Décryptage

Week-ends d’intégration : 5 clichés passés au crible

Intégration à Lyon.
Intégration à Lyon. © Laurent Cerino/REA
Par Aude Lorriaux, mis à jour le 10 octobre 2018
6 min

Le week-end d’intégration est un moment festif qui peut légitimement susciter l’appréhension. Au-delà des idées reçues, à quoi pouvez-vous vous attendre vraiment ? Décryptage.

Septembre-octobre, la saison des intégrations. Ces périodes de vie étudiante, destinées à rapprocher et souder les nouveaux arrivants, ont souvent fait parler d'elles suite à des dérives. En janvier 2018, les Arts et Métiers annonçaient ainsi sa décision de "mettre fin définitivement à la période de transmission des valeurs".

De son côté, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a rédigé une charte intitulée "Evénements festifs et d’intégration étudiants : vers une démarche de responsabilité partagée". Le 10 octobre 2018, les principaux acteurs de la vie étudiante (les représentants des universités et des grandes écoles, les CROUS, les syndicats étudiants, etc.) ont signé ce document édictant les "règles de bonne conduite" pour les organisateurs de ce type d'événements. Et le ministère de rappeler qu'une "prise de conscience collective est nécessaire".

En pratique, comment se passent vraiment les week-ends d'intégration ? Témoignages.

1. On est obligé de participer

Les week-ends d’intégration ne sont pas obligatoires. Et si vous vous y rendez, vous pourrez refuser de participer aux activités qui ne vous plaisent pas. N'hésitez pas à le dire. Comme Alice, une étudiante en école de commerce de 21 ans qui, lors de son week-end d’intégration, était fatiguée. Elle raconte avoir passé une grosse partie du temps à dormir : “Personne n’est venu me tirer de mon lit !”

Mais s’ils ne sont pas obligatoires, les "WEI" peuvent néanmoins être fortement recommandés. “En prépa, il faut vite comprendre le fonctionnement. Le lien avec les deuxième année permet aux élèves de mieux réussir par la suite, avec la transmission des fiches, par exemple. Et c’est aussi une bonne chose pour l’orientation”, explique Charlotte, 19 ans, étudiante en prépa ENS Cachan.

2. On boit beaucoup

Les week-ends d’intégration avec "alcool à volonté" ne sont pas systématiques. D’abord parce que la loi Bachelot interdit depuis 2009 le fameux "open bar", mais aussi parce que les établissements et les associations étudiantes ont pris ce problème à bras-le-corps. “C’est de plus en plus encadré”, confirme Alexandre Picard, vice-président de la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), qui a établi une charte "soirée étudiante responsable" et a signé celle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. “Aujourd’hui, pour des raisons d’image et d’éthique, on ne fait plus cela”, assure de son côté Loïc Rosetti, le président de Gaelis, une fédération d’associations étudiantes lyonnaises.

À Lyon, l’association BDE-UFRAPS limite par exemple la consommation à cinq verres par un système de tickets. “Les étudiants arrêtaient de servir ceux qui buvaient trop, et il y avait des rondes pour repérer les gens qui ne se sentaient pas bien. Je n’ai jamais vu de dérive”, raconte Alice, une participante au WEI. “Ce n’était pas "alcool à tout prix"”, abonde Pierre*, étudiant de 21 ans en école de communication à Paris, qui a vécu deux week-ends d’intégration, une fois comme participant et une autre fois comme organisateur. Charlotte note que les soirées "Cachan" offrent de l’alcool en “illimité”, mais elle estime que sur la centaine de personnes au WEI auquel elle a participé, un tiers ne buvait pas ou buvait très peu. “On a eu quelques petits dégâts matériels comme une poignée de porte cassée, mais rien de grave." N'oubliez pas : l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

3. On ne fait que la fête

Si vous avez une image des week-ends d’intégration limitée à alcool et bras en l’air en chantant "I like it" de Cardi B, c’est raté ! Universités et associations étudiantes en ont fait évoluer les principes, estime la sociologue Mariangela Roselli. On y joue aussi à des serious games, des escape games ou des jeux de rôle. Sont organisés des olympiades, des jeux costumés. On y fait de la tyrolienne, du trampoline, des épreuves sportives. On y pratique le blind test musical et le béret. "Le modèle classique du week-end d’intégration a tendance à évoluer", confirme Alexandre Picard.

4. On part loin

"Quand on pense week-end d’intégration, on pense voyage", lâche Océane, 19 ans, étudiante en deuxième année d’école de commerce. Pas forcément ! À Valenciennes, par exemple, la Fev (Fédération des étudiants de Valenciennes) organise la JDayE, qui se déroule entièrement sur le campus de l’université, transformé en gigantesque terrain de jeux. "Cela permet de voir l’établissement comme un lieu de vie et pas seulement d’études", commente Alexandre Picard.

Certains week-ends d’intégration se déroulent tout près du campus : celui de Charlotte n’était qu’à une demi-heure de route. Mais pour certains étudiants, prendre le large est aussi agréable. Pierre* voulait ainsi le faire loin : "C’est psychologique, mais c'est mieux ! Nous avions fait 8 heures de car nous étions partis à Niort (79). Cela met dans l’ambiance".

5. On se fait bizuter

Le bizutage est combattu depuis 20 ans, avec une loi mise en place en 1998 et qui a été encore renforcée en 2017. Le fait "d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants ou à consommer de l'alcool de manière excessive" est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 € d'amende. De fait, les pratiques semblent avoir changé. "On a l’impression que la parole se libère", estime Françoise Mougin, secrétaire générale du Comité nationale contre le bizutage. "Le bizutage c’est un mythe. L’école tient à ce que tout se passe bien", avance Alice. Pierre raconte que son directeur l’a appelé "une dizaine de fois" dans le week-end pour vérifier que tout se passait bien.

Certaines situations flirtent toutefois avec la limite. "Les formes graves et visibles de bizutage ont été limitées par les écoles, mais il existe toujours des formes souterraines", prévient la sociologue Mariangela Roselli. Deux étudiants interrogés mentionnent des "gobages de Flamby" demandés par les anciens. Même si, dans un cas, l'étudiante précise que "des deuxième année avaient également participé au gobage". Pierre raconte que des étudiants ont fait avaler des cuillères de moutarde aux débutants et des shots. En précisant qu’il était toujours proposé aux étudiants de ne pas le faire. N'hésitez pas en parler entre vous, à vos parents ou avec un responsable de formation si vous avez des craintes ou si les choses tournent mal...

*Le prénom a été changé à la demande du témoin.

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