Reportage

Pédagogie : ça bouge à Sorbonne Universités !

Des élèves de Paris 4 Sorbonne et de l'UPMC mettent en mouvement le phénomène biologique de la mitose.
Des élèves de Paris 4 Sorbonne et de l'UPMC mettent en mouvement le phénomène biologique de la mitose. © S.Blitman - avril 2016
Par Sophie Blitman, publié le 18 avril 2016
5 min

Et si vous appreniez la biologie en dansant ? Ce n'est pas une boutade mais une approche pédagogique innovante, appelée kinesthésie. Reportage à Sorbonne Universités, où des étudiants découvrent cette démarche surprenante et néanmoins efficace.

C'est une chorégraphie pour le moins atypique. Dans la salle de danse de la Sorbonne Clignancourt, six étudiants vêtus de dossards jaunes et verts se meuvent lentement : ils figurent les branches de trois chromosomes qui s'écartent sous l'impulsion des microtubules de centrosomes, eux-mêmes incarnés par quatre de leurs camarades. Pendant ce temps, une jeune fille gracile virevolte autour d'eux, inscrivant dans l'espace la membrane nucléaire de la cellule eucaryote. Bienvenue dans l'univers de la mitose !

En moins de six minutes, la douzaine d'étudiants illustre les différentes phases de la division cellulaire. Un travail à la fois scientifique et artistique, mené dans le cadre d'une unité d'enseignement baptisée "danse et biologie".

Transdisciplinaire, le cours rassemble des étudiants de deux universités, l'UPMC et Paris 4 Sorbonne. La moitié d'entre eux sont donc des "P6" : inscrits en L1 de biologie à l'UPMC, ils suivent le cours dans le cadre d'un Atelier de recherche encadré, module obligatoire validé par six ECTS. Les autres, les "P4", ont choisi cette option sport qui leur apportera aussi des crédits pour obtenir leur licence ou master de sciences humaines.

S'il a attiré certains, l'intitulé du cours a le plus souvent suscité la curiosité, voire la méfiance ou la réticence. Notamment pour ceux qui n'étaient pas trop à l'aise avec l'idée de danser. "Au début, on avait tous un peu peur du ridicule, raconte Micissa, étudiant en biologie. Mais on a travaillé en binôme, ce qui nous a permis de mieux nous connaître, et le trac est parti petit à petit." Notamment grâce aux encouragements bienveillants des deux enseignantes qui animent le cours, elles aussi issues des deux établissements : Nédia Kamech, maître de conférences en  biochimie/bioinformatique à l'UPMC, et Françoise Loakes-Gouju, professeur de danse au SUAPS (Service universitaire des activités physiques et sportives) de Paris 4 Sorbonne.

Echauffement du cours de danse et biologie - Sorbonne Universités.

Bouger pour mieux comprendre

Sur le plan pédagogique, le cours repose sur le principe de la kinesthésie, ou apprentissage en mouvement, une pratique venue du monde anglo-saxon. "Des scientifiques ont montré que le fait de mettre le corps en mouvement sollicite les émotions, alors qu'on peut les brider en laissant les étudiants assis sur un banc, explique Isabella Montersino, professeur agrégée d'italien à Paris 4 Sorbonne et porteuse du projet. Cette approche contribue à faire tomber les inhibitions, ce qui crée des conditions plus favorables à l'apprentissage et à une assimilation plus profonde et durable des contenus disciplinaires." Six autres UE ont été créées à l'UPMC et Paris 4, associant, par exemple, italien et improvisation théâtrale, grec et astronomie, ou encore danse et astrophysique.

Pour Aïssatou, en L1 de biologie, la dimension concrète est particulièrement importante : "Quand on se trompe, on se rend tout de suite compte, visuellement, de notre erreur, par exemple si la membrane nucléaire se détruit au mauvais moment." La mise en espace l'a aussi aidée, explique-t-elle, à "retenir certaines choses, notamment le fait que les ribosomes ne se situent pas dans le noyau mais dans le cytoplasme". Autant de notions qui avaient été abordées de manière plus académique au premier semestre.

Les étudiants de Paris 4, quant à eux, découvrent la "danse à thème", dont la biologie est ici le support. "Ce n'est pas comme une danse lambda, cela permet d'aborder des phénomènes scientifiques et de faire appel à notre créativité", apprécie Hajar, en première année de LLCER (langues, littératures et civilisations étrangères et régionales) anglais.  "J'aime bien l'idée qu'il s'agit d'un travail avec le corps sur le corps : on traduit à l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur de nous", indique de son côté Audrey, en L1 de philosophie. "Et je vais sûrement beaucoup plus me rappeler les notions que j'ai apprises avec mon corps, en les théâtralisant, que si je les avais juste vues sur un schéma tableau !"

Apprentissage par le mouvement à Sorbonne Universités.

S'ouvrir l'esprit et apprendre autrement

Pour certains, comme Noémie, ce cours est aussi l'occasion de se réconcilier un peu avec la science. "La manière dont les P6 en parlent est agréable et donne envie, alors qu'a priori ce n'est pas vraiment mon truc !" souligne l'étudiante en première année de licence LEMA (lettres, édition, médias, audiovisuel). À l'inverse, côté scientifiques, "il a fallu adapter notre vocabulaire pour que les P4 comprennent, mais c'est un bon exercice pour voir si on a vraiment compris", estime Micissa.

Pour les uns comme les autres, l'interdisciplinarité favorise ainsi l'ouverture d'esprit. "À travers la danse, ajoute Nédia Kamech, nous poursuivons aussi des objectifs transversaux liés au savoir-être, notamment la capacité à communiquer et à devenir plus à l'aise à l'oral." "Le cours permet de se libérer, confirme Noémie. On ne peut pas se défiler : tout le monde fait un effort et s'implique vraiment, même si on rigole. Il y a une bonne alchimie dans le groupe", insiste la jeune fille, pour qui, "finalement, c'est une autre façon d'apprendre". Comme dirait – presque – La Fontaine, vous travailliez ? Eh bien, dansez maintenant !

 

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