Témoignage

Uniforme à l'école : pour de nombreux jeunes, une "tenue unique" les "priverait de leur personnalité"

Pour une majorité de collégiens et lycéens, le choix vestimentaire constitue une part importante de leur identité : l'uniforme les "priverait de leur personnalité".
Pour une majorité de collégiens et lycéens, le choix vestimentaire constitue une part importante de leur identité : l'uniforme les "priverait de leur personnalité". © Adobe stock/Rawpixel.com
Par Rachel Rodrigues, publié le 12 septembre 2023
1 min

TÉMOIGNAGES. Le débat sur l'uniforme à l'école est revenu sur le devant de la scène à la rentrée. La proposition d'une expérimentation laisse de nombreux lycéens et collégiens perplexes.

"Pas sûr que ce soit une solution miracle mais elle mérite d'être testée." C'est en ces termes que le ministre de l'Éducation Gabriel Attal a justifié, le 4 septembre, sur RTL, sa volonté d'expérimenter le port d'une "tenue unique" à l'école, en précisant qu'il en annoncerait les modalités "à l'automne".

Une idée soutenue le même jour par le président Emmanuel Macron, lors d'une interview accordée à HugoDécrypte : "Sans avoir un uniforme, on peut dire 'vous vous mettez en jean, T-shirt et veste.'"

Si les débats sur le port de l'uniforme à l'école ne sont pas nouveau en France, du côté d'une bonne partie des élèves, l'heure est toujours à la crainte. Pour la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), le refus est même catégorique. "La tenue unique n'a aucun intérêt", balaie Gwenn Thomas-Alves, président de l'organisation syndicale lycéenne, qui redoute qu'une telle décision ne "les prive de leur personnalité".

"J'ai envie de m'habiller comme je veux"

Nombre des lycéens et collégiens interrogés dressent le même constat : le choix vestimentaire constitue une part importante de leur identité et de leur évolution. "Vouloir uniformiser nos tenues, c'est aller à l'encontre de tout ça", regrette Clémence, élève de terminale dans les Vosges, qui affirme refuser qu'on "mette les élèves dans des cases". Même constat pour Maelyss, élève de cinquième dans le Val-de-Marne : "J'ai envie de m'habiller comme je veux", abonde la collégienne de 13 ans.

Du côté de Lina, élève de terminale dans les Hauts-de-Seine, tous les jeunes sont d'une manière ou d'une autre "attachés à leur style vestimentaire" : "ça fait partie de nous, c'est ce qu'on est", affirme-t-elle.

Selon la lycéenne francilienne, l'uniforme peut être inconfortable pour les jeunes qui le portent. "En fonction de leur coupe, certaines tenues peuvent ne pas correspondre à toutes les morphologies, c'est donc difficilement imaginable de les imposer à tout le monde", confie-t-elle.

Un faux remède contre les inégalités

De nombreux défenseurs de l'uniforme mettent en avant l'argument d'une tenue qui permettrait de gommer les inégalités sociales entre les élèves. Pourtant, chez certains lycéens, cette idée peine à convaincre. "Ce n'est pas parce que les élèves sont habillés de la même manière que certains ne se feront pas harceler", argue Tristan, élève de première en Indre-et-Loire.

Pour de nombreux jeunes, la "tenue unique" ne permettrait de régler le problème qu'à court terme. Car si, avec l'uniforme, l'aisance financière des parents n'est plus visible sur les vêtements, elle se matérialise vite autrement, estime Clémence. Sacs de cours, montres, chaussures chères…

"Les lycéens vont forcément accessoiriser leurs tenues et, finalement, les inégalités restent là", conclut-elle. Pour appuyer ce propos, Lina prend l'exemple de certains modèles étrangers, qui ont déjà adopté l'uniforme à l'école. "Malgré la tenue, la Corée est un pays réputé pour ses nombreux cas de harcèlement", illustre la lycéenne.

D'autres élèves estiment ne pas comprendre l'intérêt d'une telle proposition, dans un contexte où de nombreux problèmes qu'ils considèrent plus urgents restent encore à régler. Manque de professeurs, classes surchargées, stress lié à Parcoursup… "Je suis triste de voir que le gouvernement préfère revenir sur le débat de l'uniforme plutôt que d'adresser les réels problèmes des lycéens", regrette Tristan.

Une tradition "culturellement ancrée"

En France, rares sont les établissements publics qui ont maintenu le port de l'uniforme. Parmi eux, on retrouve les lycées militaires, l'internat de la réussite de Sourdun ou encore la Maison d'éducation de la Légion d'honneur, en région parisienne.

Dans les départements d'outre-mer aussi, de nombreux établissements n'ont pas dérogé à la tradition. "Ici, l'uniforme est culturellement ancré", explique Martin, élève de troisième en Martinique. Le collégien de 14 ans porte l'uniforme depuis un peu plus d'un an, date de son arrivée sur l'île. "Au début, je trouvais ça bizarre de porter la même tenue tous les jours, mais aujourd'hui ça va un peu mieux." S'il se dit désormais habitué, il confie également vouloir recommencer à porter ce qu'il veut, "dès qu'il le pourra".

"Sentiment d'appartenance"

Scolarisée à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur, institution d'excellence francilienne, depuis la sixième, Marie a, quant à elle, presque toujours porté l'uniforme. "Aujourd'hui, je ne me verrais pas aller en cours sans", affirme la lycéenne, qui vient de faire sa rentrée en première.

Le fait d'avoir la même tenue que ses camarades, "une robe-bleu marine qui descend en-dessous des genoux et une chemise blanche", crée en elle un "sentiment de fierté et d'appartenance". Mais elle l'admet : "Ce n'est pas toujours le plus confortable pour tout le monde." Selon elle, dans le cadre de l'expérimentation proposée par le gouvernement, "il faudrait au moins permettre aux élèves de choisir entre jupe, robe et pantalon".

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