Découverte

Première année concluante pour la spécialité low tech à Centrale Nantes

Les étudiants de l'option ingénierie des low techs de Centrale Nantes à bord du catamaran We Explore de Roland Jourdain, à Concarneau.
Les étudiants de l'option ingénierie des low techs de Centrale Nantes à bord du catamaran We Explore de Roland Jourdain, à Concarneau. © École Centrale Nantes
Par Alexandra Luthereau, publié le 28 juin 2023
5 min

Pour répondre à la quête de sens des étudiants ingénieurs et aux besoins des industriels, la grande école d’ingénieurs de Nantes a inauguré à la rentrée dernière l’option ingénierie des low techs, enseignée selon la pédagogie par le projet.

En septembre 2022, Centrale Nantes a inauguré sa première option ingénierie des low techs. Une petite révolution dans l’écosystème des grandes écoles d’ingénieurs, car le concept se défait encore timidement d’une image d’écologiste radical ou de bricolo.

"La low tech ne s’oppose pas à la high tech, c’est une démarche scientifique et technique. Il s’agit de décomplexifier la technique, de la rendre plus simple en utilisant les connaissances de l’ingénieur", explique Jean-Marc Benguigui, le responsable pédagogique de l’option. Le principe a été conceptualisé dans le livre L’âge des low techs (Éditions du Seuil, 2014) écrit par Philippe Bihouix, un ingénieur conscient des contraintes et des limites des ressources de notre planète.

Besoins essentiels, durabilité, accessibilité, local et autonomie

Selon le Low Tech Lab, la low tech répond à trois caractéristiques principales : l’utilité (elle doit répondre à des besoins essentiels), la durabilité (elle vise à limiter l’impact environnemental), et enfin l’accessibilité au plus grand nombre, avec peu de moyens.

L’Ademe (Agence de la transition écologique) en a ajouté deux autres dans son rapport sur le sujet : local et autonomie de l’utilisateur pour qu’il puisse réparer lui-même. Ainsi, la low tech ne s’intéresse qu’à des domaines essentiels comme l’alimentation, la santé, l’habitat ou l’énergie notamment.

Quête de sens

Cette nouvelle spécialité à Centrale Nantes est née de la volonté de son directeur, Jean-Baptiste Avrillier, et de la rencontre de ce dernier avec le navigateur Roland Jourdain, qui a éco-conçu le catamaran We Explore. Mais surtout, cette option promouvant une ingénierie plus responsable, entend répondre à l'attente d’un nombre grandissant d’étudiants ingénieurs en quête de sens et aussi aux besoins des industriels.

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Les étudiants ont travaillé sur l’aménagement du catamaran We Explore./ École Centrale Nantes.

"Je ne me reconnaissais pas tellement dans les débouchés classiques offerts par l’école d’ingénieurs par rapport à mon engagement écologique. Je suis incapable de travailler pour quelque chose de contraire à mes convictions", déroule Ilan, 23 ans, pour expliquer le choix de cette spécialité en troisième et dernière année, après une année de césure.

Le constat est identique pour Auriane, qui se décrit elle aussi comme engagée. L’option low tech est arrivée à point nommé pour sa dernière année, alors qu’elle venait d’achever une mission en service civique de six mois au sein d’une association qui utilise la basse technologie pour la réinsertion socioprofessionnelle des réfugiés. "La low tech est une façon de voir le monde. Ça redéfinit notre rapport au temps, à la technologie, aux besoins. C’est aussi maîtriser les objets, bricoler, réparer, reprendre du pouvoir sur notre quotidien", argumente la jeune femme, aujourd’hui en stage pour une coopérative en Belgique dédiée à l’habitat low tech.

Un enseignement "concret" et "professionnalisant"

Dès le départ, l’enseignement de cette option a été envisagé selon la pédagogie par projet. C’est aussi ce qui a attiré Ilan et Auriane, pour les aspects "terrain", "concret" et "main à la pâte" auxquels ils aspiraient. "Avec la pédagogie de projet, on est plus autonome, on se rapproche du fonctionnement en milieu professionnel avec des réunions d’équipe, la recherche de connaissances par soi-même", commente Auriane.

En tout, l’option comprend 600 heures d’enseignement, dont un tiers de théorie et deux de projets, grâce notamment aux partenariats noués avec le catamaran We Explore et le Low Tech lab. Cette année, les étudiants ont ainsi travaillé sur l’aménagement du bateau mouillé à Concarneau (29). Ils ont étudié des solutions pour la production et le stockage d’énergie, la transmission de données, le stockage et la cuisson d’aliments, ou encore la production d’eau chaude et le système sanitaire.

L’enseignement a également fait la part belle aux rencontres professionnelles avec des acteurs de la low tech ou des entreprises conventionnelles intéressées par la démarche : organisation de séminaire, d’un forum low tech, d’un voyage à vélo de quatre jours pour découvrir les associations et les start-up low tech entre Rennes et St Malo, création d’un site Internet répertoriant leurs travaux en open source, etc.

Retrouver le sens du métier d’ingénieur

Finalement, pour Jean-Marc Benguigui, cette option redonne tout son sens au métier d’ingénieur. "Avec la low tech, on retrouve les notions de prototypages, de fabrication, de bricolage, de vision systémique. Alors qu’aujourd’hui, on forme des ingénieurs 'Powerpoint'."

Après une première année concluante pour les étudiants comme pour les entreprises, la promo s’étoffera en 2023 pour atteindre 12 étudiants. Ce n’est que le début. Jean-Marc Benguigui en est certain : dans les prochaines années, cette spécialité va se développer au sein des écoles d’ingénieurs, surtout que les débouchés sont nombreux, y compris dans le conseil. En attendant, Auriane et Ilan entrevoient cette option comme un signe d’"espoir pour une ingénierie en adéquation avec [leurs] valeurs" et un "imaginaire désirable".

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