Décryptage

Le bac ne fait pas son âge !

Par Capucine Roche, publié le 06 juin 2008
5 min

La « baie de lauriers »

 
Cette année, le bac souffle ses 200 bougies. Que de chemin parcouru depuis sa création le 17 mars 1808 par Napoléon Bonaparte ! Au grès de l’évolution des moeurs, de réformes diverses et de débats toujours plus animés, il a traversé des tempêtes mais a aussi remporté de belles victoires. Son étymologie en fait d’ailleurs foi. Issu du terme latin bacca laurea (« baie de lauriers »), représentant la couronne du même nom, il symbolise alors la victoire. Aujourd’hui, il signifie surtout le premier objectif d’une scolarité et, pour la grande majorité des bacheliers, le ticket d’entrée pour des études supérieures.

L’objectif demeure…


Que reste-t-il de commun entre le baccalauréat initial et celui qu’on connaît aujourd’hui ? Pas grand-chose… si ce n’est son intention ! Celle de certifier un certain niveau de connaissances offrant le droit de poursuivre ses études. « Les objectifs de l’examen sont restés les mêmes, en revanche les disciplines évaluées et les modalités d’organisation n’ont cessé d’évoluer », constate Georges Solaux, dans Le Bac, son ouvrage de référence.

… mais les modalités changent


En 1808, l’examen se déroule exclusivement à l’oral et en grande partie en latin ! Il ne porte pas sur le programme abordé en classe de terminale mais teste l’intégralité des connaissances acquises par les candidats… depuis la 6e ! Plus étonnant encore, les matières aujourd’hui reines comme les mathématiques, l’histoire ou encore la géographie sont alors considérées comme accessoires. Elles ne seront imposées qu’à partir des années 1820.

Une démocratisation lente mais certaine


D’abord réservé à une élite. L’évolution des épreuves n’est rien en comparaison de celle du profil des bacheliers. Au XIXème siècle, les candidats sont exclusivement des garçons issus « de la bourgeoisie ou de l’ancienne noblesse », explique Georges Solaux. Les classes populaires sont tenues à l’écart. Le travail aux champs des enfants jouit d’une relative bonne image pour les parents. Surtout, il représente une gratification financière immédiate et nettement supérieure aux études ! Bien que Bonaparte en ait déjà prévu la possibilité, les boursiers (dont les plus célèbres furent notamment Marcel Pagnol ou Georges Pompidou) restent peu nombreux pendant longtemps : 5 % des inscrits à la fin du Second Empire et 11 % à la fin du XIXème siècle. Seule une élite, sélectionnée par la naissance et la fortune, bénéficient de l’enseignement secondaire public et peut donc avoir accès à baccalauréat.

De 30 bacheliers en 1809 à près de 521 180 en 2007 ! C’est la gratuité des lycées, proclamée en 1928, qui va permettre aux couches populaires de commencer à envisager une scolarité complète et de ce fait, le passage du baccalauréat. En 1809, on dénombre seulement une trentaine de bacheliers, puis 8.000 à la fin du XIXe siècle et, enfin, plus de 20.000 à la fin des années trente. Le cap des 100.000 bacheliers est franchi au milieu des années soixante. Mais l’explosion intervient réellement à la fin de cette décennie, à l’apparition du collège unique. Le but à atteindre, proclamé en 1985 par Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Éducation nationale de l’époque, est dès lors d'amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. En 2007, on compte 63, 6 % de bacheliers dans une génération.

Côté notation. L’histoire du baccalauréat fut également marquée par de nombreuses évolutions. D’abord sanctionné par une appréciation (très bien, bien, assez bien ou mal), le système de notation est transformé à la fin du XIXe siècle. Le jury dispose alors de trois boules (épreuves orales uniquement) : une blanche (positif), une rouge (moyen) et une noire (négatif) qu’il dépose dans une urne à chacune des épreuves désormais en vigueur. Huit boules blanches se traduisent par la mention très bien et huit noires par l'échec. Donc pas de moyenne à cette époque. Ce n’est qu'en 1890 que notre système de notation de 0 à 20 apparaît.

Un diplôme constamment ébranlé. A la fin du siècle, les réformes éducatives successives ébranlent constamment l'organisation du bac. En 1874, il se retrouve alors scindé en deux parties (en fin de première et en fin de terminale). Quelques années plus tard, il se sépare en deux bacs : « le classique » d’un part, qui comprend toujours des épreuves de latin et de grec (préparées alors en « classe de rhétorique ») et qui se divise en deux séries (philosophie ou mathématiques élémentaires) et d’autre part « le moderne », sans latin.

Première candidate en 1861. Ce nouveau bac répond à une telle attente qu’à la fin du XIXe siècle, le nombre de bacheliers explose littéralement laissant apparaître de nouvelles séries les années suivantes. Les femmes (Julie-Victoire Daubié est la première à obtenir le diplôme en 1861) investissent enfin progressivement le baccalauréat surtout à partir de 1924, lorsque le programme des collèges et lycées de jeunes filles est aligné sur celui de l'enseignement secondaire masculin. En 1963, un examen probatoire à la fin de la classe de première est créé puis abandonné en 1965 pour laisser la place à des épreuves anticipées de français. 1968 voit la naissance du bac technologique et 1985 celle du bac professionnel.

Sans cesse réadapté, le bac est aujourd’hui un diplôme obtenu par plus de 80 % d’une classe d’âge (83,3 % de réussite en 2007)… Quelle révolution par rapport à l’élitisme des débuts impériaux !

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