Témoignage

"C’est compliqué d’apprendre le français" : des lycéens ukrainiens racontent leur quotidien

Lycéens ukrainiens
Yurii et Alisa sont scolarisés en section UPE2A au lycée Paul Valéry à Paris. © Marine Ilario
Par Marine Ilario, publié le 28 avril 2023
7 min

Arrivés en France il y a un an après avoir fui la guerre en Ukraine, Yurii, Alisa et Oleksandr reviennent sur leur parcours entre découverte d'une nouvelle langue, d'une nouvelle culture, et préparation des études supérieures.

À 15, 17 et 18 ans, Yurii, Alisa et Oleksandr sont arrivés en France après avoir fui, avec leurs familles, la guerre en Ukraine. Un an après leur arrivée, ils reviennent pour l’Etudiant sur les 12 mois qui viennent de s’écouler entre apprentissage du français, projets d’avenir, découverte d’une nouvelle ville et d’une nouvelle culture.

Un départ soudain

"En trois jours, ma mère a décidé de quitter l’Ukraine", se souvient Alisa qui a fui la guerre avec sa mère et sa sœur en mars 2022. Malgré la décision soudaine et le contexte difficile, la jeune fille ne peut cacher sa joie. "Avec ou sans la guerre, j'ai toujours su que je voulais étudier et habiter et France, donc c’est un peu comme un rêve d’être ici."

Face à l'enthousiasme d'Alisa, les visages d'Oleksandr et Yurii sont plus fermés. Pour Alex, le départ a été un "moment très difficile". Il est parti avec sa mère et sa tante et ne parlait pas un mot de français. Le choix de venir en France s’est fait naturellement pour la famille de Yurii. "Ma mère avait déjà vécu en France avant la guerre pour son travail, mais moi, j'étais triste de partir et de quitter mes amis."

Les trois lycéens sont en UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) au lycée Paul Valéry dans le XIIe arrondissement de Paris.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, de nombreux enfants et adolescents sont arrivés en France et ont intégré le système scolaire. En Île-de-France, les UPE2A ont ainsi accueilli 502 élèves ukrainiens (lycéens, collégiens, mais aussi en primaire) entre mars et juillet 2022. "Ils passent des tests pour évaluer leur niveau en français et en mathématiques pour savoir s’ils peuvent intégrer une classe ordinaire", explique Stéphane Paroux, enseignant en UPE2A et coordinateur du Casnav (centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage), chargé d’accueillir et de scolariser les élèves nouvellement arrivés de l’étranger.

Le difficile apprentissage du français

L’apprentissage de la langue est un passage obligé pour Oleksandr, qui aimerait faire des études dans le design d’art. Déjà titulaire du bac ukrainien, il doit en effet acquérir un certain niveau en français pour commencer des études supérieures en France. "Je le comprends presque entièrement, mais je n’arrive pas encore à bien le parler."

Yurii aussi est parti de zéro en français. Il trouve "compliqué d’apprendre la langue. Parce que pour moi, il y a deux formes de français : celui que tu parles et celui que tu écris."

En arrivant en France, Alisa est restée huit mois à Toulon (83) avec sa mère et sa sœur avant que celles-ci ne repartent en Ukraine. Elle a fait le choix de rester en France et d'aller vivre à Paris avec sa tante. La jeune fille, qui a étudié le français en Ukraine, a intégré le lycée Paul Valéry et partage aujourd'hui son temps entre des cours de français en UPE2A et des cours en classe normale où elle étudie trois spécialités : HGGSP, SES et SVT.

lycéens ukrainiens
En UPE2A, les élèves passent des tests pour évaluer leur niveau en français et en mathématiques afin de savoir s’ils peuvent intégrer une classe ordinaire./ © Marine Ilario.

Cap sur les études supérieures

Alisa ne prépare pour autant pas le bac, mais est déjà tournée vers les études supérieures. "J’ai déjà le bac ukrainien et j’aimerais commencer mes études supérieures dès la rentrée de septembre." Sûre d’elle, la jeune femme envisage d’étudier la gestion des entreprises et des administrations, "soit en licence soit en BUT" mais ne sait pas encore où. "J’ai postulé à Paris, Lyon, Montpellier et Toulon. Mais c’est difficile de se loger à Paris, à Lyon, et à Montpellier, je n’ai pas eu de réponse donc je pense que je vais retourner à Toulon."

En arrivant en France, Yurii a d’abord intégré un collège parisien puis le lycée Paul Valéry et envisage de poursuivre ses études en France dans l’informatique.

Oleksandr, lui, est indécis. "C’est difficile de savoir ce que je vais faire après parce que je ne sais pas ce qu’il va se passer. Pour étudier l’art, je pense que c’est mieux de rester en France, mais après, j'aimerais revenir en Ukraine ou peut-être aller dans un autre pays."

Se familiariser à une nouvelle culture

En arrivant à Paris, ce n’est pas le froid, la pluie ou les plats à base d’escargots qui ont marqué Yurii mais "la bureaucratie !". Oleksandr et Alisa confirment instantanément. "En France, c’est très long. J’ai dû attendre deux mois pour savoir si je pouvais postuler en études supérieures pour l'année prochaine", se souvient Alisa.

Au lycée, difficile de créer des liens avec les autres élèves. "Ce n’est pas facile de se faire des amis parce que la culture est différente. C’est plus simple avec les autres élèves ukrainiens", reconnaît Oleksandr.

Une différence que ressent aussi Alisa. "La société est différente, les valeurs et les centres d’intérêts sont différents donc oui, les adolescents sont différents."

Plus sévère, Yurii déplore "l’hypocrisie" des personnes qu’il a croisées. "Je ne dis pas que tous les français sont comme ça, mais beaucoup parlent dans le dos des autres. Il y a moins ça en Ukraine."

Mémoires et nostalgie d'Ukraine

Si les trois lycéens envisagent de manière plus ou moins certaine de poursuivre leurs études en France, la nostalgie prend le pas quand on leur demande de parler de l’Ukraine.

Yurii vante la diversité des paysages que l’on peut trouver dans son pays natal : la mer, les montagnes et les forêts. "À Paris, il n’y en a pas beaucoup, je pense que c’est ce qui me manque le plus."

Oleksandr est, lui, nostalgique de l’optimisme des Ukrainiens. "Malgré la guerre, les gens sont toujours souriants."

Et Alisa ? "C’est la nourriture de ma mère qui me manque le plus", tranche-t-elle. La jeune fille esquisse un sourire en pensant au "Vareniki" ou au "Borsch" et l'avoue : "C’est délicieux !".

Vous aimerez aussi...

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !