Reportage

Au "Fest'1", des étudiants précaires partagent un diner de Noël solidaire

Les "Fest'1" rassemblent chaque semaine une dizaine d'étudiants.
Les "Fest'1" rassemblent chaque semaine une dizaine d'étudiants. © Clémentine Rigot
Par Clémentine Rigot, publié le 25 décembre 2023
1 min

À quelques jours des fêtes de fin d’année, nombreux sont les étudiants qui n’ont pas les moyens de s'offrir un bon repas, ou se trouvent éloignés de leur famille. L'association Cop1 organise chaque semaine des diners réservés à ces jeunes. L’occasion de partager, le temps d’un repas, bons produits et convivialité.

"Qui est chaud en cuisine ?" Il est 18 heures à l’espace Césure de Paris (75) quand les participants du "Fest1" sont interrogés par Célia, qui chapeaute le diner. Organisés par l’association Cop1, ces évènements rassemblent chaque semaine une dizaine d'étudiants. Le but : cuisiner un repas de qualité à base de produits collectés par l’association et le déguster ensuite, tous ensemble.

"Moi, j'ai travaillé à McDo, donc s’il faut faire des burgers, je suis bon !" assure Abdel, étudiant en master. Mais pour ce repas de Noël, on a mis les petits plats dans les grands. Au menu : feuilleté pesto-poivrons, risotto aux cèpes et châtaignes, et tartelettes aux pommes.

Ils seront 15 autour de la table ce mercredi soir, bénévoles compris. Une grande première pour la plupart d’entre eux. Chacun prend – timidement - la parole pour se présenter et se voit attribuer une tâche, après un lavage de mains obligatoire.

Des menus qui conviennent à tous

En guise de toque, Célia arbore des bois dorés et un eyeliner à paillettes. Étudiante en médecine, elle trouve le temps d’animer ces ateliers, chaque semaine ou presque. "J’ai découvert Cop1 l’année dernière sur le campus de Jussieu. Ils distribuaient des petits déjeuners, j’ai trouvé ça merveilleux, se remémore l’étudiante de 21 ans. J’ai commencé à participer aux distributions alimentaires et je suis devenue responsable activités sociales et créatives."

Cheffe d’orchestre ce soir, elle veille au bon déroulement dans chaque brigade, sur fond de playlist de Noël. À ses côtés, une étudiante taille les châtaignes pour le risotto. "Il manque le vin et la crème d’amande", s’inquiète la jeune femme en lisant la recette originelle. Mais tout est sous contrôle.

Au "Fest1", on fait attention à adapter les menus pour qu’ils conviennent à (presque) tous les régimes alimentaires."On a fait des repas sur les thèmes des pays et pour le Mexique, on a cuisiné un chili avec du simili-carné : c’était super et ça faisait découvrir des options responsables", se souvient Célia.

Des ingrédients récupérés à la distribution alimentaire

Et pendant qu’Eartha Kitt susurre Santa Baby et dresse sa modeste liste au Père Noel – une décapotable, un yacht, une mine de platine – les étudiants, eux, s’affairent à cuisiner les produits récupérés à la distribution solidaire, quelques étages plus bas.

Comme à l’accoutumée, la queue est longue : ils y défilent un par un pour récupérer produits d’hygiène, denrées non périssables, mais aussi fruits et légumes de saison. "Tu préfères navet ou poireau ?" interroge un bénévole. L’étudiant, face à lui, hésite. Tous ne connaissent pas les secrets de préparation des légumes hivernaux ; surtout, tous n’ont pas la place ou l’équipement nécessaire pour réaliser de grands plats chez eux.

Mais à la cuisine solidaire, la barrière saute. Four professionnel, couteaux aiguisés, tamis, mandolines, marmites… Ici, la seule limite des cuisiniers en herbe reste leur imagination – et les denrées récoltées.

Les étudiants et les bénévoles, en cuisine, préparent le repas du soir.
Les étudiants et les bénévoles, en cuisine, préparent le repas du soir. © Clémentine Rigot

Lutter contre la solitude des étudiants

"C’est une façon de m’impliquer, d’aider les autres, tout en m’amusant, explique Célia, en ouvrant deux boîtes de cèpes. Avec la fac de médecine, c’est parfois compliqué, mais on alterne avec ma co-responsable pendant les partiels par exemple. Au début, les gens sont un peu stressés, dans leur coin, et à la fin, c'est décomplexé, on rigole ! C’est beau, surtout pour des jeunes qui peuvent se sentir seuls chez eux."

