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Étudiant et handicap : partir à l'international, c'est compliqué mais possible !

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Par Delphine Dauvergne, publié le 10 juillet 2018
8 min

Quand on est étudiant en situation de handicap, un séjour d’études ou un stage à l’étranger est souvent compliqué à organiser… Les difficultés peuvent parfois décourager. Témoignages d’étudiants qui ont réussi à partir.

Un séjour à l’étranger, en échange ou en stage, est souvent recommandé dans la plupart des formations. C’est même obligatoire dans les écoles d’ingénieurs et de commerce. Pourtant, les étudiants en situation de handicap peinent à réaliser cette expérience. "Je voulais partir en échange en Espagne, mais l’équipe enseignante de mon université était réticente et mon dossier n’a pas été accepté au début. Puis une professeure en fauteuil roulant, comme moi, m’a poussée dans mes démarches", se souvient Laure, étudiante en espagnol partie en licence.

Le choix, plus facile, de l'Europe

"La plupart des étudiants en situation de handicap choisissent leur pays par rapport aux contraintes liées à leur handicap et se limitent aux destinations européennes, voire frontalières avec la France", regrette Xavier Quernin, animateur du groupe Handicap de la Conférence des grandes écoles, et chargé de mission handicap à l’école d’ingénieurs UniLaSalle. Clotilde, étudiante à Sciences po, a ainsi choisi de partir en stage en Autriche, où habitent ses parents. "C’était plus facile pour l’accessibilité", souligne la jeune femme, qui a une maladie chronique auto-immune, qui la contraint à circuler souvent en fauteuil roulant. En 5e année, elle part en échange en Suisse, qu’elle choisit pour "sa proximité géographique".

S'assurer que l'université d'accueil s'adapte

Partir à l’étranger, cela se prépare, encore plus si on est en situation de handicap. Alexandre*, étudiant en IEP (institut d'études politiques), rêve de passer sa troisième année en échange au Japon. "Je vais devoir contacter l’université d’accueil pour m’assurer que je dispose des aménagements nécessaires en termes de matériel et de tiers temps pour les examens. Je dois trouver un traducteur assermenté pour qu’il traduise en japonais le document concernant ces aménagements", explique le jeune homme atteint du syndrome d’Asperger.

Quand Clotilde a fait son séjour d’études en Suisse, à l’université de Saint-Gall, près du lac de Constance, un système pour les étudiants en situation de handicap a été mis en place pour la première fois pour elle. "Preneurs de notes en cours, tiers temps et clavier aux examens, emploi du temps adapté, visite du campus et ses passages secrets pour passer en fauteuil…" Elle raconte notamment cette expérience dans un livre témoignage sur son quotidien avec la maladie : "Intermittente du fauteuil" (Coëtquen Éditions, 2018).

Pierre, étudiant en LEA (langues étrangères appliquées) non-voyant, s’est rendu quelques jours sur place, à Turin, en Italie, pour bien préparer son arrivée. "Nous avons visité des logements, rencontré des responsables de l’université et mes parents m’ont montré plusieurs itinéraires pour que je puisse les faire seul ensuite." Principale difficulté pour lui : "se déplacer d’un bâtiment à l’autre, notamment sur le campus moderne, où il y a un grand espace extérieur avec très peu de repères". Pour les examens, "la plupart sont validés par des oraux en Italie, ou les professeurs s’adaptent".

Se "débrouiller" pour les médicaments

Pour Xavier Quernin, le premier frein pour partir à l’étranger, c’est le transport de médicaments. "Le transport en avion est souvent difficile car ils n’ont pas le droit à un bagage supplémentaire en cabine. Les étudiants ou leurs proches doivent faire des allers-retours pour avoir assez de médicaments pour le séjour, d’où le choix des pays les plus limitrophes."

En plus du syndrome d’Asperger, Alexandre est diabétique et a besoin de piqûres d’insuline régulières pour son traitement. "Je ne vais pas pouvoir emmener tout mon traitement pour l’année et c’est compliqué de transférer les droits en santé à l’étranger", regrette-t-il.

