Reportage

Universités : une rentrée dans l’incertitude

Université de Bordeaux
Université de Bordeaux © Raphaëlle Orenbuch
Par Raphaëlle Orenbuch, publié le 12 janvier 2021
5 min

Une circulaire du ministère de l’Enseignement supérieur publiée le 19 décembre encourage les présidents d’université à faire revenir progressivement les étudiants en cours à partir du 4 janvier. Mais en réalité, la reprise est très compliquée à mettre en place et peu de cours pourront avoir lieu sur les campus ce mois-ci. Reportage à Bordeaux.

En ce début du mois de janvier, les couloirs de l’Université de Bordeaux, à Talence, sont déserts. Seuls quelques étudiants sortent un à un de l’amphi Poincaré où ils viennent de passer un partiel. "Tout est à distance depuis des mois, sauf les examens", explique Raja, étudiante en L2 Informatique. Elle vient d’apprendre que les cours continueront à distance dans les prochaines semaines. "C’est très compliqué : on apprend à écrire des codes sur ordinateur et on nous demande de venir passer des partiels ici, à l’écrit, ça n’a rien à voir avec ce qu’on a appris."

Des recommandations ministérielles difficiles à appliquer

Des partiels que l’autre établissement bordelais, l’Université Bordeaux-Montaigne, a choisi d’organiser intégralement à distance. "On trouvait ça absurde de faire revenir les étudiants sur site alors qu’on leur a proposé un enseignement dégradé, à distance, tout le semestre", s’agace Nathalie Jaëck, vice-présidente de la recherche à Bordeaux-Montaigne. L’enseignante-chercheure ne cache pas sa colère : dès le début du mois de décembre, elle avait signé une pétition pour la réouverture immédiate des universités.

La circulaire du ministère ne l’a pas apaisée. Publiée avant les vacances de Noël, elle incite les présidents d’université à accueillir sur convocation les étudiants "nouvellement entrés dans l'enseignement supérieur, en situation de handicap, de décrochage, ou encore les étudiants internationaux" par groupe de dix. "Impossible à mettre en place", rétorque Nathalie Jaëck. Dans certains cours, l’enseignante explique avoir près de 600 étudiants, et ne pas pouvoir choisir qui reviendra sur place et qui suivra le cours à distance.

Autre problème : la charge de travail qu’une telle organisation impliquerait pour les enseignants. "Il faudrait que les cours aient lieu en présentiel pour certains étudiants, et à distance pour d’autres : c’est deux fois plus de travail pour les enseignants qui doivent déjà tout réadapter depuis un an", détaille Lionel Larré. Le président de l’Université Bordeaux-Montaigne a tout de même demandé à ses collègues d’identifier "les étudiants les plus fragiles" pour tenter de trouver des solutions dans les prochains jours.
Université de Bordeaux
Université de Bordeaux © Raphaëlle Orenbuch

Des étudiants de plus en plus isolés

Et selon lui, il y a urgence à agir pour aider des étudiants en grande détresse. L’étude Confins, menée en partenariat avec l’Université de Bordeaux, a montré que 33% des étudiants présentaient des symptômes dépressifs pendant le premier confinement. "Le taux d’absentéisme et les résultats des partiels vont nous donner une idée précise du décrochage : on imagine déjà que ça va être catastrophique", s’inquiète Lionel Larré.

Margaux est préoccupée elle aussi. Elle est en L1 de sciences du langage à l’Université Bordeaux-Montaigne. L’étudiante a du mal à suivre à distance, notamment les cours de langue où il faut répéter les mots après le professeur, "ce sont des matières nouvelles et je n’ai pour l’instant aucune idée de mon niveau, je me sens isolée", témoigne la jeune femme.

L’espoir d’un retour à mi-temps en février

Comme Margaux, Lionel Larré aimerait que les cours reprennent en présentiel "comme en septembre, 50% à distance et 50% sur le campus". C’est ce qu’il demande en tout cas depuis plusieurs semaines au ministère. On lui répond que la situation sanitaire ne le permet pas encore, surtout avec l’arrivée du variant britannique du Covid-19 qui inquiète les autorités.
Comme beaucoup d’autres établissements, les deux universités bordelaises restent donc dans l’incertitude et continuent les cours à distance jusqu’à nouvel ordre. En janvier, comme au premier semestre, seuls les travaux pratiques se font sur le campus. Lionel Larré déplore le manque d’informations de la part du gouvernement et attend avec impatience l’échéance du 20 janvier, date à laquelle il espère pouvoir commencer à organiser une vraie reprise des cours dans son université.

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