Reportage

Les étudiants engagés auprès des réfugiés en appellent à plus de courage politique

Restitution des conclusions des groupes de travail sur l'accueil des réfugiés réunis au ministère de l'enseignement supérieur le 10 mai 2016.
Le 10 mai, les acteurs de l'aide aux étudiants réfugiés ont été reçus au ministère de l'Enseignement supérieur. © Isabelle Maradan
Par Isabelle Maradan, publié le 12 mai 2016
1 min

Les initiatives pour accueillir les étudiants réfugiés ou demandeurs d'asile au sein de l'université se multiplient depuis la rentrée de septembre 2015. Nombre d’entre elles sont portées par des étudiants. Ils on été reçus, avec les institutionnels, au ministère de l’Enseignement supérieur, le 10 mai 2016. Une première étape vers une nouvelle politique de l’accueil ?

Au sein des associations qui aident les exilés sur le chemin de la reprise d’études ou de l’apprentissage du français, certains étudiants bénévoles, engagés depuis de longs mois, tirent la langue. C’est le cas d’une militante de RESF Paris VII, qui ne cache pas avoir mis ses études entre parenthèses pour se consacrer à son engagement. "Je passe énormément de temps sur les dossiers, les réunions. J'ai développé une vraie expertise. C'est formateur et intéressant, mais parfois je me dis que si je bossais toutes ces heures pour le ministère, j'aurais un sacré salaire ", lâche-t-elle à l’issue de la matinée de travail organisée par le ministère de l’Enseignement supérieur sur la question de l’accueil des étudiants réfugiés ou demandeurs d’asile.

Démarches compliquées, statuts complexes

Cette invitation sonne pour beaucoup comme une reconnaissance du travail effectué, en tant que bénévole. C'est aussi une occasion pour les participants, associations et institutionnels – dont les incontournables Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) – de travailler ensemble pour pointer les problèmes rencontrés et les points de blocage. Parmi ceux-ci, les démarches très compliquées auxquelles sont confrontés les étudiants réfugiés ou demandeurs d’asile, la complexité des statuts (étudiants, demandeurs d’asile, réfugiés, étudiants) et des droits qu’ils ouvrent, ou encore le manque de guides à disposition traduits dans les langues maternelles des exilés.

"Coordonner les interventions des acteurs"

Le Resome, créé il y a peu pour favoriser l’émergence de programmes d’intégration et d’accompagnement dans le système universitaire (lire encadré) et les autres bénévoles présents, comme Alyette Tristch, fondatrice de Kiron France, à l’origine de la mobilisation des étudiants pour l’accueil des exilés à Sciences po, ou encore des membres de l’association Singa, saluent unanimement cette première initiative ministérielle de réunir l’ensemble des acteurs impliqués. Un premier pas pour faire avancer l’une des problématiques pointées par Camille Demange, du réseau d’entrepreneurs sociaux Makesense, rapporteuse de l’un des groupe de travail lors des ateliers : "Il faut faire connaître les bonnes pratiques – éparpillées et méconnues – engagées sur ce secteur et coordonner les interventions des acteurs."

Le financement, un problème central

Ayant pris connaissance de l’ensemble des suggestions des groupes de travail, Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’est engagé à "créer les conditions pour que la coordination existe", en nommant, notamment, "une personne référente au ministère" sur ce sujet, avant de prendre l’engagement de mettre de l’argent sur la table. "Des moyens financiers limités mais accessibles quasi immédiatement", a-t-il affirmé, sans les chiffrer : "Pas de chiffres, pas de promesses en l’air."

Le financement est l’un des problèmes de taille relevés par les participants. Faute de moyens, l'association Thot, qui dispense des cours de français et délivre un diplôme aux exilés, recourt à la générosité du public, "via une campagne de financement participatif sur Ulule", illustre Héloïse Nio. Des universités, comme celle de Strasbourg, ont fait des efforts sur leurs fonds propres pour offrir des cours de FLE (français langue étrangère) aux réfugiés. Certaines peinent à assurer la pérennité de leurs initiatives.

"Derrière le pratico-pratique, il faut du courage politique"

"Il faut que les institutions ouvrent des espaces de discussions politiques pour se donner les moyens de réfléchir à une nouvelle politique d’accueil vis-à-vis des réfugiés. Nos problèmes pratico-pratiques viennent de décisions politiques non prises ou mauvaises. Décider d’ouvrir un programme pour accueillir les étudiants réfugiés et ne pas le limiter à ceux qui ont le statut, c’est politique. Si on prend l'exemple des repas gratuits pour les étudiants réfugiés, au Crous, ceux qui ont le statut y ont droit, les autres non, c’est aussi politique. Donc, derrière le pratico-pratique, il faut du courage politique. Cette réunion est un début", lâche un membre du Resome, en quittant le ministère.

Le Resome a fait parler de lui en publiant, le 2 mai 2016, une tribune dans "Libération" intitulée "Ils ferment les frontières, ouvrons nos écoles". Ce collectif est composé d'étudiants, de professeurs, de chercheurs et de personnels, de l'EHESS, l'ENS, la Femis, Paris Ouest-Nanterre-la-Défense ou Paris 8.
Réunis aux côtés des réfugiés et des migrants pour favoriser leur accès à l'enseignement supérieur et faciliter leur orientation et leur apprentissage du français, les membres de cette association entendent devenir des interlocuteurs privilégiés pour la construction d'une "nouvelle politique d'accueil". Le Resome souhaite regrouper l'ensemble des acteurs de l'accompagnement des exilés en reprise d'études et développer des antennes régionales.

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