Reportage

Bac 2015 : à l'hôpital aussi les élèves passent leurs épreuves

Une salle de classe de l'IHSEA. Un tableau numérisé permet d'envoyer les cours par mail aux étudiants absents.
Une salle de classe de l'IHSEA. Un tableau numérisé permet d'envoyer les cours par mail aux étudiants absents. © Christophe-Cécil Garnier
Par Garnier Christophe, mis à jour le 19 juin 2015
1 min

Les problèmes psychologiques des élèves de l’IHSEA (Institut hospitalier de soins-études pour adolescents) d’Aubervilliers (93) ne leur ont pas permis de suivre une scolarité “normale”. Pourtant, ils vont passer le bac comme les autres.

Rien ne distingue, a priori, la salle n° 33 de l'IHSEA d'une salle de cours d'un lycée “classique”. Un tableau, un planisphère et au sol un lino vert pomme. La seule différence : il n'y a que 6 chaises. L'Institut hospitalier de soins-études pour adolescents accueille, depuis 2009, des élèves en proie à des difficultés psychiques. Comme Quentin en classe de première ES.

Le jeune homme est arrivé dans l'établissement en seconde suite à "des problèmes de dépression". "J'avais beaucoup de difficultés à être sociable avec les autres ados, alors qu'ici, je peux travailler sans problème avec les gens. Et si je ne suis pas bien, je peux ne pas aller en cours et discuter de mes soucis."

Le site de l'IHSEA

L'institut est avant tout un hôpital, dont le projet a été initié par le docteur Yves-Claude Stavy. Tout est parti d'un constat, les jeunes en difficulté "étaient ballottés entre des hospitalisations, où l'on ne prenait pas le temps de connaître les raisons de leurs malaises, et le lycée, où leur scolarité était hachée par ces interruptions. Ils se retrouvaient mal soignés et mal éduqués", explique le médecin.

Aujourd'hui, l'IHSEA accueille 36 élèves répartis en 2 classes de seconde générale et 4 de première et terminale ES ou STMG. Une vingtaine de professeurs du lycée voisin, Le Corbusier, et 15 membres du personnel soignant et encadrant s'occupent d'eux dans l'objectif de faire suivre à Quentin et ses camarades "un programme normal".

Un taux de réussite au bac proche de 100 %

À l'approche du baccalauréat, la tension monte. "C'est vraiment un moment critique pour nos élèves, explique la psychologue Mariana Alba de Luna. Ils doivent avoir un comportement ordinaire." Pas facile lorsque les adolescents ont des problèmes "qui les empêchent de vivre une scolarité normale". Cela peut être des soucis passagers, comme la phobie scolaire, mais aussi plus graves comme les tentatives de suicide, la boulimie ou l'anorexie.

L'atelier d'arts plastiques de l'IHSEA

"On se retrouve avec des ados assez paumés et des pathologies qui les coupent un peu du monde, précisent Valérie Ross et Régine Doussière, cadres de l'établissement. Le pari, c'est de miser sur leurs capacités à eux et de les amener le plus loin possible." Et cela fonctionne plutôt bien puisque l'IHSEA affiche, en effet, un taux de réussite à l'examen proche de 100 %. "Presque tout le monde est reçu mais sans que ce soit notre but”, précise le docteur Stavy.

"Les élèves oublient qu'ils sont dans un hôpital psychiatrique"

Le moteur, c'est le "bien-dire" des élèves. Pour y contribuer, ces derniers disposent d'ateliers d'arts plastiques ou de poterie, ainsi que des salles polyvalentes avec des tables de ping-pong, des baby-foot. Il y a même une terrasse avec un terrain de badminton. "Les locaux sont très importants, déclare Mariana Alba de Luca. Parfois, les élèves oublient qu'ils sont dans un hôpital psychiatrique."

La terrasse de l'IHSEA

Et les cours dans tout ça ? Ils bénéficient aussi du format particulier de l'IHSEA. "Les effectifs très réduits nous permettent de travailler au plus proche de chacun et d'effectuer le même programme que dans les lycées ‘classiques ’, explique David Marec, professeur de mathématiques. "Dans un groupe de 6 élèves, c'est vraiment 6 fois 1. Ce n'est pas un cours particulier mais on sait que ce groupe est fait d'individualités."

"On ne peut pas anticiper leur comportement au bac"

Assis avec deux de ses amis dans une salle de musique pour se reposer, Abdelmalik, également en première ES, apprécie cette forme d'enseignement. "Avant, je n'aimais pas aller en cours. Le monde m'intimidait. Ici, c'est plus facile pour moi. Après il faut réviser, c'est toujours le même problème", conclut-il dans un sourire. Pour l'y aider, de nombreux cours de soutien scolaire sont mis en place. Et au moment du bac, professeurs et soignants accompagnent les élèves, qui disposent d'un tiers temps supplémentaire, et gèrent avec eux les moments d'inquiétude. "Aller au bac tout seul, ce ne serait pas pareil, je serais angoissé !", souffle Quentin.

Et David Marec, d'ajouter : “On a vu certains élèves craquer littéralement 3 semaines avant le bac. Tandis que pour d'autres, on pensait que le stress ne serait pas tenable et finalement ils sont allés à chaque épreuve. On ne peut pas anticiper leur comportement au bac.".

Surtout que, dans les salles d'examens, il y a plus de 6 chaises.

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