personnalisée au logement (APL) soit 60 € par an. Mais cette mesure annoncée par le gouvernement le 22 juillet 2017 choque les étudiants, pour qui "5 € ça compte". Cette coupe budgétaire, mise en place à partir d'octobre 2017, touche quelque 800.000 étudiants qui bénéficient chaque année de l'APL versée par la caisse d'allocations familiales (CAF) pour un montant moyen de 225 €. L'ALS (Allocation de logement social) est également touchée par cette baisse de 5 €.
"Je trouve cela bête de baisser les APL, même si le montant annoncé – 5 € – semble dérisoire. Ce sont des économies de bouts de chandelle sur un poste de dépenses qui n'aurait pas dû être visé en priorité" estime Adrien, 24 ans. Titulaire d'un master 2 de recherche à Lyon, Adrien touchait 212 € d'APL l'année universitaire écoulée. Il vient de renouveler sa demande d'aide pour la rentrée 2017-2018. "J'ai trouvé un logement à Paris pour suivre des études de journalisme à l'IPJ", explique le jeune homme.

Le logement pèse lourd dans le budget étudiant

"J'ai été très choqué quand j'ai découvert cette mesure via les réseaux sociaux. 5 € pour moi ce n'est pas rien dans mon budget, remarque Anouard, étudiant en L3 d'économie à Lille. Le jeune étudiant loue 440 € un studio de 25 m2 à un particulier et touche 170 € d'aide personnalisée au logement. "Même avec l'aide, le loyer représente encore 50 % de mon budget mensuel", calcule Anouard qui envisage de sacrifier sa mutuelle à 12 € si la mesure est appliquée.
Pour Anouard et une majorité d'étudiants, le logement représente plus de la moitié de leur budget mensuel. "À notre échelle 5 € par mois, c'est beaucoup. 60 € sur un an c'est une semaine de nourriture pour trois personnes", calcule de son côté Benjamin, 21 ans, étudiant en biologie (L3) à l'université d'Orléans. Boursier échelon 5, Benjamin s'estime plutôt bien loti : il touche 224 € d'APL par mois, son logement au sein de la résidence du CROUS lui coûte 409 € par mois. "Avec ma bourse je peux payer mon loyer et subvenir à mes besoins. Mais j'ai des amis qui doivent se priver de manger la dernière semaine du mois pour payer leur loyer", s'indigne le jeune homme.

Une nouvelle atteinte à la poursuite d'études

Le sentiment de colère et d'injustice éprouvé par les étudiants a tout de suite été relayé par les organisations qui les représentent. Pour la FAGE, premier syndicat étudiant, ce coup de rabot budgétaire est une mesure "dangereuse et injuste" qui s'ajoute à la détresse des "bacheliers sans fac" : "Deux mois c'est le temps qu'il a fallu au gouvernement pour s'attaquer au porte-monnaie des étudiants ! Alors que 60.000 bacheliers sont en détresse faute d'affectation dans APB, la poursuite d'études se voit aujourd'hui doublement remise en cause", dénonce Jimmy Losfeld, son président. Le syndicat appelle le gouvernement d'Édouard Philippe à ouvrir une vraie réforme des aides sociales et à lancer le plan de 80.000 logements annoncés dans le programme du candidat Macron.

De son côté l'UNEF "appelle le gouvernement à reculer sur sa volonté de baisser les APL" : "Encore une fois on fait des économies sur le dos des étudiants", juge Lilâ Le Bas sa présidente. L'UNEF voit dans cette baisse programmée des APL une dégradation des conditions de vie et une atteinte à la réussite universitaire. Elle appelle à signer une pétition en ligne et réclame l'augmentation de 20 % des APL, l'encadrement des loyers dans les villes universitaires et la construction de logements CROUS.

Double discours fustigé

"On condamne un double discours : communication de soutien aux étudiants à travers le gel des frais d'inscription d'une part, économies à contresens pour leur situation d'autre part", dénonce pour sa part Quentin Panissod, président de Promotion et défense des étudiants (PDE) qui regroupe des étudiants en écoles d'ingénieurs, en psychologie ou en gestion et réclame également le retrait de la proposition.
Pour Solidaires étudiant-e-s enfin, "diminuer les APL, c'est aggraver la précarité étudiante. Ces aides sont vitales faute de mieux" explique un porte-parole : "Macron massacre à coups de rabot, tranche par tranche et euro par euro les droits des étudiant(e)s".
Au delà des organisations étudiantes, la Fondation Abbé Pierre a elle-aussi dénoncé ce choix du gouvernement qui "pénalise les plus pauvres". Aujourd'hui, près d'un quart des étudiants en France vivent sous le seuil de pauvreté. Selon la dernière enquête "Conditions de vie de l'observatoire de la vie étudiante", 46 % des étudiants travaillent durant leurs études dont 20 % exercent une activité qui concurrence fortement la réussite de celles-ci. Cette baisse des APL n'est donc pas sans conséquence pour eux.

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