Portrait

Mathéo, en terminale ES au microlycée de Paris : "Je reprends goût aux études"

Vie de Lycéen_Micro-lycée_Mathéo2 © Florence Levillain pour l’Etudiant_PAYANT
À 21 ans, Mathéo suit une terminale ES au microlycée de Paris. © Florence Levillain pour L'Étudiant
Par Maria Poblete, publié le 20 décembre 2018
11 min

Après trois années en situation d’échec scolaire, Mathéo a décidé de reprendre ses études au sein du microlycée de Paris. Il retrouve le bonheur d’apprendre, avec enthousiasme et passion !

"Au collège, j’étais un bon élève. J’avais un objectif précis : intégrer un lycée militaire. Je m’y étais préparé pendant quatre ans, en me donnant à fond dans les études et en pratiquant des sports. Mais je n’ai pas été admis parce qu’il fallait avoir un membre de sa famille dans l’armée.
Quelle déception ! J’ai donc intégré un lycée général, sans grande envie. Et là, cela s’est mal passé. Je me suis laissé aller : je fumais des pétards, je sortais, séchais les cours… J’ai terminé l’année avec une moyenne située entre 0 et 2, des avertissements de travail et de conduite, des convocations.
J’ai redoublé et on m’a dit que c’était une chance. Pour moi, c’était plutôt une punition. Cette deuxième seconde s’est passé comme la première. Je ne me sentais ni aidé ni soutenu. Finalement, on m’a laissé passer en première STMG. J’ai vite compris que je n’avais rien à faire là. Cerise sur le gâteau : mes vies familiale et amoureuse se compliquaient. Alors, j’ai tout envoyé valdinguer et je suis parti."

"Mon décrochage scolaire a duré trois années"

"Je n’ai jamais été un tire-au-flanc, le travail ne m’effraie pas. J’ai préféré gagner mon indépendance, travailler plutôt que rester chez moi et déprimer. J’ai donc multiplié les jobs dans des tas de domaines : manutentionnaire, intérimaire, vendeur sur les marchés le week-end, déménageur…
Un premier déclic a eu lieu lorsque je me suis retrouvé avec des quadragénaires qui galéraient dans des missions sous-payées alors qu’ils étaient bardés de diplômes. Je me suis dit que je n’avais pas le droit de prendre une place qui leur était destinée, et surtout je me suis projeté : allais-je encore en être là dans vingt ans ?
J’avais envie de voyager, apprendre des choses manuelles, bouger. Ma grand-mère, que j’adore et qui est mon phare dans l’obscurité, m’a conseillé de trouver une solution pour retrouver dans une mécanique scolaire… J’ai cherché et trouvé plusieurs structures pour décrocheurs.

J’ai alors postulé au microlycée de Paris, qui semblait me convenir. Après un test écrit et un entretien, j’ai été admis en première ES. Que du bonheur ! Je ne m’attendais pas à être aussi content. Les amis, la famille, m’encouragent, ils me félicitent. Cela me met de très bonne humeur ! Je suis heureux !"

"Au début, j’avais peur de ne pas avoir le niveau"

"À la prérentrée, je commençais quand même à paniquer un peu. Et si mon retard était trop important ? J’ai été dans deux classes de seconde, avec des moyennes de 2 sur 20 ! Et si je n’étais pas à la hauteur ? Et si je ratais encore une fois ? L’équipe du microlycée a demandé à chaque élève de choisir une personne référente à l’extérieur, quelqu’un de confiance que le lycée puisse contacter en cas de problème ou d’absence. J’ai choisi ma grand-mère.
Elle m’a accompagné le jour de la rentrée et on a été tous les deux ­bluffés. Au lycée, mon référent s’appelle Élias. Il me suivra pendant toute ma scolarité. Lors de la première réunion, ma grand-mère lui a dit : "Si vous aimez Mathéo, il vous le rendra au centuple et ira au bout du monde avec vous !" C’était parti ! J’ai décidé de foncer malgré mes inquiétudes et mes peurs. Ici, je me sens soutenu par les professeurs, par toute l’équipe.
J’ai repris confiance en moi. Je n’ai rien à perdre ! Tous mes a priori sont tombés les uns après les autres. Après quelques semaines, j’étais vidé, une sorte de fatigue intellectuelle et mentale, car j’avais perdu l’habitude d’étudier. Ce n’est pas la même fatigue que celle du travail sur les marchés ! Ce petit malaise n’a pas duré longtemps. J’ai vite aimé. Adoré, même.

"On nous donne le goût d’apprendre"

"La pédagogie du microlycée est géniale. C’est ludique. Tout ce qu’on étudie se raccroche à l’actualité. En histoire et en économie, par exemple, on échange sur les événements et on peut donner son point de vue. Ce que j’apprends a du sens. Je comprends pourquoi je suis là.
Nous sommes peu nombreux en classe, le tronc commun est enseigné aux élèves de L et de ES tous ensemble. Nous tutoyons nos professeurs. Cela peut sembler un détail, mais non, c’est important. Les liens que nous créons sont naturels, simples, détendus.
Vie de Lycéen_Micro-lycée_Mathéo_cafétéria © Florence Levillain pour l’Etudiant_PAYANT
Vie de Lycéen_Micro-lycée_Mathéo_cafétéria © Florence Levillain pour l’Etudiant_PAYANT © Florence Levillain pour L'Étudiant
Les discussions ne s’arrêtent pas lorsque le cours est terminé. À la pause déjeuner, nous mangeons dans notre petite cafétéria et les conversations se poursuivent. Je me dépêche toujours d’aller chercher mon sandwich pour discuter ensuite avec les professeurs. C’est un moment privilégié, un plaisir monstre.
Ils ont tant de choses à raconter et nous à apprendre. C’est passionnant d’être en contact avec des adultes qui nous aident à progresser, et pas uniquement dans le domaine scolaire. On parle de la vie, des métiers, de nos buts dans l’existence, de notre place de citoyen."

