Enquête

Discrimination à l'embauche : comment déjouer les pièges du recruteur

Lors d'un entretien d'embauche n'évoquez pas trop votre vie personnelle, des éléments peuvent se retourner contre vous.
Lors d'un entretien d'embauche n'évoquez pas trop votre vie personnelle, des éléments peuvent se retourner contre vous. © Adobe Stock / StratfordProductions
Par Etienne Gless, publié le 24 octobre 2019
6 min

Âge, genre, origine, vie privée... Beaucoup de recruteurs continuent de poser des questions gênantes, voire discriminantes et interdites. L'Etudiant a recueilli les conseils de Florence Margotteau, spécialiste du recrutement et engagée dans l'association "À compétence égale", qui lutte contre les discriminations dans l'emploi.

Âge, origine, genre, patronyme, lieu d'habitation, état de santé, situation de famille, opinions politiques ou convictions religieuses... vous ne pouvez être écarté(e) d'un emploi ou d'un processus de recrutement au nom de ces critères et de nombreux autres, 25 au total, selon l'article L.1132-1 du Code du travail.

Pourtant des milliers de recruteurs continuent de sélectionner des candidats sur ces critères interdits. "La reproduction sociale, les discriminations à l'embauche restent très fortes. Il ne faut pas se leurrer", convient elle-même Muriel Pénicaud, ministre du Travail. En fait, beaucoup de recruteurs discriminent sans le savoir, sans penser à mal.
Rares sont ceux qui ont de mauvaises intentions.

"Mais un recruteur non exercé à neutraliser les biais cognitifs sera sous l’influence de ses représentations et risque de pratiquer inconsciemment une forme de discrimination“, explique Anne Gallot, directrice de l’association "À compétence égale" qui oeuvre contre les discriminations et pour le recrutement de profils plus divers dans l'emploi.

Optez pour un CV "dépouillé"

En entretien, vous avez une chance de vous défendre. Encore faut-il y parvenir ! Beaucoup de CV sont jetés juste en raison de votre tête sur la photo, de votre lieu d'habitation, de votre nationalité ou de votre âge. Oubliez les infos personnelles sur le CV ! "Célibataire, divorcé(e), marié(e) avec 2 enfants...L'employeur n'a pas à connaître ces informations et vous n'avez pas non plus à les délivrer sur votre CV !", recommande Fabienne Margotteau directrice du cabinet Aureane Conseil et membre d'"À compétence égale". Cette spécialiste du recrutement plaide pour un CV dépouillé et recentré sur les seules expériences et compétences du candidat.

CV : ajouter une photo ou pas ?

Elle conseille même de ne pas mentionner votre lieu de résidence. En entretien, le recruteur ne doit pas en théorie vous poser la question "Où habitez-vous ?", tout juste peut-il vous demander si la localisation du poste vous convient. Vous pouvez alors répondre que vous êtes mobile, sans vous étendre si, par exemple, vous êtes provisoirement hébergé(e) par un proche en attendant de décrocher un emploi. Fabienne Margotteau va jusqu'à déconseiller de mettre une photo sur son CV : "Cela ne vous empêchera pas d'être convoqué(e) en entretien de recrutement, alors qu'une photo sera une information livrée à interprétation ou jugement".

Entretien : ne vous étendez pas sur votre vie personnelle

"Toutes les questions qu'on vous pose en entretien doivent être en rapport avec le poste proposé et servir à évaluer vos compétences professionnelles et votre motivation" rappelle Fabienne Margotteau, effarée du nombre de jeunes femmes qui se voit interrogées sur leurs projets de grossesse, nombre d'enfants ou systèmes de gardes. "Si vous avez un désir d'enfant, ne le dîtes pas !".

Face à des questions aussi maladroites et intrusives, les candidates peuvent décrypter l'interrogation sous-jacente du recruteur et retourner la question : "Si je comprends bien vous souhaitez savoir si je suis apte à tenir un poste avec des horaires parfois tardifs ou des déplacements hors de France ?" Bien souvent, le recruteur ne cherche qu'à se rassurer sur votre disponibilité et votre mobilité. Faites savoir que vous êtes une jeune femme avec une organisation personnelle en béton qui vous permet de répondre oui.

Évitez de vous étendre sur votre vie personnelle. "Ayez conscience que si vous le faites vous livrez des éléments qui peuvent se retourner contre vous", prévient Fabienne Margotteau. "Si, par exemple, vous annoncez que votre mari est opérateur chez un constructeur automobile, cela peut vous cataloguer".

Trous dans le CV : ne vous justifiez pas, mais montrez votre motivation pour le poste actuel

Vous êtes très fier(e) de votre tour du monde durant un an après vos études avant d'entrer dans la vie active et vous l'avez mentionné sur votre CV ? Certains recruteurs trouveront superbe cette expérience de vie, d'autres jugeront que vous avez pris du bon temps et se demanderont si vous serez stable dans leur société. Préparez vous à savoir répondre si l'on vous interroge le sujet.

Procédez de même pour toutes les autres questions qui pourraient être gênantes. Vous avez été gravement malade et été en arrêt de travail plusieurs mois ? "Évitez de le mentionner à votre futur employeur. Dites que vous avez fait une interruption de travail le temps de mener un projet personnel mais que vous êtes de retour et motivé(e) par un nouveau projet professionnel", suggère la dirigeante du cabinet Aureane.

Saisir le Défenseur des Droits

En dernier ressort, si vous n'avez pas obtenu le poste et que vous estimez que avoir été victime d'une discrimination vous pouvez saisir en ligne le Défenseur des droits. L'auteur présumé peut être une personne physique (un individu) ou morale (une association, une société...), une personne privée (une entreprise) ou publique (un service de l'État, une collectivité territoriale, un service public hospitalier).

Discriminations, ce que dit le Code du Travail
Orientation sexuelle, âge, origine, nom de famille, apparence physique, lieu d'habitation...
L'article L1132-1 liste au total 25 motifs de discrimination à l'embauche. Les voici.

"Aucune personne ne peut être écartée d'un processus de recrutement (...) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français."

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