Interview

Benoît Hamon : "Chaque jeune recevra un revenu universel d’existence de 600 € par mois"

Benoît Hamon voudrait que, dès 2018, chaque jeune indépendant fiscalement de ses parents reçoive le RUE à partir de ses 18 ans.
Benoît Hamon voudrait que, dès 2018, chaque jeune indépendant fiscalement de ses parents reçoive le RUE à partir de ses 18 ans. © Lydie Lecarpentier/REA
Par La rédaction de l'Etudiant, publié le 20 avril 2017
1 min

Dans une interview réalisée par écrit pour l’Etudiant, Benoît Hamon, le candidat du Parti socialiste, évoque un service civique ouvert aux collégiens et lycéens, une réforme du lycée ou encore un nouveau premier cycle universitaire. Sans oublier un revenu universel d’existence. Cette interview s'inscrit dans une série d’entretiens avec les candidats à l’élection présidentielle, tous sollicités par notre rédaction.

Comment fonctionnera le RUE (revenu universel d'existence) pour les étudiants ?

On ne peut pas améliorer la réussite des étudiants sans lutter contre la précarité. Quand près d'un étudiant sur deux travaille pour financer ses études, la priorité c'est de leur redonner les moyens d'étudier à plein temps.
Dès 2018, chaque jeune, à partir de ses 18 ans, qui se déclarera indépendant fiscalement de ses parents, se verra garantir un revenu universel d'existence de 600 € par mois, auquel pourront se cumuler l'équivalent des bourses et les aides au logement. Tous les étudiants seront donc bénéficiaires du RUE.
Je souhaite également construire 50.000 nouveaux logements sociaux pour les étudiants, je développerai une garantie universelle des loyers et je renforcerai leur encadrement.

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Je revendique la création de nouvelles protections en phase avec les évolutions de la société : l'allongement de la durée des études, le besoin de formation et l'aspiration des jeunes à l'autonomie. Pas simplement en augmentant les bourses ou en rafistolant un système inégalitaire dans lequel l'État dépense autant pour les étudiants les plus modestes avec les bourses que pour les familles les plus aisées avec des déductions fiscales, mais en changeant véritablement de modèle.

Quelles modalités prévoyez-vous pour ouvrir comme vous le souhaitez le service civique aux collégiens et aux lycéens ?

Je veux reconnaître, valoriser et encourager l'engagement volontaire des jeunes. Le service civique universel est actuellement ouvert aux 16-25 ans, sans l'être toutefois ni aux collégiens ni aux lycéens. Il faut envisager d'y remédier.
La loi Égalité et Citoyenneté nous y invite en incitant les élèves à participer à un projet citoyen au sein d'une association d'intérêt général dans le cadre des programmes d'enseignement moral et civique ou à prendre des responsabilités dans la presse, notamment lycéenne. De même, le Parcours citoyen encourage les élèves à s'engager dès que possible dans la vie sociale de l'établissement ou dans une association. Il est important de se saisir de ces nouvelles opportunités qui permettent de développer ou d'acquérir des compétences utiles dans un parcours scolaire ou d'insertion professionnelle. Cela implique d'engager une réflexion sur la valorisation de ces expériences, par exemple sur la délivrance de certificats de compétences qui pourraient être pris en compte dans le cadre du contrôle continu du diplôme national du brevet, et demain du baccalauréat.

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Par ailleurs, le service civique pourrait aussi être envisagé comme une solution dans le cadre d'une remédiation pour de jeunes décrocheurs, une expérience pour redonner du sens à leur parcours de formation. Des conventions pourraient alors être signées avec des associations avec l'objectif de réinscrire le jeune dans un projet scolaire ou professionnel.
Enfin, la réforme du lycée sera probablement l'occasion de faire une place plus importante à l'investissement des jeunes dans la vie lycéenne, en s'inspirant de ce qui se fait dans le supérieur.

Vous soutenez l'idée d'un "nouveau mode d'affectation en classe de 3e". Quel serait-il ?

