Portrait

Mahsa*, étudiante iranienne : "Je suis venue en France pour être indépendante"

Mahsa* sur le pont Si-o-se-pol à Ispahan (Iran). Ce jour-là, elle s'est faite contrôlée par la police des mœurs à propos de son voile.
Mahsa* sur le pont Si-o-se-pol à Ispahan (Iran). Ce jour-là, elle s'est faite contrôlée par la police des mœurs à propos de son voile. © Photo fournie par le témoin
Par Manon Pellieux, publié le 08 mars 2023
5 min

Installée en France depuis 13 mois, Mahsa*, Iranienne de 19 ans, étudie le français à l'université de Poitiers. A l’occasion de la journée des droits des femmes, elle raconte à l'Etudiant son parcours de Téhéran à la Vienne.

"Je ne pouvais même pas me lever de mon lit. Je ne pouvais pas aller en cours." Voilà la réaction de Mahsa*, étudiante iranienne de 19 ans, lorsqu'elle a appris la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022 à Téhéran.

Mahsa est alors étudiante en FLE (Français langue étrangère) à l'université de Poitiers depuis janvier 2022. Originaire de Téhéran, elle a décidé de venir en France pour perfectionner son français, mais pas que. "Je sais que je ne suis pas venue là que pour les études. Quand j'ai décidé de venir en France, c'était vraiment pour de bon", affirme Mahsa. "Je savais que si je restais en Iran, ce n'était pas possible pour ma famille de payer mes cours. Donc je suis venue en France pour être indépendante."

Cinq mois pour apprendre le français

Une fois son bac en poche en 2021, Mahsa a souhaité partir étudier à l'étranger et la France était le pays lui proposant le plus rapidement un visa. Mais pour l'obtenir, elle a dû passer un entretien avec les autorités françaises. Un entretien "vraiment difficile" : "Ils m'ont posé beaucoup de questions, notamment si j'allais faire un doctorat, s'exaspère la jeune femme. C'est vraiment difficile pour les étudiants étrangers. J'ai l'impression qu'on doit prouver notre planning jusqu'à nos 40 ans."

Son visa validé, elle a décidé d'apprendre le français, une langue qu'elle ne parlait pas jusque-là, en attendant d'avoir le sésame officiel pour venir en France.

"Mes parents ont rassemblé toutes leurs économies pour que je puisse venir en France"

La jeune Iranienne a choisi la filière FLE à Poitiers parce que c'était une des formations les moins chères de France. "C'était vraiment difficile de demander tout cet argent à ma famille. Mes parents ont rassemblé toutes leurs économies pour que je puisse venir en France", témoigne Mahsa.

Logée dans une résidence du Crous, l'étudiante cumule les petits boulots depuis son arrivée. "J'ai travaillé dans un hôtel en tant que femme de ménage. C'était le premier travail de ma vie". Aujourd'hui, elle travaille aussi dans une école et garde de temps en temps des animaux.

Des liens compliqués avec l'Iran

Si elle parvient à joindre ses parents par téléphone, les liaisons sont plus compliquées pour échanger avec ses amis. "Parfois, on doit attendre dix minutes juste pour arriver à se dire bonjour" se désespère la jeune femme.

A la difficulté de joindre des personnes dans son pays natal s'ajoute l'auto-censure dans les discussions. "Si je suis triste, je ne peux pas le dire à ma famille, parce qu'ils vont s'inquiéter. Une fois j'avais des problèmes financiers, j'ai préféré ne pas en parler à ma mère…" Il en est de même pour ses amis à qui elle évite d'évoquer ses problèmes. "Ils sont en train de mourir dans la rue. Mes problèmes peuvent leur paraître dérisoires."

Évoquer la situation en Iran reste difficile pour la jeune femme. Une de ses amies, étudiante en psychologie à Téhéran a été emprisonnée pendant un mois. "Quand je l'ai appris, j'étais vraiment choquée. Maintenant, elles sont tellement nombreuses à être tuées ou emprisonnées, qu'elles deviennent des chiffres, et plus des personnes."

Elle a elle-même connu des difficultés avec la police des mœurs à cause de son piercing au visage. "Ça m'énerve de ne pas être acceptée chez moi juste pour des piercings. C'est moi, mais juste avec un peu de métal. Pour eux, je ne suis pas belle moralement avec."

Alors que des empoisonnements de jeunes filles ont lieu dans les écoles iraniennes en ce moment, Mahsa déclare qu'elle ne "laisserait pas un enfant aller à l'école en Iran aujourd'hui." Trop dangereux.

Une intégration en France qui se met en place

Après 13 mois à Poitiers et un niveau B2 validé en français, Mahsa se sent plus à l'aise. Elle commence à avoir des amis, notamment des étrangers comme elle. "Je participe à des associations, des festivals. C'est vraiment ça qui me permet d'apprendre le français."

Pour autant, il est difficile pour Mahsa d'exprimer ses émotions. Avec ses amis en France, elle ne peut pas parler dans sa langue natale, et avec sa famille, elle évite de s'épancher. "Parfois quand je suis triste, je ne peux pas expliquer mon émotion. On n'a personne à qui parler."

A la rentrée prochaine, Mahsa souhaiterait intégrer une licence LEA, et pourquoi pas s'installer à Strasbourg. Une ville où la communauté iranienne est plus importante, et où elle espère trouver du soutien et du réconfort.

*Pour des raisons de sécurité, le prénom a été modifié et choisi en hommage à Mahsa Amini.

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