Décryptage

Mouvements étudiants : les facs “rebelles”, une réalité ?

Manifestation contre le CPE, le 04/04/2006. Manifestation contre le projet de loi Travail El Khomri, le 17/03/2016.
À Rennes, manifestation contre le CPE, en 2006, (à gauche) et contre le projet de loi Travail El Khomri, en 2016 (à droite). © Jean Claude MOSCHETTI/REA
Par Marie-Anne Nourry, publié le 24 mars 2016
1 min

CPE, loi Travail… À chaque mobilisation étudiante, les mêmes établissements sont pointés du doigt comme les locomotives de la contestation. Le mouvement démarre-t-il vraiment toujours dans ces facs perçues comme "rebelles" ? Sont-elles plus à gauche que les autres ? Leurs étudiants, plus militants ? Analyse de Robi Morder, spécialiste des mouvements étudiants et lycéens et président du Germe (Groupe d'études et de recherche sur les mouvements étudiants).

1. Toujours les mêmes facs bloquées

Rennes 2, Paris 8, Toulouse Le Mirail, Nanterre, Lyon 2, Montpellier 3… À chaque mouvement étudiant, on retrouve les mêmes universités en figures de proue. "Elles ont hérité de traditions militantes qui se transmettent de génération en génération", analyse Robi Morder.

Chacune affiche cependant des caractéristiques propres, une histoire appartenant à l'imaginaire collectif. "Les médias, qui font référence à la mémoire des mouvements précédents, se chargent de les rappeler à chaque nouvelle mobilisation, poursuit cet expert. Ils attribuent aux établissements des qualités et des défauts que vont ensuite intégrer les étudiants qui participent aux manifestations."

2. Les sciences humaines plus engagées

Rennes 2 plutôt que Rennes 1, Lyon 2 plutôt que Lyon 1 ou Lyon 3, Saint-Denis (Paris 8) plutôt que la rue d'Assas… Les filières sciences humaines et sociales sont toujours à la tête des mouvements étudiants.

Un fait immuable qui s'explique par plusieurs raisons d'après Robi Morder : "Beaucoup d'étudiants rentrent dans ces filières par défaut, et les débouchés sont plus incertains que dans d'autres filières", ce qui entretient un sentiment d'injustice sociale. À cela s'ajoute le fait que "le contenu des enseignements comporte plus d'interrogations sur la société que dans d'autres filières".

3. Le militantisme comme tradition

Malgré le turnover des individus, les syndicats reproduisent d'année en année la tradition du militantisme. "Les organisations étudiantes constituent des vecteurs de la mémoire", estime le président du Germe (1). "On parle de dépolitisation de la jeunesse, mais j'observe au contraire que les étudiants d'aujourd'hui sont très engagés, en particulier dans ces universités contestataires."

4. Des syndicats marqués très à gauche

Dans ces facs, les syndicats étudiants les plus présents et réactifs sont souvent étiquetés à gauche. "Dans tous les spectres de la gauche", précise le spécialiste des mouvements étudiants.

Qu'on soit engagé dans une organisation anarchiste ou à l'Unef, le poids de l'histoire sert de référence, de manière implicite. "Paris 8 est toujours caractérisée comme une 'fac rouge', bien qu'elle soit de plus en plus rentrée dans la norme", souligne Robi Morder.

5. Des lieux de débat

Le phénomène "AG", pour assemblée générale, est enfin une constante. "Qu'on prenne 1986 ou 2006, deux années marquées par une mobilisation très forte des étudiants, la représentativité est identique et tout se décide d'abord en AG", rappelle Robi Morder.

Participer à sa première AG est un rite de passage, donc, pour les nouveaux étudiants. Mais si la parole y est ouverte, c'est aussi à la condition qu'elle aille dans le sens du vent.

(1) Le Germe (Groupe d'études et de recherche sur les mouvements étudiants) s'appuie sur les archives de la Cité des mémoires étudiantes.

Vidéo - Paris 8 : les clichés sur la fac vus par ses étudiants

Fac de gauche ? Fac de "pauvres" ? Fac dangereuse ? Fac d'intellos ? En 2013, nous avions demandé aux étudiants de l'université comment ils percevaient tous les clichés qui pouvaient être véhiculés sur leur établissement.

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