Décryptage

Parcoursup : comment les universités examineront-elles vos candidatures ?

Depuis le 4 avril 2018, les universités ont commencé l'examen des dossiers de candidatures.
Depuis le 4 avril 2018, les universités ont commencé l'examen des dossiers de candidatures. © Laura Taillandier
Par Natacha Lefauconnier, Laura Taillandier, publié le 05 avril 2018
6 min

Fiche Avenir, moyennes pondérées, série de bac, projet de formation motivé, appréciations... Quels éléments les universités prendront-elles réellement en compte pour répondre à vos vœux en licence ? Le point sur un sujet sensible.

C'est dans un contexte de mobilisation étudiante que s'ouvre, mercredi 4 avril 2018, une nouvelle phase dans Parcoursup : l'examen par les écoles et universités de vos candidatures. Elles ont jusqu'au 18 mai pour rendre leur verdict sur la plate-forme nationale. Vous en aurez connaissance à compter du 22 mai.

Jusqu'en 2017, les universités ne classaient pas les candidats en licence (sauf cas particuliers des cursus sélectifs). C'était l'algorithme d'APB qui départageait les candidats, quitte parfois à avoir recours au tirage au sort. C'est pour en finir avec ce système qu'a été mis en place Parcoursup, avec de nouvelles règles pour les universités. Désormais, une commission des vœux (regroupant enseignants, responsables de formation) est constituée pour chaque formation.

Comment ces commissions vont-elles procéder à l'examen des milliers de candidatures qui leur parviennent ? D'abord en programmant un logiciel fourni par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

Un outil d'aide à la décision

Par le biais de cet "outil d'aide à la décision", la commission des vœux déterminera quels critères elle souhaite prendre en compte. C'est ce paramétrage que l'on appelle "algorithme local". Si l'outil est le même pour toutes les formations, sélectives ou non, les commissions ont la main sur les pondérations à apporter à chaque critère. Faut-il donner plus de poids aux notes de terminale ? À certaines matières ? Quelle place laisser au projet de formation motivé ? Faut-il accorder un bonus à certains lycées pour prendre en compte des différences de notation ?

Notez que ces paramétrages doivent être conformes à ce que la formation avait indiqué dans Parcoursup, dans l'onglet "Examen du dossier" (exemple ci-dessous : la fiche Avenir et le projet de formation motivé). Puis chaque commission proposera au chef d'établissement les réponses à apporter aux lycéens et aux étudiants en réorientation. Ces résultats sont à renseigner avant le 18 mai au plus tard dans Parcoursup, afin que l'algorithme national prenne le relais.

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Un préclassement des dossiers

L'outil d'aide à la décision doit aboutir à un premier classement des dossiers de candidature aux commissions. À chaque dossier correspondra ainsi une note finale, censée prendre en compte des éléments quantitatifs (notes) et qualitatifs, comme les éléments de la fiche Avenir (les appréciations sont converties en une valeur comprise entre 0 et 20).

Charge ensuite à la commission de s'assurer qu'après ce premier classement, il n'y a pas d'ex aequo. Elle doit impérativement départager les candidats qui le seraient. En effet, sa mission est d'ordonner l'ensemble des candidatures reçues.

Une exception : lorsque le nombre de dossiers reçus à la fin de la validation des vœux dans Parcoursup (le 31 mars) est inférieur aux capacités d'accueil de la formation. Dans ce cas, elle peut accepter toutes les candidatures sans avoir à les classer. Cela ne signifie pas pour autant que la commission sera déchargée de l'examen des dossiers, puisqu'elle doit transmettre une liste de candidats admis avec, pour chacun d’eux, une réponse "oui" ou "oui, si" (dans le cas des formations non sélectives).

De même si, au départ, lycéens, apprentis et étudiants en réorientation peuvent "être traités et classés différemment", à terme, la commission devra établir un classement unique et donc interclasser les dossiers de ces différentes catégories de candidats.

Une fois que les algorithmes locaux et les commissions auront joué leur rôle, ce sera à l'algorithme national de prendre le relais. Il pourra modifier le classement si ce dernier ne satisfait pas le quota minimum de boursiers et le quota maximum de candidats hors secteur.

Pas de quota pour les "oui, si"

En revanche, le ministère insiste : il n'y aura pas de quotas sur les "oui, si". Toutefois, la commission peut décider de donner la priorité au "oui" dans son classement des dossiers ou d'interclasser les "oui"et les "oui, si". Avec une incertitude sur la proportion finale de profils avec "parcours adapté" qui seraient inscrits à la rentrée, compte tenu du jeu des désistements.

Par ailleurs, il apparaît que, même si une université ne peut vous répondre "non" à un vœu, vous pourrez recevoir une notification négative en fin de procédure, à l'issue de la phase principale d'admission (le 6 septembre) ou à l'issue de celle de la phase complémentaire (fin septembre). "Les candidats qui n'auront pas obtenu de 'oui' ou de 'oui, si' seront informés qu’il n’a pu être donné une suite favorable à leur candidature compte tenu du nombre de places disponibles dans la formation et de leur rang de classement parmi les candidats retenus", précise la note explicative destinée aux membres des commissions des vœux.

Un argument pour les opposants à la réforme, qui dénoncent une "sélection" déguisée. Avec des appels à répondre "oui" à tous les candidats, ou à ne pas classer les dossiers. Certaines formations annoncent qu'elles procéderont ainsi, comme à l'université Paris 1, en licence de philosophie et d'AES (administration économique et sociale).

Une procédure plus humaine ?

Le ministère se veut formel : "Afin d'ordonner les vœux, il ne saurait être question d'exclure une série de baccalauréat de la liste des candidats et, au-delà des résultats scolaires, d'autres éléments doivent être pris en compte."

Mais, dans la pratique, certains acteurs s'interrogent."Compte tenu de l'urgence cette année et du nombre de dossiers, les pondérations sur les points qualitatifs ne seront fixés par les commissions qu'à la marge", déclare un vice-président formation d'une université francilienne."Traduire la fiche avenir en points, c'est facile. Pour l'espace de formation motivée, c'est autre chose", ajoute-t-il. Ainsi, dans son établissement, ce vice-président souhaite donner des consignes afin que la lettre de motivation, "marquée socialement, soit prise en compte le moins possible. Quand on voit que des modèles sont proposés sur Internet moyennant finances…"

Des propos atténués par Frank Loureiro, du syndicat Sgen-CFDT : "Les personnes qui ont les mains dans le cambouis disent qu'elles ne se contenteront pas des notes. Le préclassement permet justement de gagner du temps pour regarder dans le détail les dossiers."

Si vous n'obtenez pas de "oui", ni de "oui, si" à l'un de vos vœux en licence, sachez que vous pourrez demander à connaître les critères qui auront été choisis par la commission des vœux pour classer les dossiers. Une possibilité à laquelle la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) sera attentive.

Dans sa validation de Parcoursup, le 22 mars 2018, elle précise que : "Les établissements d'enseignement supérieur qui recourraient à un traitement algorithmique pour examiner les candidatures qui leur sont soumises devront fournir l'ensemble des éléments permettant de comprendre la logique qui sous-tend cet algorithme."

Un pas vers davantage de transparence, même si l'on peut regretter que ce soit a posteriori, en ce qui concerne les algorithmes locaux. En effet, les "notifications négatives" intervenant en septembre, c'est seulement au moment de la rentrée universitaire que les candidats concernés pourront demander cet accès aux critères choisis par les commissions.

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