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"Il ne faut pas hésiter à alerter son manager" : une avocate explique quoi faire en cas de surmenage au travail

Si vous êtes en situation de burn out au travail, n'hésitez pas à faire appel à une assistance.
Si vous êtes en situation de burn out au travail, n'hésitez pas à faire appel à une assistance. © Jadon B/peopleimages.com
Par Rachel Rodrigues, publié le 25 avril 2024
1 min

En cas de détresse psychologique, de surcharge ou surmenage au travail, des droits protègent les salariés. Une avocate spécialisée en droit du travail revient sur les documents à mobiliser et l'attitude à adopter.

La santé mentale des travailleurs est, encore aujourd'hui, souvent considérée comme un tabou. Pourtant, selon le Code du travail, "l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de résultat relative à la protection de sa sécurité physique et mentale".

Dans les faits, les situations de détresse psychologique peuvent survenir assez rapidement, et notamment chez les jeunes actifs. Selon le baromètre d'Empreinte humaine réalisé en novembre dernier, 55% des moins de 29 ans en seraient affectés ; une proportion supérieure à la moyenne observée pour l'ensemble des salariés interrogés.

Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'existe aucune arme pour se protéger. "Chaque salarié est son propre défenseur", rappelle Emilie Thivet-Grivel, avocate spécialiste en droit du travail. Quels droits protègent les travailleurs ? Quelles ressources mobiliser ? Et quelle attitude adopter en cas de détresse psychologique ou de surcharge de travail ? L'Etudiant fait le point.

Qu'est-ce que l'obligation de sécurité qui engage les employeurs ?

Avant toute chose, l'employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, qui lui impose de mettre en place un document unique de prévention des risques professionnels. "Il y récapitule les risques auxquels peuvent être confrontés les salariés, qui vont varier selon les secteurs d'activité", précise Emilie Thivet-Grivel.

Par exemple, les risques d'agression en bijouterie liés à la manipulation d'objets précieux, ou l'exposition au bruit pour les métiers dans des aéroports ou des gares. "Ces risques doivent inclure les risques psychosociaux", ajoute l'avocate.

Une fois ces risques définis, l'employeur est tenu de prendre des mesures afin de les réduire, qui seront recensées dans ce même document, intitulé le Document unique d'évaluation des risques professionnelles (DUERP). Ce "DUERP", "souvent communiqué aux représentants du personnel", doit être tenu à la disposition des salariés, précise l'avocate.

Quelles sont les protections en termes de risques pour la santé mentale ?

En termes de risques psychosociaux, l'employeur doit, entre autres, s'assurer que son salarié ne dépasse pas régulièrement ses horaires de travail.

"Si demain, un salarié est en burn out en raison d'une charge de travail trop importante, ce sera à l'employeur de justifier qu'il avait mis en place toutes les mesures de sécurité, précise Emilie Thivet-Grivel. Il peut, dans le cas contraire, être condamné pour manquement à l’obligation de sécurité et en cas d’heures supplémentaires aux rappels de salaires correspondants et à des dommages et intérêts pour travail dissimulé, par exemple".

Plusieurs règles présentes dans le Code du travail peuvent alors se combiner et être vérifiées : "celle qui impose le respect d'un repos hebdomadaire, par exemple" ou encore "l'obligation de vérifier qu'entre deux journées de travail, un repos quotidien de 11 heures soit respecté", rappelle l'avocate.

Mais dans les faits, "la charge de travail est trop rarement identifiée comme risque", ajoute Emilie Thivet-Grivel. En termes de dépassement d'horaire, lorsque les horaires collectifs ne sont pas clairement affichés et qu’il y a une forte culture d’entreprise qui incite à prolonger la journée de travail, il peut arriver que "l'employeur fasse comprendre qu'étant donné la charge de travail, il est préférable de rester", pointe-t-elle.

Comment est régi le droit à la déconnexion ?

Le principe de droit à la déconnexion implique le droit pour chaque salarié de ne pas être connecté aux outils numériques professionnels, ainsi que de ne pas être contacté en dehors de ses horaires de travail.

Mais dans les faits, selon les domaines, les sollicitations extérieures ou de la part de collègues ou managers peuvent parfois dépasser les horaires stricts de la journée de travail. De même, la généralisation du télétravail induite par les confinements successifs a "rendu la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle" encore plus ténue qu'auparavant.

S'il peut paraître logique et intuitif, son introduction dans le droit français est quant à elle plutôt récente. "La loi est entrée en vigueur en 2017, rappelle l'avocate. Elle implique surtout la liberté aux partenaires sociaux de négocier ce droit à la déconnexion et de le décliner dans les accords collectifs".

Le droit à la déconnexion peut ainsi être régi par une série de mesures contraignant l'employeur. A titre d'exemple, la convention collective des professions notariales prévoit qu'au cours de l'entretien annuel, "l'employeur s'assure du respect du droit et du devoir de déconnexion" de son salarié.

Sur quels documents s'appuyer ?

Plusieurs documents à la disposition du salarié peuvent l'aider à connaître les droits qui le protègent. "La première source de droit, c'est le contrat de travail", rappelle Emilie Thivet-Grivel qui conseille en premier lieu de bien vérifier le régime horaire auquel on est soumis.

Si les termes du contrat mentionnent un décompte hebdomadaire classique de 35 heures, "vous êtes techniquement censé vous limiter à ces 35 heures ; au-delà, on passe dans le régime des heures supplémentaires, qui doivent normalement être réalisées à la demande expresse de l'employeur". Ainsi, "si on vous regarde de travers lorsque vous partez à l'heure dite, cela doit être une alerte", précise l'avocate.

Vous pouvez aussi vous référer à la convention collective de votre secteur d'activité, qui comporte souvent "des règles générales qui s'ajoutent au contrat de travail et peuvent être plus favorables au salarié", précise l'avocate. Celle-ci est consultable directement sur le site Legifrance.gouv.fr ou sur le site Vie-publique.fr. L'intitulé se trouve quant à lui sur le bulletin de paie de chaque salarié.

Enfin, au niveau des entreprises, des accords collectifs peuvent également régir d'autres règles spécifiques, comme le recours au télétravail. Pour les consulter, il est possible de se tourner directement auprès des services RH de l'entreprise.

Quelle attitude adopter face à son manager en cas de surmenage ?

Malgré ces documents légaux censés protéger les droits du salarié, les situations de surcharge peuvent rapidement survenir. "Un jeune actif qui veut faire ses preuves peut avoir tendance à accepter beaucoup de choses, risquant sur le long terme de s'enfoncer dans un mauvais équilibre, et de finir par craquer", avertit Emilie Thivet-Grivel.

L'avocate l'affirme fermement : dans cette situation, "il ne faut pas hésiter à alerter son manager". À ce moment-là, le plus simple peut être de demander un entretien oral avec son supérieur hiérarchique pour exposer ses difficultés et ses inquiétudes vis-à-vis de la charge de travail.

"Il est ensuite important de confirmer ce qui s'est dit pendant l'entretien par écrit pour garder une preuve de notre alerte", au cas où la situation n'évoluait pas à l'avenir, précise-t-elle. Une fois le sujet évoqué, le manager pourra réadapter la charge de travail, ou identifier d'éventuels besoins de formation qui permettraient de pallier certaines difficultés.

En termes d'attitude, "il est préférable d'éviter d'employer le ton du reproche, d'être dans le 'tu' mais plutôt d'expliquer, au moyen du 'je' quelles sont vos difficultés", détaille Emilie Thivet-Grivel.

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