"Référents, conseil et débats, c’est un lycée démocratique"

"Chaque semaine, je fais le point avec Élias. On évoque la semaine qui vient de s’écouler, les éventuelles difficultés scolaires et personnelles. Cette séance vient toujours après le conseil. Le conseil est une réunion à laquelle assistent tous les élèves et tous les enseignants. Il y a un ordre du jour, un secrétaire et un président de séance. C’est une instance démocratique qui permet de diffuser les informations utiles, de soulever les problèmes et de faire des propositions pour favoriser un bon fonctionnement. Tous les thèmes peuvent être traités.
On a un cahier de conseil, il est rangé dans la salle commune. On peut y inscrire les sujets à aborder. Je suis sûr que le fait que la parole soit libre aide à nos apprentissages. Ici, je me sens plus libre et motivé. Je veux progresser. Dans la semaine, nous avons des séquences de travail personnel, d’aide aux devoirs. Même si parfois on est un peu fatigués parce que cet atelier arrive juste après le sport, il nous est super utile. La motivation est un moteur.
L’an dernier, pour les révisions du bac de français, on a travaillé en groupes. C’était vraiment bien d’être ensemble, avec l’objectif de réussir. En plus, on s’en est tous bien sortis, avec des points d’avance !"

"Nous n’avons pas de pression"

"Les cours ne ressemblent pas aux cours classiques. Les professeurs choisissent la manière qui sera la plus efficace et agréable pour nous aider. Avec certains, on prend des notes, avec d’autres, parfois, on n’écrit rien. Et, avec tous, on participe. C’est comme si on faisait cours ensemble. Nous travaillons avec la plate-forme Google Drive. Les professeurs donnent du contenu et les élèves peuvent apporter des éléments pour la communauté.
Vie de Lycéen_Micro-lycée_Mathéo © Florence Levillain pour l’Etudiant_PAYANT
Vie de Lycéen_Micro-lycée_Mathéo © Florence Levillain pour l’Etudiant_PAYANT © Florence Levillain pour L'Étudiant
Celui qui n’est pas venu ou celui qui a un peu roupillé en classe – ça peut arriver ! – sait qu’il aura son cours. Ce système enlève la pression parce qu’il y a toujours une solution. La seule pression, c’est celle du bac.
Même les contrôles sont détendus. Il y a des notes bien sûr, parce qu’il en faut pour le dossier scolaire. Mais parfois les professeurs proposent de ne pas nous noter. Ils nous disent de faire de notre mieux : les évaluations nous servent à voir où nous en sommes, et pas à nous casser ou à nous décourager."

"J’ai de l’ambition, je vais poursuivre"

"Quand je suis arrivé au microlycée, je travaillais pour le bac. J’ai revu mon objectif à la hausse. Je veux faire des études supérieures. Je vais passer le concours de Sciences po. Et si je rate, tant pis, je m’inscrirai en licence de sciences politiques pour intégrer Sciences po en master. Je réalise le chemin parcouru. Tout est merveilleux ? Oui, j’en suis persuadé. Je voudrais juste évoquer le regard que les autres portent sur les 'décrocheurs'.
Quand je rencontre de nouvelles personnes, je ne dis jamais que je suis dans ce lycée. Pas parce que j’en ai honte… au contraire, je suis fier de mon expérience, j’ai travaillé, j’ai appris la valeur de l’argent et le respect des collègues, le goût de l’effort. Alors, je dis que je suis en fac de droit.
Décrocheur ? C’est comme une étiquette sur le front. C’est une discrimination discrète surtout chez les jeunes, pas chez les adultes. Je suis content de témoigner aujourd’hui. Le microlycée m’a transformé. J’étais mal dans ma peau, sans goût pour les études. Et maintenant, ­j’entraîne les nouveaux !"
Microlycée, mode d’emploi

Les microlycées permettent à des jeunes de 16 à 26 ans sortis du système scolaire de reprendre des études et de préparer un bac général ou technologique.Chaque académie compte un ou plusieurs microlycées. La pédagogie y est innovante et s’adapte aux besoins de chacun. Le nombre d’élèves par classe est réduit et chacun bénéficie d’un tutorat et d’un suivi personnalisé.

Les critères d’admission dans ce type d’établissement dépendent du parcours de chaque élève. Pour s’inscrire, prenez contact avec le microlycée le plus proche de votre domicile. Vous rencontrerez un membre de l’équipe pédagogique, qui étudiera votre demande et vous conseillera. Vous serez parfois amené à réaliser un test. Le plus important reste votre motivation !

Microlycée de Paris : 10-16, avenue Marc-Sangnier, 75014 Paris.
Tél. : 01.53.90.24.55. Email : coordination@ml75.org

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !