Témoignage

Ces lycéens d'origine rurale qui ont dépassé l'autocensure

Ne vous autocensurez pas lors de vos choix sur Parcoursup, foncez !
Ne vous autocensurez pas lors de vos choix sur Parcoursup, foncez ! © klikline / Adobe Stock
Par Tom Jakubowicz, publié le 19 février 2024
1 min

Distance géographique, sentiment de ne pas être à sa place, manque d’informations… Pour diverses raisons, les lycéens issus des territoires ruraux s’orientent moins vers des cursus longs et sélectifs. Des étudiants ayant grandi à la campagne racontent comment ils ont dépassé leurs a priori et trouvé leur voie.

"Ne demandez jamais Paris pour les classes prépas, vous ne serez pas prise, ce n’est pas fait pour nous." Salomé Berlioux, directrice générale de l’association Chemins d’avenir, qui lutte pour valoriser la jeunesse des territoires ruraux, se souviendra à jamais de cette phrase prononcée par son professeur de philo dans un petit lycée de l’Allier (03), elle qui a finalement été admise dans toutes les prépas parisiennes qu’elle a demandées.

Un sondage ViaVoice, du 8 janvier 2024, montre que 60% des jeunes interrogés issus de familles de catégorie socioprofessionnelle (CSP) - issus des territoires ruraux, ne se sentent pas capables d’obtenir une licence, contre 49% des jeunes de famille CSP - urbains et 28% des jeunes de famille CSP + urbains.

Pourtant venir d’un milieu rural n’est pas une fatalité pour faire des études. Comme Salomé, Amandine, Sami, Clément et Angèle ont dépassé leurs a priori et se sont lancés dans des études qu’ils ont choisies.

De la campagne à la ville : des parcours "impensables"

Sami, étudiant en 3e année dans une école d’ingénieurs, a fréquenté un de ces lycées ruraux en zone d’éducation prioritaire "où les élèves ne croyaient pas en leurs capacités de faire de grandes choses". Originaire d’une petite commune en Haute-Saône (70), il a eu la chance de tomber sur des professeurs qui lui ont permis de "dépasser ses craintes de s’inscrire en classe prépa".

Il intègre alors une CPGE PCSI (physique, chimie et sciences de l'ingénieur) à Besançon (25), loin des représentations qu’il en avait : "se faire casser par les profs, avoir moins de chances de réussite que les Parisiens". Après la prépa, il obtient l’école de ses rêves, SUPAERO à Toulouse (31). "Pour moi, il était impensable qu’un lycéen de Haute-Saône puisse faire un tel parcours."

Impensable également pour les amis d’Amandine, étudiante en L3 "droit et sciences politiques", qu’elle fasse le grand saut de l’Ariège (09) vers Paris. "J’avais l’impression d’être une traître, de perdre mon accent, mon identité" raconte la jeune étudiante qui vient d’un village de 250 habitants où il y a "plus de tracteurs que de voitures".

Elle échoue au concours de Sciences Po Paris mais choisit le cursus pluridisciplinaire CPES. C’est en écumant les groupes Facebook d’aide au concours de Sciences Po qu’elle en entend parler. "Mes profs ne le connaissaient pas à l’époque, mais maintenant ils le conseillent à leurs élèves" se réjouit Amandine.

Se renseigner pour se rassurer sur son choix d'orientation

Salomé Berlioux, autrice des Invisibles de la République, un livre sur la "jeunesse oubliée de la France périphérique", ne parle pas d’autocensure comme d'un simple "manque de confiance en soi" mais comme un mécanisme lié notamment à un manque d’informations.

Angèle, ingénieure dans un observatoire francilien, en est convaincue : il faut "se renseigner pour se rassurer". Originaire d'un village dans l’Allier, elle atterrit à l’ESTACA, une école d’aéronautique à Laval (53), puis à Guyancourt dans les Yvelines (78). Cela n’aurait pas été possible sans sa marraine, avec qui elle a fourni un important travail de recherche, dès la classe de 1re, pour trouver l’école qui répond à tous ses critères. Pour elle, "la moindre info peut changer la vision d’une personne. L’information, c’est de l’or".

De Woignarue, au beau milieu de la Somme (80), à l’ESCP, une école de commerce, Clément aussi n’a jamais cessé de s’informer pour trouver sa voie, principalement sur Internet. Se décrivant lui-même comme élève moyen, il s’inscrit en droit à la fac d’Amiens (80) pour préparer le coup d’après : entrer en L2 à la Sorbonne et tenter Sciences Po. Mais finalement, il découvre le double diplôme ESCP - Sorbonne. "Je suis la preuve qu’un élève peut se révéler dans le supérieur, rien n’est joué d’avance", souligne cet étudiant en dernière année d’école de commerce.

Ne pas rester seul face à ses doutes

S'informer donc. Mais aussi s'entourer. Le meilleur remède contre l’autocensure ? “S’ouvrir aux autres plutôt que de paniquer seul dans sa chambre", résume Salomé Berlioux. Cela passe par les professeurs, les anciens élèves des formations qui vous intéressent, mais également, "des messages spontanés sur Instagram ou LinkedIn à des professionnels qui exercent les métiers qu’on rêve" conseille-t-elle.

Cela vaut aussi pour l’aspect financier, qui peut être un frein. "Il existe plein de choses mises en place par la région, le CROUS, comme des aides pour ceux qui n’ont pas de logement étudiant", appuie Amandine. Venant d’un milieu modeste, elle s’en sort aussi grâce au baby-sitting et aux étés à la ferme. "Hors de question d’être freinée par l’aspect financier. Ce qui compte, c’est l’ambition et le travail", plaide-t-elle. Après un stage à l’Assemblée nationale, elle dit ne s’être jamais sentie "aussi fière d’être Ariégeoise".

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