Décryptage

"Le sport a été fait par des hommes, pour des hommes" : en STAPS, les stéréotypes de genre ne faiblissent pas

En 2022-2023, 70% des étudiants en STAPS étaient des hommes.
En 2022-2023, 70% des étudiants en STAPS étaient des hommes. © Adobe Stock/Tony Baggett
Par Amélie Petitdemange, publié le 08 mars 2024
1 min

Les femmes sont encore peu représentées en STAPS. Un déséquilibre qui renforce les stéréotypes de genre. Les étudiantes osent peu s'orienter vers les filières sportives, sauf si elles sont liées au social.

Dans la filière STAPS, 70% des étudiants étaient des hommes à la rentrée 2022-2023, selon la C3D STAPS (conférence des directeurs et doyens STAPS). Une disparité accentuée selon la mention choisie.

"Dans la filière APA-S (activité physique adaptée et santé), on retrouve plus de femmes, cela monte à 45%. Cette filière mène à des métiers du social, auprès de personnes handicapées, de personnes âges ou de jeunes enfants. Mais dans les filières entraînement sportif ou ergonomie du sport, qui sont plus tournées vers l'ingénierie, on tombe à 20% d'étudiantes. Ce sont des domaines très stéréotypés", observe Charlotte Schwartz, chargée de mission égalité femme/homme à l'ANESTAPS (association nationale des étudiants en STAPS) et étudiante en master.

Ce déséquilibre a plusieurs incidences pour les jeunes femmes. Selon Charlotte Schwartz, les entraînements sont très peu adaptés à un public féminin. "Par exemple, on ne prend pas en compte le cycle menstruel. Et comme nous avons un corps enseignant très masculin, il y a peu de compréhension concernant les problèmes que peuvent rencontrer les étudiantes."

Des stéréotypes de genre ancrés

Laëtitia est étudiante en master STAPS, mention activité physique adaptée et santé. Elle a réalisé sa licence de STAPS avec la spécialité volleyball. Pour elle, l'ambiance masculine qui y règne favorise les clichés et les stéréotypes envers les femmes.

"On se moque plus facilement des filles, qui vont peut-être courir moins vite, ou être moins à l'aise en foot ou en rugby. Mais certains mecs sont totalement dépassés en gym, donc ça s'équivaut ! Le problème, c'est que les femmes ont souvent intégré ce genre de remarques. On ne les trouve même pas anormales", témoigne l'étudiante de 22 ans.

Une notation différente entre femmes et hommes

Des stéréotypes renforcés selon elle par la notation. Les barèmes de certaines matières sportives sont en effet différents pour les hommes et les femmes. "Du coup, les profs considèrent que les étudiantes vont courir plus lentement, ou sauter moins loin, sans les pousser davantage… Ça fait perdurer le cliché que l'homme est plus fort que la femme, alors qu'on voit bien que ce n'est toujours le cas dans les épreuves", souligne Laëtitia.

Marine est en L2 de STAPS mention entraînement sportif, avec spécialité athlétisme. Dans sa promotion, elle compte une dizaine de filles pour une soixantaine de garçons. Si la plupart des entraînements sont mixtes, ce n'est pas le cas dans certains sports, comme le foot ou le rugby.

"Je comprends ce choix pour le rugby, car il y a une différence physique. Une fille ne veut pas se retrouver face à un mec de deux mètres. Mais au foot, je pense qu'ils nous ont séparés, car ils estiment que nous avons moins de qualités. Pourtant, certaines étudiantes étaient meilleures. Je trouve que ça nous sectorise", affirme Marine.

"Un humour un peu beauf"

Concernant l'atmosphère dans sa classe, elle note que l'humour est différent dans une promo très masculine. "Les garçons ont un humour un peu beauf. Mais tout le monde ne le ressent pas de la même façon, ça dépend de la manière dont on a été éduqué."

La jeune femme de 20 ans a grandi avec deux frères. "Je suis habituée, ça ne me dérange pas. Mais certaines camarades ne se sentent pas incluses, ou prennent mal des piques qu'envoient les garçons pour rigoler", raconte Marine.

Des femmes qui ne se sentent pas les bienvenues

La sous-représentation des femmes dans la filière STAPS est un phénomène qui s'autoalimente. "Souvent, les parents ont peur que leur fille soit entourée seulement de garçons toute sa scolarité si elle choisit STAPS", pointe Laëtitia.

"Il y a beaucoup de femmes qui ne veulent pas s'orienter dans cette filière, car il y a trop d'hommes. On se dit que c'est réservé aux hommes même si c'est totalement faux", ajoute Marine.

Pour enrayer cette situation, il faut, selon elle, davantage représenter les femmes qui sont en STAPS. Mais aussi expliquer que cette filière ne se cantonne pas au sport, avec des enseignements disciplinaires théoriques.  

Changer le monde du sport

Le manque de parité en STAPS est aussi le reflet d'une société encore inégalitaire. "En spécialité entraînement sportif, on nous apprend qu'il faut sacrifier sa vie pour les métiers du sport, passer beaucoup de temps en entraînement, et que c'est donc très difficile d'avoir une vie de famille. Les jeunes femmes ont été conditionnées à devenir mère un jour, et ne se retrouvent pas dans ce schéma", explique Charlotte Schwartz.

Pourtant, arriver petit à petit à un monde sportif plus égalitaire passe notamment par les jeunes générations. "Le sport a été fait par des hommes, pour des hommes. On trouve très peu de femmes dans les instances dirigeantes ou parmi les entraîneuses. C'est au sein de la filière STAPS que l'on peut casser cela", assure Charlotte Schwartz.

Mettre en place un référent égalité en STAPS

Si chaque université doit avoir un référent égalité et diversité, l'ANESTAPS demande qu'une personne soit dédiée à la filière STAPS. "Il y a des spécificités dans cette filière, par exemple dans les relations entre entraînée et entraîneur, et entre professeur et étudiante", explique Charlotte Schwartz.

Elle plaide également pour la création d'une cellule pour signaler les violences sexistes et sexuelles. Enfin, elle appelle à une sensibilisation du corps professoral, du corps administratif et des étudiants concernant ces violences.

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