Décryptage

Avec le bac en juin, les élèves auront-ils le temps de préparer le grand oral ?

Le grand oral du bac aura lieu cette année du lundi 24 juin au mercredi 3 juillet 2024.
Le grand oral du bac aura lieu cette année du lundi 24 juin au mercredi 3 juillet 2024. © Adobe Stock/teksomolika
Par Marine Ilario, publié le 07 novembre 2023
6 min

La nouvelle organisation du grand oral et des épreuves écrites du bac font craindre à de nombreux enseignants un manque de temps pour préparer correctement leurs élèves. Ils réclament des heures dédiées à la préparation de l'ultime épreuve de l'examen.

Le grand oral fait l’objet, cette année, de légères modifications dans son organisation : l’échange avec le jury sur le projet d’orientation disparaît au profit de la présentation de la question qui passe de cinq à dix minutes.

Si une majorité d’enseignants saluent ce changement, nombreux sont ceux qui s’inquiètent de la préparation de cette épreuve. En l’absence d’un temps spécifiquement dédié au grand oral et compte tenu des programmes chargés en spécialité, ils craignent de devoir laisser leurs élèves se préparer principalement en autonomie.

En 2024, un grand oral avec plus de fond

Dès 2024, le grand oral s’articulera donc en deux temps : 10 minutes de présentation de la question choisie par le jury, puis 10 minutes d'échange avec les examinateurs.

Globalement, ce changement est bien accueilli par le corps enseignant. Jusque-là, lors de la dernière partie de l'épreuve, "nous n’avions pas de réponse spontanée parce que la question sur le projet d’orientation ne l’était pas non plus", reconnaît Jean-Luc Breton, secrétaire général de l’APLV (l’association des professeurs de langues vivantes). "Si bien que les élèves récitaient une réponse apprise par cœur."

Même sentiment pour Marie-Thérèse Lehoucq, présidente de l’UdPPC (union des professeurs de physique et de chimie), qui admet que "pour certains élèves, ce n’est pas évident de se projeter, ce qui en faisait une partie artificielle du grand oral".

Emilie Bacro, membre du bureau national de l’APBG (l’association des professeurs de biologie et de géologie) regrette ces cinq dernières minutes qui "permettaient de finaliser l’évaluation sur une partie plus libre avec des candidats plus sereins". Toutefois, l’enseignante se réjouit que ce changement apporte plus de fond à l’épreuve.

Pas de temps de préparation dans les emplois du temps

Mais qui dit plus de fond, dit un besoin de préparation plus important. "Se retrouver dix minutes devant un jury sans ses notes, ça ne s’improvise pas", affirme Benoît Guyon, co-président de l’APSES (l’association des professeurs de sciences économiques et sociales).

Une préparation qui doit s'effectuer au lycée, estime Jérôme Fournier, secrétaire général du SE-UNSA. "On estime qu’elle doit être faite en classe parce que cela fait partie de nos devoirs en tant qu’enseignants."

Or, en l’état actuel des choses, aucun temps n’est spécifiquement dédié à la préparation du grand oral. Si bien que les enseignants prennent sur le temps de cours pour accompagner leurs élèves. Or, si l’année dernière, avec le passage des épreuves de spécialités au mois de mars, cette préparation avait pu se faire au troisième trimestre, le nouveau calendrier du bac rebat les cartes pour la session 2024.

Or, en l’état actuel des choses, aucun temps n’est spécifiquement dédié à la préparation du grand oral. Si bien que les enseignants prennent sur le temps de cours pour accompagner leurs élèves. Or, si l’année dernière, avec le passage des épreuves de spécialités au mois de mars, cette préparation avait pu se faire au troisième trimestre, le nouveau calendrier du bac rebat les cartes pour la session 2024.

Programmes trop lourds dans certaines spécialités

Car l'autre enjeu du bac 2024, c'est l'absence de programmes resserrés : désormais l’entièreté des programmes de spécialité peut faire l’objet d’un sujet au bac. Or, quelques associations de professeurs de spécialité alertent sur la lourdeur des programmes qui, cumulée à une préparation du grand oral, leur semble impossibles à tenir.

Certaines spécialités sont plus en difficulté que d’autres. En SES, l’APSES demande une réduction du programme de douze à huit chapitres pour éviter les cours au pas de charge et dégager du temps pour la préparation du grand oral. Même chose en SVT, où les enseignants doivent jongler entre la préparation à l’écrit, aux travaux pratiques (TP) et au grand oral, tout ceci avec sept chapitres supplémentaires par rapport à 2023.

"Si on est dans la course au programme, on sait déjà que les élèves seront abandonnés pour la préparation du grand oral", redoute Benoît Guyon.

La crainte d’inégalités entre les élèves

Sans heures spécifiquement dédiées, les élèves devront donc se préparer seuls au grand oral. "Les heures de TP dévolues pour le grand oral, je ne les aurai plus cette année puisque les épreuves ne seront pas encore passées, avance Emilie Bacro. Je sais déjà que je ne pourrai pas suivre autant mes élèves pour le grand oral."

Un problème non négligeable pour Marie-Thérèse Lehoucq, pour qui cette situation risque d’entraîner des inégalités fortes entre les candidats. "Si, pour certains élèves, plus de travail à la maison n’est pas un problème, ce n’est pas le cas de tout le monde."

Tous les élèves ne pourront pas bénéficier d’un accompagnement à la maison, certains ne peuvent pas s’isoler pour travailler sereinement et d’autres encore n’ont pas facilement accès aux outils informatiques.

La nécessité de dégager du temps pour le grand oral

Pour ne pas tomber dans cet écueil, les enseignants demandent que des heures soient spécifiquement allouées à la préparation du grand oral.

Un besoin qui concerne surtout le troisième trimestre. Car avant de déterminer une question à présenter devant le jury, les élèves ont besoin de découvrir le programme de spécialité.

Pour Marie-Thérèse Lehoucq, "si on croit à l’importance de l’acquisition des compétences orales, il faut réserver des heures pour permettre l’organisation de face-à-face pédagogiques". Une heure hebdomadaire pendant le dernier trimestre pourrait suffire "pour travailler avec nos élèves sur une problématique pertinente, mais aussi s’assurer qu’ils ne vont pas se précipiter sur Internet sans source scientifique", indique Jean-Luc Breton.

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