Décryptage

Vœux dans Parcoursup : les avis des conseils de classe "bienveillants et positifs"

Le conseil de classe du troisième trimestre de terminale peut se révéler déterminant pour le bac...
Cette année, les profs inauguraient une nouvelle version du conseil de classe du deuxième trimestre de terminale. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 11 avril 2018
7 min

Les enseignants ont émis, lors des conseils de classe du deuxième trimestre, des avis sur les vœux d'orientation des élèves de terminale. Pour les formations non sélectives, les conseils rendaient généralement un avis favorable. Reste à savoir le poids qu'ils auront dans l'affectation dans le supérieur.

C'était une première. Lors des conseils de classe du deuxième trimestre de terminale, les enseignants et le chef d'établissement ont examiné et émis un avis sur les vœux d'orientation postbac des élèves. Ce nouveau dispositif résulte de la réforme de l'entrée à l'université qui, au lycée, a aussi instauré la mise en place de deux professeurs principaux par terminale.

Ces conseils de classe ont eu lieu, généralement, durant la deuxième moitié du mois de mars. La nouveauté consiste au fait qu'il fallait alors remplir la fiche Avenir. Sur celle-ci, chaque enseignant doit écrire une appréciation sur l'élève, ce qui existait déjà sur les bulletins des années précédentes. S'ajoute une appréciation globale du professeur principal. Et de nouvelles cases sont apparues. D'abord, l'évaluation des quatre "items" de compétence : méthode de travail ; autonomie ; capacité à s'investir dans le travail ; engagement, esprit d'initiative.

Aussi, le chef d'établissement doit indiquer si l'élève a la capacité de réussir dans la formation visée, et si ses vœux sont cohérents avec son projet. In fine, le conseil de classe devait donc émettre un avis sur chacun des vœux des élèves.

"Un boulot fou"

Dans les faits, ce sont les professeurs principaux qui ont, en amont du conseil de classe, examiné les vœux. "Nous avons pré-rempli les avis et proposé au conseil pour validation. Il y a eu quelques rectifications, à la marge, comme lorsqu'un élève demandait STAPS, où l'avis du prof d'EPS comptait particulièrement", raconte Christine Cauhapé, professeure d'histoire-géographie au lycée Le Verrier à Saint-Lô. Ce travail préparatif n'a pas été simple.
"Par exemple, j'ai dû donner un avis sur un IUT dont j'ignorais l'existence. Je me suis alors renseignée, sur les matières enseignées et sur leurs attendus. Cela demande un boulot fou…", poursuit l'enseignante, qui a dû examiner les 217 vœux de ses 31 élèves. "C'est un énorme travail, ce sont des heures passées à cela", renchérit Philippe Vincent, proviseur du lycée Jean-Perrin à Marseille et secrétaire général adjoint du SNPDEN (principal syndicat des chefs d'établissement).
Dans certains cas, la procédure était plus rapide. "Lorsqu'un élève avait un avis favorable pour une classe prépa, généralement, il avait un avis favorable pour ses autres vœux", indique Anne Kempf, enseignante de SES au lycée Pasteur de Strasbourg. De même, les conseils de classe ont souvent travaillé par "familles de vœux" : si un vœu à l'université est validé, les vœux similaires l'ont été également.

Fiez-vous aux attendus

Mais sur quoi se basent les professeurs pour évaluer un vœu ? "Nous regardons si le vœu de l'élève est cohérent avec son projet, et s'il a des chances de réussir, explique Christine Cauhapé. Pour cela, nous nous basons sur les notes et les appréciations. En plus, chez nous, nous faisons un entretien individuel."

Les attendus, publiés par les formations, ont également aidé les enseignants à juger de la pertinence du vœu, "même si ces attendus sont parfois vagues", tempère Anne Kempf. "Quand une filière indique qu'il faut avoir un bon niveau de langue, on insistait sur les notes en langues et les remarques des enseignants", poursuit-elle.

Les conseils de classe agissaient déjà de la sorte les années précédentes pour les formations sélectives (prépa, BTS, DUT…). Depuis cette année, ils doivent donc donner un avis sur toutes les formations demandées par les élèves, y compris les non sélectives. Pour ces dernières, en règle générale, les enseignants n'ont pas cherché à contrecarrer les projets des élèves.
"On a été très bienveillants et positifs. Nous en sommes restés à "très favorable" ou "favorable" ", assure Ronan Minier, proviseur adjoint au lycée René-Cassin de Bayonne. Même chose dans les lycées de Christine Cauhapé ou d'Anne Kempf.

"Nous avons joué le jeu de ce qui avantageait les élèves"

Cette "bienveillance" résulte de plusieurs facteurs. D'abord, parfois, le conseil ne connaissait pas vraiment les formations visées par les élèves. "Que dire à un élève "moyen plus" s'il peut réussir les concours d'écoles d'architecte ? Nous ne savons pas comment elles recrutent. Alors, quand on ne savait pas, on était plutôt bienveillants", souligne Philippe Vincent. Une autre raison est que les professeurs, selon les termes de Ronan Minier, ne souhaitaient pas "être les grands clercs pour dire si l'élève réussira ou non dans le supérieur".
"Ce n'est pas au professeur du secondaire de juger de l'éventuelle future réussite de l'élève dans le supérieur, car pour cela il y a le bac, confirme Sandrine Parayre, professeure de SES au lycée Victor-Hugo de Marseille. Nous avons décidé de jouer le jeu de ce qui avantageait les élèves."
Finalement, cette nouvelle procédure est-elle utile aux élèves ? "Les avis du conseil vont leur permettre de se rendre compte s'ils ont les capacités à réussir dans certaines filières, ou s'il faut qu'ils s'améliorent dans certaines matières", assure Anne Kempf. En outre, ajoute Christine Cauhapé, "le tirage au sort avec APB (Admission-postbac) était insupportable, et il y avait toujours des élèves qui allaient dans des filières où nous savions qu'ils allaient échouer". Et Ronan Miniier d'ajouter : "Cela a engagé davantage de réflexion des élèves et des équipes sur l'après-bac."

"Aucune université ne lira ces avis !"

En revanche, Sandrine Parayre y voit une "dépense d'énergie peu efficace". "Les avis ont beaucoup rallongé le conseil de classe, dont la durée a doublé, autour de 2 heures 30. Nous avons en outre peu parlé de pédagogie, puisque nous nous sommes surtout concentrés sur les questions d'orientation. Aussi, on se pose la question de qui va lire tout ça ?", s'inquiète l'enseignante.
Une inquiétude partagée par les acteurs. "On va être clair : aucune université ne lira ce travail-là ! Elles n'en auront pas le temps, et on le savait", souffle Ronan Minier. Un premier aperçu des résultats de cette nouvelle procédure se verra à partir du 22 mai, date à laquelle les premières réponses aux vœux parviendront aux élèves.

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