L'orientation est trop souvent une sélection et une élimination des plus fragiles. Comme la réussite scolaire, elle est très fortement liée à l'origine sociale et territoriale, pour les uns la voie royale, l'enseignement général, pour les autres les voies de garage, les filières professionnelles et technologiques. L'orientation est un échec lorsque les élèves choisissent une voie, non par projet mais parce que la formation leur est offerte à proximité, par défaut ou parce qu'elle leur est imposée. Le stage d'observation en 3e est un révélateur des situations de discriminations car les élèves sont confrontés d'une part à l'inégalité sociale (le réseau social des parents et de l'entourage joue un rôle important dans la recherche du stage) et d'autre part à l'inégalité territoriale (les zones urbaines regroupent plus de terrains de stage potentiel).

Un projet ne se construit pas une fois pour toute lorsque l'on a 14 ou 15 ans, on le construit progressivement.

Je veux donc repenser l'orientation pour reconnaître toutes les formes de réussites et mettre fin aux discriminations à l'orientation. Cela suppose d'aller plus loin dans la mise en œuvre d'une évaluation qui crée les conditions de l'acquisition des savoirs fondamentaux par tous les élèves et qui les motive dans leurs études. Il est important de valoriser les capacités, les acquis de chaque jeune. Toutes les excellences doivent être prises en compte. Cela implique aussi de reconnaître toutes les formes de réussite et de mettre en place un nouveau mode d'orientation et d'affectation en fin de troisième, fondé non plus sur les seuls résultats dans les matières générales mais sur les compétences, dans leur diversité, développées par chaque jeune et qui veille à mettre fin aux discriminations à l'orientation.

Il faudra donc impérativement renforcer le système public d'orientation par un travail plus en amont de découvertes des métiers (via la réserve citoyenne notamment), des visites de lieux de formations, le recrutement de personnels qualifiés (conseillers d'orientation), une formation des enseignants de collèges à ces problématiques, et le développement de plates-formes territoriales d'entreprises et de services publics s'engageant à accueillir des élèves en stage (banques de stages). C'est en quelque sorte la préfiguration d'un service public d'orientation tout au long de la vie.

Enfin je souhaite que l'on développe des lycées polyvalents, qui rassemblent au lieu de séparer les jeunes, dans lesquels la compétition laisse place à la coopération, dont les parcours de formation ne seront plus irréversibles. Un projet ne se construit pas une fois pour toute lorsque l'on a 14 ou 15 ans, on le construit progressivement.

Vous voulez une réforme du lycée. Qu'avez-vous en tête ?

Les réformes de 2009 (bac pro 3 ans), 2010 (lycées général et technologique) et 2011 (série STI) n'ont pas eu les effets escomptés : les séries du lycée général n'ont pas été rééquilibrées. La série L est toujours en manque d'élèves et l'accompagnement personnalisé n'est pas mis en œuvre avec la même efficience partout. Quant aux enseignements d'exploration, ils sont mal répartis entre les lycées et restent souvent des enseignements préparatoires aux séries de première.

Une nouvelle réforme du lycée s'impose. Il faudra la faire en concertation avec les enseignants et les parents et les élèves autour d'une ambition : conduire à la diplomation ou à la certification tous les jeunes qui y entrent. Elle sera organisée autour de quatre piliers qui seront la capacité à orienter, à construire un projet pour chaque jeune, à accompagner tous les jeunes vers la réussite et à mettre en œuvre une spécialisation progressive des savoirs enseignés.
Cette réforme du lycée s'accompagnera d'une consolidation de la voie professionnelle qui a réussi à augmenter le nombre de bacheliers de 61 % ces 4 dernières années et qui a amélioré le taux de poursuite d'études de ses bacheliers dans l'enseignement supérieur de près de 15 points (35 %).

