Interview

Marine Le Pen : "Le bac doit redevenir un diplôme de sélection et d'orientation"

La candidate du Front national entend, entre autres, établir une sélection à l'entrée de l'université et augmenter les frais de scolarité des étudiants étrangers.
La candidate du Front national entend, entre autres, établir une sélection à l'entrée de l'université et augmenter les frais de scolarité des étudiants étrangers. © HAMILTON/REA
Par Paul Conge, publié le 31 mars 2017
8 min

Aux yeux de la présidente du Front national candidate à l'élection présidentielle, le mérite doit devenir un pilier de l'enseignement et de l'orientation. Dans une interview réalisée par écrit pour l'Etudiant, Marine Le Pen égrène ses propositions : supprimer le collège unique, instaurer une sélection à l'entrée de l'université... Nouveau volet de notre série d’entretiens avec les candidats à l’élection présidentielle, tous sollicités par notre rédaction.

La réforme du collège instaure depuis 2016 de nouveaux programmes en français, mathématiques et histoire-géographie, ainsi que des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) dès la cinquième. La conserverez-vous si vous êtes élue ?

Cette réforme du collège voulue par Najat Vallaud-Belkacem est une catastrophe pédagogique sur laquelle il sera absolument nécessaire de revenir. En effet, la réforme entérine la diminution massive du temps consacré aux enseignements fondamentaux (français, mathématiques, histoire-géographie). L'augmentation des enseignements non disciplinaires (EPI) est la contrepartie de cette coupe, mais est aussi le signe que la maîtrise des fondamentaux passe au second plan, au profit de l'éparpillement.

C'est pourquoi je souhaite la suppression du principe d'interdisciplinarité au collège et au lycée (EPI et TPE) et la redistribution des heures au profit des fondamentaux, en particulier l'enseignement du français, des mathématiques et de l'histoire-géographie (où l'histoire de France sera apprise, sans repentance aucune), et le rétablissement des heures supprimées de physique-chimie et de biologie au lycée.

Enfin, je supprimerai le collège unique, véritable machine à frustration, afin de ne pas enfermer trop rapidement les collégiens dans une voie. Je veux retrouver un collège qui oriente parfaitement et qui permettra aux jeunes de notre pays de s'épanouir dans la filière qui leur convient le mieux. En parallèle, je développerai massivement l'apprentissage (qui est très professionnalisant) et je revaloriserai les filières professionnelles, très pourvoyeuses d'emplois mais qui sont aussi trop souvent dénigrées.

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Toucherez-vous à l'examen du baccalauréat ou le laisserez-vous en l'état ?

Le baccalauréat est aujourd'hui remis en cause car il est dévalorisé dans le cursus professionnel des élèves. Le baccalauréat doit être pérennisé mais il doit retrouver sa valeur et redevenir un diplôme de sélection et d'orientation.

Le niveau d'exigence doit être considérablement revu à la hausse, avec un accent mis notamment sur l'orthographe et la grammaire lors des épreuves. Les épreuves qui sanctionnent l'acquis des fondamentaux doivent redevenir centrales car elles sont cruciales pour suivre une scolarité dans l'enseignement supérieur.

Je ne suis cependant pas favorable à la suppression des options (comme le propose notamment Emmanuel Macron) car elles participent de l'éveil de chaque lycéen : je propose ainsi qu'une option musique soit systématiquement proposée dans tous les établissements.

L'affectation des lycéens après la terminale est pilotée dans une certaine opacité par le système Admission-postbac (APB). Ce système vous paraît-il satisfaisant ?

APB connaît actuellement une dérive préoccupante. Ce système vise avant tout à affecter un maximum d'élèves dans les filières du supérieur et répond davantage à une problématique d'optimisation des places vacantes qu'à une volonté de conduire les étudiants là où ils ont les meilleures chances de réussite.

Le résultat est sans appel : depuis près de six ans maintenant, on constate que bien trop d'étudiants, surtout des bacheliers professionnels, se retrouvent affectés en première année à l'université, sans avoir suivi au préalable la formation adéquate.

Des prérequis doivent être définis à l'entrée de l'université.

Deuxième injustice, APB se voit contraint d'instaurer un système de tirage au sort pour les filières universitaires trop demandées (PACES, STAPS, psycho, éco, etc.). Certains candidats se trouvent ainsi refoulés par le simple hasard à l'entrée des filières désirées alors qu'ils avaient un véritable projet professionnel et des résultats scolaires leur permettant de poursuivre dans cette voie. C'est aussi aberrant que profondément injuste.

Il est indiscutable que des prérequis doivent être définis à l'entrée de l'université ; et c'est pour cette raison que je ferai évoluer le code de l'Éducation afin de mettre fin au principe de non sélection. Je veux mettre fin à la sélection par l'échec et préfère une sélection au mérite. Ma préoccupation n'est pas de fermer la porte à certains étudiants – notamment les bacheliers professionnels – mais de ne pas leur faire perdre du temps à rester inutilement sur les bancs de la faculté dans un système d'enseignement supérieur où, de surcroît, les réorientations et les passerelles sont encore malaisées.

