Reportage

Les étudiants en STAPS, en colère, manifestent dans toute la France

Environ 5.000 étudiants et enseignants en filière STAPS ont manifesté à travers la France le 13 octobre.
Environ 5.000 étudiants et enseignants en filière STAPS ont manifesté à travers la France le 13 octobre. © Amélie Petitdemange
Par Amélie Petitdemange, publié le 14 octobre 2021
7 min

Près de 5.000 étudiants et enseignants ont défilé dans une quinzaine de villes, mercredi 13 octobre, pour dénoncer le manque de moyens alloués à la filière STAPS. A Paris, des élus étudiants ont été reçus au ministère de l'Enseignement supérieur.

“1, 2, 3…”, scande un étudiant, dictaphone à la main, perché sur la fontaine de la place de la République, à Paris. “... STAPS !”, lui répondent les centaines d’étudiants face à lui. “On est tous ensemble !”, reprennent-ils à l’unisson, avant de se mettre à danser.

Ce mercredi 13 octobre, les manifestations d'étudiants en STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) ont émaillé une quinzaine de villes. Pas moins de 5.000 personnes ont défilé à travers toute la France pour dénoncer le manque de moyens dans leur filière, selon des chiffres de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes). A Paris, 450 étudiants et enseignants ont manifesté entre la place de la République et le ministère de l’Enseignement supérieur.

Juliette, en L3 de STAPS à Reims, est venue jusqu'à Paris pour manifester.
Juliette, en L3 de STAPS à Reims, est venue jusqu'à Paris pour manifester. © Amélie Petitdemange

Alice, en master 2 STAPS à l'université de Reims, est venue jusqu’à Paris pour faire entendre sa colère. "Nous manquons de profs, de personnel administratif et d’infrastructures. A la rentrée, il n’y avait même pas de gestionnaire de scolarité", dénonce la jeune femme de 22 ans, emmitouflée dans un sweat noir siglé Anestaps (association nationale des étudiants en STAPS).

"Nous sommes de plus en plus nombreux en STAPS. La loi ORE a élargi l’accès à la filière et les étudiants en PASS et L.AS peuvent désormais suivre des cours de STAPS en parallèle de la santé. Par contre, le nombre de profs n’augmente pas… Du coup, ils nous évaluent en groupe, on ne sait pas si on a le niveau individuellement". Selon elle, cette situation démotive les étudiants et épuise les enseignants.

La rentrée de STAPS boycottée à Rennes

A Rennes, la rentrée des STAPS a été boycottée par les professeurs, qui alertaient contre le manque de moyens. Les cours ont finalement débuté le 4 octobre, sans changement. Juliette, en 3e année de STAPS, participe à la mobilisation sur le campus de Rennes 2. "J’ai vécu ma L1 avec les manifestations des Gilets jaunes, ma L2 pendant le Covid, et pour la L3, la rentrée n’a pas eu lieu. Les profs ont fini par donner cours, sinon nos diplômes ne vaudraient rien", raconte l’étudiante de 20 ans.

Enseignants et étudiants manifestent ensemble pour alerter sur "des conditions de travail abominables". Point de départ du mouvement, Rennes 2 est mobilisée depuis mai dernier, sans avoir obtenu d'amélioration.

Manque de profs et infrastructures délabrées

L’université Toulouse 3 manque aussi d’enseignants et donne cours dans des infrastructures délabrées. A l’université Savoie-Mont-Blanc (Chambéry), certains cours d’activités sportives se font entre étudiants, faute de professeurs. Les étudiants de l’université Sorbonne-Paris Nord ont quant à eux cours dans des préfabriqués lorsque les amphis sont déjà occupés.

Marija, en L3 de STAPS à l'université Sorbonne Paris Nord, a rejoint le cortège parisien place de la République.
Marija, en L3 de STAPS à l'université Sorbonne Paris Nord, a rejoint le cortège parisien place de la République. © Amélie Petitdemange

Marija, présidente du BDE STAPS de l’université Sorbonne-Paris Nord, manifeste place de la République. Pancarte #STAPSoubliés à la main, l’étudiante témoigne : "les autres filières ont la priorité sur les salles de cours. Quand on a des amphis, ce sont les plus petits, ou ceux avec des pannes de chauffage ou de vidéo projecteur. Et quand il n’y a pas d’amphi disponible, on se retrouve entassés dans des préfabriqués de 50 places. L’hiver, l’absence de chauffage et les fuites d'eau découragent les étudiants de venir".

L’année dernière, certains cours d’athlétisme et de rugby étaient dispensés dans les couloirs de l’université, et des cours de psychologie assis sur le parking extérieur, relate Marija.

La filière STAPS, parent pauvre des universités

Pourtant, la licence de STAPS est la troisième filière la plus demandée sur Parcoursup. En dix ans, les effectifs ont doublé pour atteindre 60.000 étudiants en 2019–2020. Au manque d’infrastructures s’ajoute ainsi le manque d'enseignants : en dix ans, leur effectif a augmenté de 30%.

"Si la moyenne nationale dans l’enseignement supérieur est d’un enseignant pour 17,5 étudiants, celle des STAPS s’en éloigne très largement. Il est très fréquent de voir des UFR avec des ratios d’un enseignant pour 40 étudiants, voire même pour plus de 70 étudiants comme à Amiens", explique l’Anestaps dans un communiqué.

La filière STAPS est souvent le parent pauvre des universités. "Les moyens ne sont pas proportionnels à cet accroissement de la population étudiante. Le taux d’encadrement n’est pas favorable au travail", déplore Aurélien Pichon, président de la Conférence des directeurs et doyens d’UFR STAPS (C3D STAPS). Directeur de l’UFR STAPS à Poitiers, il participe à la manifestation régionale. "Les enseignants chercheurs sont surmenés. Sans postes supplémentaires, nous ne pouvons pas créer les places supplémentaires qui sont nécessaires en master", souligne-t-il.

Des financements qui ne sont pas alloués aux STAPS

Avec la Conférence des présidents d’université (CPU) et la Dgesip (direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle), la C3D a mené une enquête sur la distribution des 13 millions d’euros alloués aux STAPS par le ministère entre 2018 et 2020.

Résultat : 50% des universités n’ont alloué qu’une partie des moyens à leur filière STAPS. "L’argent est allé à d’autres filières en tension ou à d’autres objectifs, compte tenu de l’autonomie des universités", explique Aurélien Pichon.

Environ 450 étudiants et enseignants en STAPS ont défilé entre République et le ministère de l'Enseignement supérieur.
Environ 450 étudiants et enseignants en STAPS ont défilé entre République et le ministère de l'Enseignement supérieur. © Amélie Petitdemange

Création de postes et financement pluriannuel

Une fois le cortège parisien arrivé au ministère de l'Enseignement supérieur, deux élus Anestaps et un élu de la Fage ont obtenu un rendez-vous avec le cabinet de la ministre Frédérique Vidal. Plusieurs demandes de l’Anestaps ont été acceptées par la ministre : la création de 100 postes, un financement pluriannuel pour la filière STAPS, et le positionnement des STAPS au cœur des politiques sportives à l’horizon des JO de 2024. L’association demandait par ailleurs un plan immobilier de construction et de rénovation des salles, des amphithéâtres et des installations sportives.

Frédérique Vidal avait annoncé lors du congrès de la Fage, fin septembre qu’elle pouvait s’engager à "investir à nouveau" dans la filière STAPS. Pour l’Anestaps, "des engagements ont été pris, place aux actes”.

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