Enquête

Bac 2023 : les notes des épreuves de spécialité révèlent-elles une baisse du niveau des élèves ?

Des correcteurs ont observé un niveau très faible dans certaines copies du bac.
Des correcteurs ont observé un niveau très faible dans certaines copies du bac. © Adobe Stock/Chinnapong
Par Marine Ilario, publié le 12 avril 2023
5 min

Publiées ce mercredi 12 avril, les notes de spécialité semblent illustrer les conditions difficiles de passation de ces épreuves qui se sont tenues, pour la première fois cette année, au mois de mars. Les élèves déjà en difficultés semblent être les plus pénalisés par le calendrier.

Copies très faibles, parfois inachevées, remontées massives des notes... Dans plusieurs spécialités, le constat des professeurs est sans appel : en passant les épreuves de spécialités en mars, les élèves ne semblent pas tous au niveau.
Au cours de l'année, de nombreux professeurs ont alerté sur les difficultés pour les élèves d’assimiler, pour le mois de mars, les méthodes pour réussir dans leurs spécialités, et demandaient donc leur report en juin. Après les épreuves, certains ont observé ces problèmes dans les copies.
"J’ai corrigé, dans une proportion plus importante qu’à l’accoutumée, des copies inachevées, inabouties, avec des défauts d’organisation que je ne remarquais pas avant", explique Déborah Caquet, professeure correctrice en histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP). En en discutant avec des collègues, son sentiment semble partagé.
"On se retrouve avec une forte proportion de copies qui ont 10/20 ou moins, ce qui m’interpelle parce qu’il s’agit d’épreuves de spécialité, c’est-à-dire d’une matière dans laquelle l’élève est censé être à l’aise."

"Les fondamentaux ne sont pas toujours maîtrisés"

Même constat pour Marie-Thérèse Lehoucq, professeure de physique-chimie, qui a constaté dans certaines copies un niveau très faible. "Si la moyenne des copies que j’ai corrigées reste correcte, il y a certaines copies très basses avec une moyenne de 1,5/20."
Un constat "choquant", selon elle, pour des élèves qui ont choisi la spécialité où ils sont censés performer. "Il y a des questions qui ne sont pas du tout traitées, donc on suppose que des impasses ont été faites, mais on constate aussi des erreurs de fond, c’est-à-dire que les fondamentaux de la discipline ne sont pas maîtrisés."

Les élèves en difficultés pénalisés

"Les conditions d’apprentissage n’étaient pas réunies pour que les élèves, notamment ceux en difficultés, réussissent leurs épreuves", martèle Benjamin Quennesson, co-secrétaire général de l'association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses), qui constate un problème de maîtrise des méthodes. "Les élèves avaient un trimestre en moins pour les travailler et ça s’est ressenti dans les copies qu’ils ont rendues."
Même constat en HGGSP. "L’année dernière, les résultats étaient meilleurs. Et c’est normal. On ne peut pas obtenir la même chose alors qu’il y a plusieurs mois d’apprentissage en moins", déplore Déborah Caquet. Pour Marie-Thérèse Lehoucq, il ne fait aucun doute que "si on leur avait laissé un peu plus de temps, les élèves les plus fragiles auraient pu aussi réussir dans leurs spécialités".

Des notes massivement remontées en SES ?

Dans un communiqué publié le 11 avril, l’Apses dénonce des remontées massives de notes en SES dans certaines académies sans concertation avec les professeurs correcteurs. "On reproduit exactement ce qu’il s’est passé l’année dernière", déplore Benjamin Quennesson. En 2022, après les épreuves de spécialités qui s’étaient tenues au mois de mai, les professeurs correcteurs avaient aussi constaté que les notes avaient été réhaussées d’un ou deux points.
Pour l’instant, ces constats semblent émaner de quelques académies et uniquement pour la spécialité SES. Mais pour Benjamin Quennesson, "on a l’impression que le ministère essaie de masquer la réalité". Une réalité selon laquelle les élèves n’étaient pas suffisamment préparés pour passer les épreuves en mars.
Une hypothèse que réfute le ministère de l'Éducation nationale, selon qui le nombre de notes harmonisées cette année, y compris en SES, est minoritaire. Edouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, l'assure : "Les notes n’ont pas été boostées. Quand il y a harmonisation, il ne s’agit pas de remonter les notes de trois ou quatre points." Pour lui, cette harmonisation est une délibération collégiale et marginale qui permet d'assurer "l'égalité de traitement entre les candidats".

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