Je lancerai également les classes préparatoires aux grandes écoles professionnelles car elles sont aujourd'hui inexistantes et elles seront un moyen de pousser les bacheliers professionnels à s'épanouir pleinement dans ces filières.

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Contre l'échec en première année de licence, vous proposez une sélection à l'entrée de l'université. N'est-ce pas un problème qui pourrait se régler avec une meilleure orientation au lycée ?

L'orientation et la réussite sont des enjeux majeurs aujourd'hui dans l'enseignement supérieur, où moins d'un élève sur trois entrant en première année de licence obtient trois ans plus tard son diplôme. L'échec est donc massif et c'est dramatique.

Ma réponse est radicalement différente de celle du gouvernement actuel. Tout d'abord, seul le mérite scolaire doit être un critère de sélection. Rétablir une sélection à l'entrée c'est de facto revaloriser les diplômes, car un diplôme pour tous n'est un diplôme pour personne. De plus il s'agit de remettre en cause cette logique du "tout université" à l'heure où les filières professionnelles sont systématiquement dévalorisées alors qu'elles proposent des métiers nobles avec de réelles perspectives d'embauche à la fin des études. Un point de mon projet vise également à mettre en place un service public d'orientation afin de mieux guider et accompagner les élèves dans leur orientation.

Mais au final, c'est bien la revalorisation de l'école primaire, du collège et du lycée, avec un recentrage sur les fondamentaux et la fin du collège unique, qui permettra de mettre fin à cette sélection par l'échec.

Remettre le mérite au cœur de l'enseignement supérieur, c'est aussi valoriser l'effort en rétablissant les bourses au mérite.

Vous proposez de renforcer la méritocratie républicaine, qui privilégie les meilleurs élèves. Ne risquez-vous pas de perpétuer encore davantage des inégalités sociales, les plus faibles scolairement étant souvent les plus désavantagés socialement ?

Encore une fois, ce sont les politiques qui sont actuellement menées qui ont creusé les inégalités scolaires et sociales. Il faut recentrer et renforcer l'apprentissage des fondamentaux : français, mathématiques et histoire-géographie.

Je vais vous donner un exemple concret : le test d'une dictée de 67 mots réalisée par des élèves de CM2 depuis 1987 met en évidence que les élèves issus des milieux défavorisés faisaient moins de fautes en 1987 que les élèves issus des classes les plus favorisées en 2015.

C'est en mettant l'accent sur l'apprentissage des fondamentaux dès l'école primaire que l'on réduira les inégalités sociales de départ, et non en ayant recours au maquillage de la discrimination positive.

Remettre le mérite au cœur de l'enseignement supérieur, c'est aussi valoriser l'effort en rétablissant les bourses au mérite, qui ont été fortement diminuées par les socialistes.

Je souhaite également mettre en place une "Protection-logement-jeunes" par la construction massive de logements étudiants et la revalorisation de 25 % des APL pour les jeunes jusqu'à 27 ans : de cette manière, les jeunes se consacreront davantage à leurs études et auront moins à travailler pour payer leur logement.

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Certains candidats, à l'instar de Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon, proposent la gratuité de l'université. Transformerez-vous, vous aussi, les frais de scolarité ?

Je pense qu'il faut maintenir les frais de scolarité à leur niveau actuel car les augmenter reviendrait à introduire de nouvelles barrières pour les enfants issus des milieux populaires. Or, je veux que chaque étudiant soit jugé et orienté en fonction de son mérite et de ses efforts. C'est aussi la raison pour laquelle j'entends revaloriser les bourses au mérite, que les socialistes ont considérablement réduites. Il faut encourager l'effort et le travail, il faut récompenser le mérite et l'excellence.

Pour autant, il serait naïf de penser que la gratuité des droits d'inscription à l'université française résoudrait tous les problèmes. C'est bien sur l'acquisition des savoirs et l'orientation qu'il faut jouer, pour aller au-delà des déterminants sociaux et culturels.

La France, c'est un fait, consacre une dépense publique élevée à ses formations, et c'est un pari heureux sur l'avenir de sa jeunesse. Nous devons maintenir cet effort et même l'amplifier si possible. En contrepartie, je propose d'augmenter les droits de scolarité dont s'acquittent les étudiants étrangers quand ils étudient dans notre pays. Il n'est pas question de les augmenter à un niveau où ils deviendraient dissuasifs car la France s'honore de former des étudiants qui deviendront à leur tour des ambassadeurs de notre culture. Mais ces droits sont actuellement très bas et doivent mieux refléter le coût qu'ils induisent pour le contribuable français. Enfin, les étudiants qui participeront à l'Erasmus francophone que je mettrai en place continueront de bénéficier des mêmes droits de scolarité que les Français.

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