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La consolidation de la voie professionnelle passe par la facilitation des passerelles, par l'accès prioritaire aux STS comme voie de formation de l'enseignement supérieur de prédilection pour les bacheliers professionnels, par le développement de l'apprentissage public, par la comptabilisation des apprentis dans les effectifs des apprenants des lycées professionnels. Nous nous engagerons à ce que les élèves aient accès à une offre publique de formation professionnelle sur leur territoire et à développer les filières préparant aux métiers de la transition écologique. Pour mieux soutenir la maîtrise des compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture par les élèves, je propose d'augmenter les activités de remédiation en petits groupes, et de maîtriser les effectifs des groupes-classe.
S'agissant du développement de l'apprentissage public, le ministère de l'Éducation nationale, parce que garant du service public de l'éducation, se doit de proposer plusieurs modalités de formation dont l'apprentissage par le développement des CFA publics et des UFA. Nous promouvrons les parcours mixtes entre les CFA et la voie professionnelle du lycée.

Dans 10 ans, on estime que 60 % d'une classe d'âge sera dans l'enseignement supérieur. C'est une révolution qu'il faut anticiper et préparer. Le lycée doit se transformer pour casser les hiérarchies entre les voies et entre les séries d'une même voie et, à ce titre, je suis favorable à poursuivre l'expérimentation des lycées polyvalents. Le lycée doit mieux préparer à l'enseignement supérieur et je préconise pour cela qu'il puisse s'organiser autour de la construction de parcours individualisés et s'inscrire dans la mise en œuvre d'un cursus bac-3/bac+3. Et il faudra aussi que les universités soient en capacité d'accueillir les jeunes qui souhaitent y poursuivre leurs études en créant les conditions de leur réussite
Enfin, la mise en place d'un indice social transparent qui évalue objectivement les établissements qui font face aux difficultés sociales les plus importantes afin d'y allouer plus de moyens. Cela permettra d'abaisser l'effectif du nombre d'élèves par classe en fonction du degré de mixité sociale et scolaire des établissements.

Que ferez-vous pour favoriser l'égalité des chances?

Je ne suis pas un partisan de l'égalité des chances, je lui préfère depuis toujours l'égalité réelle. C'est pourquoi je ne veux pas me résigner à ce que notre système scolaire voit la concentration de ses élèves socialement défavorisés dans un petit nombre d'établissements – 10 % des collèges scolarisent 82 % des collégiens défavorisés.
La mixité est une exigence scolaire : les élèves les plus en difficulté apprennent mieux, sans que le niveau des meilleurs ne diminue. Elle est une exigence sociale et républicaine : dans l'école de la République, on ne peut pas séparer les enfants, sinon elle n'est plus l'école de l'émancipation individuelle et de l'apprentissage des règles du vivre ensemble.

Je veux rebâtir une carte scolaire qui mette fin à ces ghettos.

C'est pourquoi, je veux rebâtir une carte scolaire qui mette fin à ces ghettos et conduire une politique de mixité sociale et scolaire entre les établissements et à l'intérieur des établissements en jouant à la fois sur la sectorisation, l'affectation et la constitution des classes. Je veux par ailleurs contractualiser avec l'enseignement privé pour qu'il cesse d'alimenter la ségrégation entre établissements.
La mise en place de la différenciation pédagogique permettra en outre d'emmener tout enfant au bout de ses possibilités. Pour renforcer l'attrait des établissements, je veux soutenir et encourager les professeurs qui mettent en œuvre des expérimentations et des innovations pédagogiques pour motiver les élèves et favoriser leurs apprentissages.

Universités et écoles ne disposent pas toujours du même niveau de droits d'inscription. Êtes-vous favorable à une hausse des droits universitaires ?

Non, je m'oppose avec force à l'instauration de droits d'inscription élevés, même "progressifs" ou financés par l'emprunt. C'est une politique injuste socialement : la sélection par l'argent limite l'accès aux études pour les étudiants modestes. C'est contraire à la politique d'élévation du niveau de qualification dont le pays a besoin.
Le système de droits "progressifs" ne présente d'intérêt que pour un établissement comme Sciences po, au sein duquel les étudiants issus des familles pouvant s'acquitter de droits d'inscription élevés sont surreprésentés, pas pour une université accueillant une majorité d'étudiants boursiers ou modestes.
Le faible coût des études est un avantage comparatif pour la France pour attirer les étudiants internationaux : nous devons d'ailleurs augmenter leur accueil de 25 % à l'horizon 2020 si nous ne voulons pas décrocher.

