Enquête

Chômage, salaire, précarité : êtes-vous moins bien lotis que vos aînés ?

Recherche d'emploi
Ce sont les jeunes les moins diplômés qui rencontrent le plus de difficultés pour intégrer le marché du travail. © Fotolia
Par Erwin Canard, publié le 30 mars 2016
6 min

Chômage, déclassement, salaires en berne… la vision de la vie active paraît bien sombre pour nombre de (futurs) jeunes diplômés. La mobilisation contre le projet de loi Travail en a été une nouvelle démonstration. Qu’en est-il vraiment ? Votre situation est-elle pire que celle des jeunes descendus dans la rue il y a dix ans contre le CPE (contrat première embauche), projet gouvernemental finalement retiré ? L’Etudiant fait le point, chiffres à l’appui.

Dès son annonce début mars 2016, lycéens et étudiants sont montés au créneau contre le projet de loi Travail. L'occasion d'exprimer un ras-le-bol plus global sur leur situation face à l'emploi et une inquiétude, profonde, quant à l'avenir. Un mouvement souvent rapproché de celui d'il y a 10 ans contre le CPE, finalement retiré. À l'Etudiant, nous avons voulu savoir si, depuis cette précédente mobilisation, la précarité des jeunes sur le marché du travail s'était empirée... ou améliorée. Réponse en 5 vrai/faux.

#1 - Chômage : vous êtes plus touché(e)s que les jeunes d'il y a 10 ans

VRAI

En 2005, le chômage des 15-24 ans était de 21 %. En 2015, il était de 25 %. Au niveau national, tous âges confondus, le taux est passé de 8,5 % à 10 %. Les jeunes, ce n'est pas une surprise, sont donc beaucoup plus touchés par le chômage que le reste de la population.

Taux de chômage
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#2 - Chômage vs diplôme : le chômage a augmenté pour tous, quel que soit le niveau de diplôme

VRAI mais...

Le taux chômage est effectivement plus élevé pour tous les jeunes sortis de formation initiale depuis 1 à 4 ans en 2014 que ceux qui étaient dans le même cas en 2005.

Mais le diplôme protège toujours du chômage : les diplômés du supérieur ont en effet connu une hausse de leur taux de chômage moins forte que les autres : il est passé de 9,5 % à 11,5 % en moins de 10 ans. Dans le même temps, celui des titulaires du bac, d'un CAP, BEP ou équivalent depuis 1 à 4 ans est passé de 17,8 % en 2005 à 24,1 % en 2014, quand celui des diplômés du brevet ou des non-diplômés a lui augmenté d'environ 15 points, passant de 38,2 % à 53 %.

À noter, 9 titulaires de master sur 10 ont un emploi 30 mois après l'obtention de leur diplôme (1). Pour une immense majorité, ils ont un emploi à temps plein.

#3 - CDD/CDI : vous êtes de plus en plus en emploi précaire, quel que soit votre diplôme

VRAI

Le taux d'emplois temporaires (CDD, intérim...) a augmenté entre 2006 et 2012, que ce soit chez les diplômés du supérieur, du secondaire ou du brevet.

L'augmentation s'avère toutefois plus forte chez les diplômés du supérieur. En effet, le taux d'emplois temporaires chez ceux qui ont obtenu leur diplôme depuis moins de 4 ans est passé de 22 à 26 %. Il n'a augmenté que de 2 points chez les diplômés du secondaire et de 0,5 point chez les diplômés du brevet et non-diplômés, qui restent néanmoins bien plus touchés par la précarité que les diplômés du supérieur (respectivement 38 % et 46 %).

À noter, en 2014, parmi l'ensemble des salariés de moins de 25 ans, seuls 46 % étaient en CDI alors que les autres étaient en CDI à plus de 80 %.

Emplois temporaires jeunes
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#4 - Déclassement : votre emploi correspond à votre niveau de diplôme

De moins en moins VRAI...

Globalement, 80 % des diplômés du supérieur long (de bac+3 à bac+5) occupent un emploi de cadre ou de profession intermédiaire 1 à 4 ans après l'obtention de leur diplôme, contre seulement 50 % des diplômés du supérieur court (bac+2 et équivalents) et 20 % des bacheliers. Autrement dit, plus le niveau de diplôme est élevé, plus on a de chances d'avoir un emploi de cadre ou de profession intermédiaire. Toutefois, cela se produit dans une moindre proportion qu'il y a 10 ans. En 2004, 84 % des diplômés du supérieur long occupaient un poste de cadre ou profession intermédiaire, contre 58 % des diplômés du supérieur court et 23 % des bacheliers.

En outre, pour chaque niveau de diplôme, la part de cadres ou de professions intermédiaires est plus faible que pour ceux qui sont diplômés depuis 11 ans ou plus. Ainsi, à niveau de formation équivalent, les générations plus anciennes occupent des emplois plus qualifiés (à noter que cette différence s'explique en partie par l'évolution des carrières, lorsque l'on “grimpe les échelons”).


Cadres et profs inter
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#5 - Salaires et taux de pauvreté : vous gagnez moins que les jeunes d'il y a 10 ans

FAUX mais...

Le salaire médian net (c'est-à-dire que la moitié de la population considérée gagne moins et l'autre moitié gagne plus) des jeunes âgés de 15-29 ans en 2014 a augmenté par rapport à celui des jeunes du même âge en 2004. Cela concerne tous les diplômés, quel que soit le niveau, du brevet jusqu'au supérieur, même si ces derniers gagnent beaucoup plus que tous les autres : en 2014, 1.700 € pour les diplômés du supérieur, 1.200 € pour les bacheliers, 1.008 € pour les diplômés du brevet et non-diplômés.
Toutefois, le salaire des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, qui progressait depuis le début des années 2000, a baissé à partir de 2010. L'augmentation globale entre 2004 et 2014 s'est donc faite entre 2004 et 2009.
En outre, le taux de pauvreté (dans ce cas : un niveau de vie inférieur de 50 % au niveau de vie médian) a davantage augmenté chez les jeunes que chez le reste de la population. Pour les 18-29 ans, il est passé de 10,1% en 2006 à 13 % en 2012. Dans l'ensemble de la population, ce taux a augmenté de “seulement” 1,1 point, en passant de 7 à 8,1 %.

Salaires
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Salaire mensuel net médian des actifs selon le diplôme. Source : INSEE.

Finalement, seul le niveau de salaire vous est plus favorable qu'aux jeunes de 2006. Tous les autres indicateurs montrent une situation plus difficile pour les jeunes aujourd'hui : plus de chômage, un emploi de moins en moins en conformité avec le niveau de diplôme, de plus en plus d'emplois précaires... De quoi être inquiet lorsqu'on amorce son entrée sur le marché du travail, même si tous les secteurs ne sont pas touchés : ainsi, ceux du numérique, de l'aide à la personne, du commerce mais également au sein de la fonction publique (Éducation nationale, armées, métiers de la petite enfance) sont quelques-uns des secteurs qui recrutent. À bon entendeur !

Source de toutes les données utilisées dans l'article : INSEE.

(1) Enquête sur l'insertion professionnelle des diplômés de l'université, publiée le 16 décembre 2015 par le ministère de l'Enseignement supérieur.

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