Et en effet, ça marche. La timidité du début laisse place aux rires et même au chant. "All I want for Christmas, is youuuu", entonne la brigade du dessert, qui prépare des feuilletés aux pommes roulés en forme de rose. Une tâche méticuleuse, pas évidente à maitriser. "C’est pas une rose, c’est un cactus", plaisante une des pâtissières.

Saba, 19 ans, s’applique à recouvrir les bandes de pâte d’un mélange de sucre et de cannelle. Comme la quasi-totalité des participants ce soir, elle est bénéficiaire des distributions. "C’est le côté social qui m’a donné envie de venir", explique l’étudiante iranienne. À côté d’elle, Siham taille les pommes. "Je me suis inscrite à Cop1 pour être bénévole. Je connais la situation des étudiants, surtout étrangers, qui arrivent dans un pays sans connaitre personne, admet la jeune femme. Pour ceux qui n’ont personne ici pendant les fêtes, c'est dur : ils sont nostalgiques et se sentent seuls."

Sur le plan de travail, Abdel et Anastasia perfectionnent aussi leur technique : pâte feuilletée garnie de pesto pour la couleur verte, découpée et tressée en forme de sapin et de petites lamelles de poivrons pour imiter les boules de Noël et les cannes en sucre.

Bénéficiaire de l’association, l’étudiant en e-business, a déjà participé à des ateliers sur les réseaux informatiques. Ce soir, il découvre les "Fest1". "Ca tombe à pic au moment de Noël, j’en profite", sourit-il. Pour Anastasia, bénévole du pôle collecte, c’est aussi une découverte. "C’est une bonne occasion de tester, c’est très amical, convivial, chaleureux", se réjouit-elle, en façonnant les contours du sapin.

Quelques semaines plus tôt, une collecte de près de 5.000 denrées alimentaires à laquelle elle a participé a battu tous les records. Un chiffre encourageant pour les étudiants, mais qui traduit aussi du besoin, de plus en plus criant, de recourir aux aides d’urgence pour de nombreux jeunes. En 2023, près d’un étudiant sur deux déclarait avoir déjà sauté des repas par manque d’argent.

Une ambiance conviviale règne entre les participants au "Fest'1".
Une ambiance conviviale règne entre les participants au "Fest'1". © Clémentine Rigot

Faire de nouvelles rencontres

"Ferme pas le couvercle ! C’est pas un tajine, c’est un risotto !" taquine Soraya, qui supervise le plat principal. Dans le fond de la marmite, l’huile a un peu brûlé, mais tout est rattrapé. C’est l’aspect "étudiant à étudiant" qui a poussé la jeune femme de 26 ans à rejoindre l’association il y a bientôt un an. "Cop1 c’est une solidarité étudiante, il n’y a pas d’adultes, plaisante Soraya. Je ne faisais rien ce soir, c’est la période des fêtes, alors autant apporter ma bonne humeur !"

Une joie de vivre vraisemblablement contagieuse. À côté d’elle, remuant le risotto, José Manuel, 21 ans, s’ouvre peu à peu. Bénévole au pôle RH, où il "rentabilise son BTS comptabilité", le jeune cuisinier amateur invite les hésitants à rejoindre les diners. "Il ne faut surtout pas avoir peur de venir, de sauter le pas. Moi aussi, j'étais un peu timide au début, mais ça permet de faire de nouvelles rencontres."

Vers 20 heures, la table est dressée pour déguster ensemble ce dernier "Fest1" de 2023, avant la fermeture de l’association pour quinze jours. Les assiettes se passent entre les guirlandes et les boules multicolores. "On a commencé en tant que bénévoles et on finit par tisser des liens très forts ; on devient amis, on s’invite chez soi, on sort ensemble", se réjouit Soraya. Quelques photos pour garder un souvenir de ce repas d’initiation. "On devient même une petite famille !" promet l’étudiante.  

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