Décryptage

Étudiants en école de commerce : quand flotte un parfum de déception

Par Jessica Gourdon, publié le 05 mars 2012
1 min

Ils sont arrivés en école de commerce un peu par hasard ou sans savoir ce qui les attendait. Une fois les cours commencés, ils n’ont pas été aussi emballés que prévu. Témoignages sans langue de bois d'étudiants qui, sans regretter leur choix, ont été déçus par les premiers enseignements. Utile pour comprendre ce à quoi vous attendre…

Comme beaucoup d’étudiants, Thomas(*) a atterri dans une école de commerce un peu par hasard. “J’ai fait une prépa HEC parce que j’étais bon au lycée, sans trop me poser de questions, et parce que les matières me plaisaient. Je suis rentré à l'Essec car c’est la meilleure école que j’ai eue”, reconnaît le jeune homme, qui sera diplômé en 2012.

 
Une charge de travail moindre

 

À Cergy-Pontoise, sa première année est un choc. “Je trouvais tous les cours ‘pipo’ et sans profondeur. Ma charge de travail a été divisée par deux par rapport à la prépa, ce qui laisse un grand vide.

Thomas n’est pas le seul à faire part de cette impression. “La première année, je m’ennuyais sévère en cours, se rappelle Julia, qui a intégré l'EM Lyon après une prépa à Nice. J’avais perdu l’habitude d’apprendre aussi peu. Au point que je me suis inscrite à côté en licence d’histoire de l’art à la fac. On était quelques-uns comme ça.”

Anne, diplômée 2011 de HEC, a également fait ce choix, mais pour sa part dans le cadre d’une convention entre la grande école et l’université Paris-Sud. “Ma licence de droit me donnait une bouffée d’oxygène.”

Ce ressenti – loin d’être isolé – serait-il un effet de décompression post-prépa ? La réponse n’est pas si simple. Des étudiants passés par la fac évoquent aussi ce vide, à l’instar de Rodolphe, entré à l’ESC Amiens après une licence d’histoire : “Certes, j’ai appris à faire des PowerPoints, à présenter des résultats devant la classe. Mais par rapport à mon expérience à la fac, je trouvais que les cours manquaient de profondeur, de théorie.”

 
Des enseignements techniques avant tout

 

Ce qui déstabilise ces étudiants, c’est souvent l’entrée dans un univers – celui de l’entreprise – dont ils ne maîtrisent pas les codes. “On nous parle de management alors qu’on n'a jamais mis les pieds en entreprise, remarque Julia. Moi, j’avais envie de cours de culture gé, de géopolitique, de socio”.

L’aspect très technique des enseignements (comme la comptabilité) est également déstabilisant. Si certains y trouvent bien leur compte, d’autres s’ennuient. “Franchement, le bagage technique, on peut très bien l’acquérir en entreprise, après l'école. Payer 10.000 € par an pour ce genre de cours, c’est aberrant”, juge Anne, aujourd’hui consultante.

Quant aux études de cas, très utilisées en ESC, elles laissent certains sur leur faim. “On ne sait pas très bien ce qu’on apprend, on reste avec le sentiment que c’est du vent”, poursuit Anne.

 
D’un coup, moins de pression qu'à l'entrée

 

La déception dont font part ces étudiants est aussi liée à l’absence de compétition scolaire entre élèves. Une révolution copernicienne pour ces bons élèves ! “Ce qui m’a manqué, c’est le challenge, la compétition. Heureusement, cela revient à la fin du cursus, au moment de la recherche pour avoir les meilleurs stages”, avance Thomas.

Même son de cloche chez Anne : “Il n’y a plus l’ambition ni la rigueur qu’on nous a insufflées en prépa. À HEC, personne ne considère que les cours sont importants.”

“Les écoles sélectionnent dur à l’entrée, et ensuite, il n’y a plus aucune pression sur les résultats”, analyse Sébastien, entré à Skema après une licence de maths, diplômé 2011. Dès le 2e semestre, j’ai pris un job à côté, car j’ai compris que cela ne servait à rien de travailler beaucoup.” D’autant qu’en France, contrairement aux pays anglo-saxons, les recruteurs ne demandent pas les notes obtenues à l’école.

 
Les vrais “plus”? L’international et l’associatif

 

Face à cette situation, quelques-uns – ils sont rares – décrochent. Ce fut le cas de James, 22 ans, qui a abandonné en cours de route l'EM Strasbourg pour s’inscrire à l’ESRA (École supérieure de réalisation audiovisuelle), une école de cinéma. Il trouvait lui aussi les cours en école “ras des pâquerettes”. Mais c’est surtout l’univers “corporate” de l’entreprise qui l’a rebuté. “Pour moi, cela manquait de sens.”

Hormis ce cas particulier, beaucoup de ces étudiants déçus poursuivent jusqu’au bout, notamment parce qu’ils trouvent leur bonheur ailleurs. “Venant de la fac, il est clair que j’étais habitué à des cours plus passionnants, reconnaît Victor, étudiant à BEM. Mais le gros point fort des écoles, c’est la vie associative, et le travail en équipe”.

Même James, qui a quitté l’EM Strasbourg, reconnaît que “l’ambiance était très sympa”. “Je craignais le côté ‘torse nu-rigolard’, mais en réalité, je me suis fait de vrais amis.”

Surtout, les possibilités de départ à l’étranger constituent un véritable levier de motivation. “Grâce à cela, je ne regrette pas d’avoir fait une école de commerce. C’était vraiment un plus d’étudier un semestre en Chine et un autre au Québec, dans une bonne Business School”, avoue Sébastien.

Et puis, pour certains, les choses s’améliorent au fur et à mesure. “Après le stage en entreprise, en 3e année, les cours prennent tout leur sens. On sait plus de quoi on parle, et on est davantage dans une perspective d’insertion professionnelle”, estime Thomas. “Mais surtout, en termes d’accès à un réseau de diplômés et un réseau d’entreprises pour trouver un job, je m’y suis retrouvé”, ajoute Sébastien. Tout vient à point qui sait attendre.

(*) Certains prénoms ont été changés, sur demande.

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