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Y a-t-il un parlementaire pour sauver les étudiants précaires ?

Quatre cents étudiants font la queue pour accéder à l’aide alimentaire proposée par le syndicat l’Alternative, mercredi 29 mars, aux Invalides à Paris.
Quatre cents étudiants font la queue pour accéder à l’aide alimentaire proposée par le syndicat l’Alternative, mercredi 29 mars, aux Invalides à Paris. © Clémentine Rigot
Par Clémentine Rigot, publié le 13 avril 2023
7 min

Sénateurs et députés tentent, à grand renfort de propositions de loi, de faire reculer la précarité étudiante. Finalement, c'est une aide financière pour les étudiants en "zone blanche", sans accès aux structures du Crous, qui a été retenue. Suffisant pour aider les étudiants ? Rien n'est moins sûr...

Quatre cents. C’est le nombre d’étudiants et d’étudiantes qui ont fait la queue, mercredi 29 mars, aux Invalides à Paris, pour accéder à l’aide alimentaire proposée par le syndicat l’Alternative, soutenue par des députés EELV. Produits de première nécessité, d’hygiène, d’épiceries, denrées et boissons… Les paniers se veulent complets pour tenter, le temps de quelques jours, de palier la précarité étudiante de plus en plus criante et de remplir les placards de ces centaines de jeunes.

"Je suis venue parce que c'est la crise ! Je ne suis pas boursière et je n’ai pas spécialement de problèmes financiers à la base, mais habiter Paris et remplir son frigo, c’est devenu compliqué", explique Prune, étudiante à Paris 1. Comme elle, ils sont nombreux ce midi à faire la queue pour récupérer un panier, avec des profils très différents.

38% des étudiants ont restreint leurs dépenses alimentaires

En plus de ses études, Tom travaille 15 heures par semaine, en tant que caissier dans un supermarché. Boursier échelon 5, l’aide financière du Crous ne lui permet pas aujourd’hui, en pleine inflation, de vivre sereinement, même en colocation dans un petit appartement. "Je n’ai pas le choix pour me nourrir que de participer à des banques alimentaires", admet l’étudiant en droit.

D’après l’enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante, en 2021, 38% des étudiants déclarent s’être restreints sur leurs dépenses alimentaires, 18% ne pas toujours manger à leur faim et 16% sauter des repas pour des raisons financières. Des chiffres qui inquiètent jusque dans l’hémicycle de l'Assemblée nationale.

Des propositions de loi pour pallier la précarité étudiante rejetées

Après le rejet, en février, à une voix près de l’ouverture du repas à un euro pour tous les étudiants, le sujet revient en effet sur la table. Les députés écologistes présentaient le 29 mars une proposition de loi visant, entre autres, à abaisser l’âge du RSA à 18 ans, fixé jusqu’ici à 25. De quoi assurer un revenu minimal à de nombreux étudiants dans le besoin. Mais le projet n’aura finalement pas été adopté. Et le groupe écologiste de dénoncer, par ce rejet, le "mépris des députés Renaissance pour la jeunesse précaire".

Les sénateurs, eux aussi, se sont saisis de cette problématique. Examinée par la commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication, une proposition de loi a été portée par le sénateur Pierre-Antoine Levi (Union Centriste) dès 2021, afin de favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. La crise sanitaire a mis en lumière les failles du système de restauration universitaire, notamment par ses disparités territoriales, toutes les zones d’études n’étant pas dotées de RU (petites écoles, antennes délocalisées, BTS, IUT, etc.).

Précarité
Le syndicat Alternative, à l'origine de la distribution de produits alimentaires aux Invalides, interpelle les députés. / ©Clémentine Rigot.

Une nouvelle aide financière aux étudiants n'ayant pas accès aux restaurants universitaires

Mais les propositions des sénateurs centristes auront, elles aussi, pris du plomb dans l’aile. Exit l’idée du "ticket restaurant étudiant", abandonnée par l’Assemblée nationale, craignant que sa mise en place ne vienne fragiliser les restaurants du Crous en favorisant le privé. Il sera remplacé par le versement d’une aide financière aux étudiants n’ayant pas accès à un RU, "cette formulation plus large permettant de couvrir d’autres supports comme les bons d’achat ou les cartes alimentaires". Dès la rentrée prochaine, les étudiants des "zones blanches" du territoire, c’est-à-dire éloignées des structures du Crous, devraient donc avoir accès à des repas plus abordables grâce à un tarif préférentiel.

Ce dispositif arrive simultanément à l’annonce des premières mesures de la réforme des bourses, qui contenait, entre autres, le gel du tarif des repas Crous à 1 euro pour les boursiers et 3,30 pour les autres. Des avancées toujours insuffisantes pour nombre d’étudiants qui peinent à joindre les deux bouts.

L’aide d’urgence comme seul recours

Parmi les rangs d’Alternative, on se désole du succès de l’initiative du 29 mars, qui traduit bien la hausse de la précarité étudiante. Chez les députés porteurs du projet aussi, on s’inquiète de la situation. "Aujourd'hui, un certain nombre de jeunes ont la tête sous l'eau et ce qui leur évite de se noyer, c'est l’aide d'urgence et la solidarité entre pairs", analyse Jean-Claude Raux, député EELV. Au-delà de leur proposition de loi, les députés, rejoints par une grande partie de la gauche, continuent de militer pour l’instauration d’un revenu universel pour les jeunes.

Dans la queue de l’aide alimentaire, on accueillerait favorablement ce genre de mesures qui permettraient de ne plus devoir travailler pour subvenir à ses besoins dès la sortie du lycée, et se concentrer pleinement sur son cursus. "Aujourd'hui, faire des études, c'est un luxe et ça répond à un enjeu politique qui est de dire que les masters, les longues études, sont réservés à une élite", estime Tom. Et pour les autres ? "On leur dit: 'Faites des formations courtes directement après le bac pour servir cette grande élite bourgeoise'", se désole l'étudiant.

Le décret d’application devrait apporter des précisions sur les modalités de cette nouvelle aide financière adoptée par le Sénat, notamment sur la définition de ces zones dites blanches. Un petit plus qui ne touchera finalement qu’une part des étudiants de France. Cette aide sera-t-elle suffisante pour que des étudiants n’aient pas à abandonner leurs études, faute de moyens ? Rien n’est certain.

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