Reportage

Harcèlement scolaire : un film de prévention tourné en réalité virtuelle

Film Harcèlement
À l’institut Carrel, des jeunes comédiens jouent face une caméra à 360 degrés. © Thibaut Cojean
Par Thibaut Cojean, publié le 05 novembre 2019
5 min

Sensibiliser au harcèlement scolaire à travers un casque de réalité virtuelle. C’est le pari lancé par une association anti-harcèlement, e-Enfance, et une société de production audiovisuelle, Reverto. Nous avons assisté au tournage de ce court métrage pas comme les autres.

À l’institut Carrel, comme dans tous les autres établissements de France, l’heure est aux vacances de la Toussaint. Pourtant, en cette matinée du vendredi 25 octobre, l’ambiance est électrique dans ce lycée professionnel du 6e arrondissement de Lyon (69).

Une caméra pour actrice principale

Dans une salle de pause, une équipe de professionnels s’affaire. On prend ses repères, on calibre son matériel, on relit son texte. "Dernière répèt' ! Silence plateau !" crie le metteur en scène, son casque audio autour du cou. "Attends, la pendule : on voit l’heure", pointe un technicien. Nouveau chambardement. Il faut supprimer cet imprévu. L’horloge est décrochée du mur. "OK on y retourne. Tout le monde en place. Et… Action !"

Trois jeunes comédiens approchent d’un banc en discutant, s’assoient et se tournent vers l’actrice principale du film : une caméra à 360 degrés. Elle incarnera le rôle de Julia, jeune lycéenne victime de harcèlement scolaire. C’est à travers ses yeux que les spectateurs vivront ce court métrage, grâce à un casque de réalité virtuelle.

"L’idée de filmer en 360 degrés vise à casser la distance avec l’écran, explique Guillaume Clere, le réalisateur du court métrage. On fait partie de l’histoire, on devient un personnage du film." Selon lui, vivre ce genre de situations permet de mieux les comprendre. "Notre but est de faire en sorte que, quand on enlève le casque de réalité virtuelle, il se soit passé quelque chose."

Au plus près de la réalité

Pour Samuel Comblez, directeur des opérations chez e-Enfance, l’association à l’origine du projet, ce film permettra de "construire un vrai outil pédagogique pour que les élèves se disent :‘J'ai compris’ !" Au-delà du format très immersif de la réalité virtuelle, les concepteurs du film ont donc voulu coller au plus près du réel.

Pour écrire le scénario, ils se sont inspirés de témoignages, récoltés sur la ligne d’écoute d’e-Enfance. Celui-ci est très axé sur le cyberharcèlement. "Un des principes du harcèlement consiste à isoler la victime, observe Samuel Comblez. Sur les réseaux sociaux, c’est très facile à mettre en œuvre."

"Le scénario et les dialogues ont ensuite été relus par des étudiants, pour que le langage employé soit réaliste, et des pédo-psychiatres, car le but n’est pas de traumatiser les jeunes, mais de les marquer", explique Hugo Chardon, chargé de production à Reverto, la société à l’origine du projet. Cette société de formation professionnelle s’est spécialisée dans les films en réalité virtuelle, et utilise déjà cette technologie en entreprise, pour sensibiliser au sexisme, au harcèlement sexuel et au management.

Pousser les élèves à prendre la parole

Baptisé Emprise, le film durera une dizaine de minutes et ne sortira pas au cinéma : il sera diffusé directement dans les salles de classes de collèges et lycées, à partir de janvier. Concrètement, un représentant d’e-Enfance interviendra directement dans les classes et fournira des casques de réalité virtuelle aux élèves. Après le visionnage, un temps d’échange sera organisé entre les élèves, les professeurs et les représentants de l’association.

"Deux publics sont ciblés, précise le réalisateur. Les jeunes, principalement les collégiens, et les professionnels de l’Éducation nationale, pour les aider à identifier les situations de harcèlement." "Tout le monde est visé, abonde Samuel Comblez, pas uniquement les victimes et les harceleurs, mais aussi les témoins, la famille et les adultes."

Bien entendu, l’un des objectifs principaux du film est de pousser les élèves s’exprimer. "Depuis que le harcèlement existe, le seul moyen d’en sortir, c’est d’en parler", répète Samuel Comblez. Plusieurs lignes d’écoute existent pour aider les victimes à s’exprimer. Si vous êtes victime ou témoin, vous pouvez appeler gratuitement les plateformes Net Ecoute, au 0800 200 000 et Non au harcèlement au 30 20.

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