Parfois, les étudiants ont besoin d’accompagnement sur place, comme un aide-soignant par exemple. Or, "souvent, ils ne peuvent pas emmener la personne qui les suit en France, ne serait-ce que pour le visa", souligne Xavier Quernin. Pour palier le problème du remboursement des soins, certains pays mettent en place des partenariats pour le faciliter.

Miser sur l'entraide des autres étudiants

Pour le logement, le service handicap ou relations internationales de l’établissement sur place peut parfois aider, mais ce n’est pas toujours le cas. "On m’a dit d’aller à l’hôtel !", se souvient Clotilde. Elle a finalement opté pour un logement avec ascenseur sur Airbnb, à 35 minutes en bus de l’université.

Pierre, lui, a choisi de vivre dans le centre historique de Turin, pour pouvoir aller en cours à pied. Il a quelques cours dans un autre bâtiment, qui rend l’accès plus difficile seul. "Les rues, les voies du tram sont étroites, avec des arrêts communs avec les bus. C’est difficile de s’orienter. Heureusement, il y a de l’entraide avec les autres élèves de ma promotion."

Laura, à Séville, a choisi de faire une colocation avec une amie et sa sœur. Si elle a apprécié "la mentalité et l’entraide des Espagnols", elle regrette "le manque d’accessibilité du métro, car un petit espace entre la rame et le quai peut coincer le fauteuil". Elle a donc choisi de prendre surtout le taxi pour se rendre en cours.

Des aides pour financer votre séjour

Le budget d’un étudiant en séjour à l’étranger est encore plus important lorsque l’on est en situation de handicap. Des frais supplémentaires se rajoutent, comme pour le taxi par exemple, et les réductions ne sont pas nécessairement au rendez-vous.

Si vous partez dans le cadre d’Erasmus+ dans l’un des 33 pays du programme, vous percevrez, en plus de la bourse pour tous les étudiants, une aide complémentaire. Un ensemble de frais liés aux besoins spécifiques de l’étudiant sont pris en charge sur la base des frais réels estimés par l’établissement français.

Peuvent donc être couverts par ce financement complémentaire : la rémunération d’un assistant (de jour ou de nuit), d’un auxiliaire de vie et le suivi médical ; les coûts supplémentaires liés à un hébergement spécifique, au transport, à du matériel didactique ou autre. Pour en bénéficier, vous devez remplir un formulaire et des pièces justificatives (devis, factures par exemple). La demande doit être faite au moins un mois avant la date du départ.

Clotilde a ainsi utilisé cette aide pour payer ses frais de taxi, même chose pour Laura, qui a reçu environ 700 € pour payer une partie de ces frais.

Xavier, lui, a reçu une bourse complémentaire de la part de sa région, Auvergne-Rhône-Alpes. L’aide s'élève à 95 € par semaine pour tous les étudiants en mobilité à l’international, auxquels s’ajoutent une aide annuelle de 530 €. Des bourses de la FÉDÉEH (Fédération étudiante pour une dynamique études et emploi avec un handicap) peuvent aussi aider à financer des projets liés aux études.

Les étudiants interrogés sont en tout cas unanimes : la clé d’un séjour réussi, c’est la préparation en amont, de tous les aspects (administratif, médical, financement…). À vos dossiers !

*Le prénom a été modifié à la demande de l’étudiant.

Vers un statut international d’étudiant en situation de handicap

La Conférence des grandes écoles, la FÉDÉEH et Hanploi CED ont porté le projet d’un statut étudiant auprès des instances gouvernementales françaises, mais aussi onusiennes. Ce statut serait organisé autour de quatre axes : "administratif", matérialisé par une carte qui indiquera notamment les traitements suivis et éventuellement la mention d'un animal d’assistance ou de support émotionnel ; "médical" pour permettre la disponibilité du traitement ; "diplomatique" avec la mise en place d’un référent handicap dans chaque ambassade (qui établira un réseau d’aide et aidera à l’intégration) et "financier" avec la limitation des surcoûts liés au handicap (tiers payant, bourses…).

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