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Et contrairement aux idées reçues, le modèle français n'est pas isolé. Certains pays ont fait le choix de la gratuité, d'autres ont récemment renoncé à la hausse des droits d'inscription introduite ces dernières années. Même les États-Unis reviennent en arrière : le président Obama, Bernie Sanders et Hilary Clinton ont proposé de supprimer les frais de scolarité pour les étudiants les plus modestes, ce que l'État de New-York va mettre en place dès la rentrée 2017. Quand la bulle de l'endettement étudiant atteint aux USA plus de 1.000 milliards de dollars et que les taux de défauts des étudiants ne cessent d'augmenter, c'est la prochaine crise économique qui se prépare.

Vous prévoyez une réforme du 1er cycle universitaire, avec un tronc commun d'enseignement. Cela signifie-t-il que cette base sera commune avec certaines classes du lycée ? Quelles filières seront concernées ?

Il faut mieux travailler à l'articulation des filières du lycée et du supérieur, par l'approche de certaines disciplines dès la terminale, la préparation à d'autres méthodes de travail, l'information sur les choix d'orientation. Mais il faut surtout réformer l'organisation et le contenu des premiers cycles, pour lutter contre l'échec. Ce sera ma priorité. Je veux amplifier le décloisonnement disciplinaire lors des deux premières années pour permettre une spécialisation progressive en licence. Cela aidera l'étudiant à préciser son projet, facilitera des réorientations sans redoublement au sein de chaque grand domaine de formation, et élargira les horizons des jeunes.

De combien de futurs ingénieurs, cadres ou entrepreneurs allons-nous nous priver ?

Je veux également engager une rénovation pédagogique, qui pourra s'appuyer sur les nouveaux emplois que je propose de créer : développement du numérique, suppression des cours en amphithéâtre en 1re année, développement des cours en TD, généralisation de l'évaluation des enseignements par les étudiants, formation continue et reconnaissance dans la carrière de l'investissement pédagogique des enseignants.
Je propose aussi d'imaginer de nouveaux parcours, adaptés à la diversité des publics : par exemple, ouvrir la possibilité de préparer une licence professionnelle en 3 ans après le bac ou créer une nouvelle voie de qualification "hors les murs" par validation des acquis de l'expérience professionnelle anticipée et accompagnée pour permettre aux bacheliers pro et techno entrés dans la vie active d'obtenir un diplôme professionnalisant.

La sélection à l'entrée de l'université agite le débat. Quelle est votre position ?

Je suis opposé à l'instauration de la sélection à l'entrée de l'université. C'est une proposition absurde sur le plan pédagogique, car on ne peut pas résumer un individu à une mention au bac obtenue à 18 ans, alors que l'on sait qu'il va faire preuve de nouvelles aptitudes par la suite : de combien de futurs ingénieurs, cadres ou entrepreneurs allons-nous nous priver ? Cela revient à dire à toute une partie de la jeunesse qu'elle n'a pas droit à l'ascension sociale par les études. C'est à rebours des besoins du pays : la France ne souffre pas d'un trop plein d'étudiants, mais plutôt d'un manque de diplômés par rapport à ses voisins ! Sélectionner, c'est la solution de facilité pour ne jamais réformer : plutôt que de changer la pédagogie et l'organisation des premiers cycles, certains préfèreraient changer les étudiants.

Pour passer d'une orientation subie à une orientation choisie, je propose de renforcer l'information, d'instaurer une admission de droit en STS pour les bacheliers professionnels qui le souhaitent et de doubler le nombre de bacheliers technologiques accueillis en IUT.

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