Témoignage

À l'université, les personnes LGBTQ+ trouvent leur place

Certaines universités comme Bordeaux Montaigne sont en pointe dans l'intégration des étudiants LGBTQ+.
Certaines universités comme Bordeaux Montaigne sont en pointe dans l'intégration des étudiants LGBTQ+. © Adobe stock/ReisMedia
Par Clémentine Rigot, publié le 26 juillet 2023
6 min

Si le lycée peut, pour beaucoup de membres de la communauté LGBTQ+, être un lieu où il est difficile d’exprimer son genre et orientation sexuelle, l'université reste l’endroit où vivre pleinement son identité.

"En arrivant à la fac, j'avais beaucoup de questions sur mon genre, mon orientation romantique et sexuelle", se souvient Alex, président de Wake Up ! Bordeaux (33). Créée il y a une vingtaine d’années, l’association apolitique se concentre sur l'écoute, le conseil et la sociabilisation des jeunes LGBTQ+ de l’université girondine.

Comme lui, ce sont chaque année des milliers de jeunes queers* qui posent leurs valises à l’université et découvrent de nouveaux horizons, souvent plus tolérants et ouverts que le monde du lycée.

L'université, un lieu où évoluer plus sereinement

"Moi, j’ai toujours été harcelé", raconte Alex. Je recevais beaucoup de remarques, on me disait : 'Toi, tu es lesbienne, tu es trop masculine'. À l’époque, je n’avais aucune idée de qui j’étais. Tout ce que je savais, c’est que je n’étais pas une fille", se souvient le jeune homme. Depuis, Alex a fait sa transition de genre et, grâce à sa position dans l’association et sur les réseaux sociaux, il aiguille les jeunes trans* et non-binaires* dans leur questionnement.

Parmi eux, Noé qui, comme plus de 1.600 personnes, suit Wake Up ! sur Instagram. Étudiant en philosophie, il a entamé sa transition de genre l’année dernière, en plein milieu de son master. "Ça faisait déjà un an que je me posais des questions", raconte-t-il. Il choisit alors de transitionner pendant les vacances pour l’annoncer à la rentrée.

"J’étais sous le feu des projecteurs cette année-là, tout le monde me voyait changer. Mais ça s’est plutôt bien passé", admet Noé. L’étudiant en est certain, c’est le terrain de l'université qui lui a permis d’évoluer plus sereinement. "Au lycée, je n’ai pas pu être moi-même. L'arrivée à l'université a aussi été l'occasion d'ouvrir toutes ces sphères, alors que dans le secondaire, c'était cloisonné", analyse-t-il.

Des associations étudiantes comme "deuxième famille"

Depuis quelques années, fleurissent d'ailleurs dans les établissements du supérieur français des associations étudiantes communautaires qui veulent aider et permettre aux jeunes de se rencontrer. "Pour moi, Sorb’out c'était l'occasion de concrétiser enfin mes engagements politiques et personnels", explique Caroline, 20 ans.

L’étudiante en histoire et sciences politiques est aussi vice-présidente de l’association. Son but ? "Créer un environnement inclusif et non discriminatoire" pour les personnes queer de l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Sorb’out est aussi un endroit où faire des rencontres : Caroline s’est, dès son arrivée à la fac, lié d’amitié avec d’autres personnes LGBTQ+* .

"Avoir des amis et amies queer, ça enlève un peu de charge mentale, car je n’ai pas besoin de tout expliquer. Et puis, on partage surtout des moments de joie", abonde Lucas, 20 ans et étudiant à Bordeaux.

Un entourage amical qui devient même parfois une seconde famille. "C'est assez incroyable ce qu'on peut vivre entre nous, même si on se connaît très peu", assure Noé. Avec d’autres étudiants trans masculins, le jeune homme échange conseils et astuces pour mieux vivre leur transition.

"À l'université, on a l’impression que chacun peut faire sa vie"

Au sein de leurs universités, les deux associations queers ont réussi à mettre en place un formulaire de changement de prénom pour les listes d’appel et la carte étudiante. Par une simple démarche administrative, tout étudiant de l’université de Bordeaux peut désormais modifier son nom d’usage et récupérer une nouvelle carte. "Pouvoir faire ce changement, c’était vraiment rassurant. Sans ça, ç'aurait été dur d'aller en TD et d’entendre mon dead name* devant tout le monde", admet Lucas.

Et si finalement, l’université faisait office d’ovni dans le paysage l’enseignement supérieur sur ces thématiques ? Possible. "Les très grandes promotions permettent de ne pas être au centre de l’attention", avance Noé. "On a l’impression que chacun peut faire sa vie, qu’on ne se mêle pas de ce qui ne nous regarde pas".

Dans les couloirs de Bordeaux Montaigne, des flyers de sensibilisation pour les élèves trans, des programmes d’événements queer et même le campus parsemé de drapeaux arc-en-ciel, sont autant d'éléments qui permettent aux étudiants de toute identité de se sentir bienvenus. "C’est rassurant de voir que les valeurs de l’université vont dans notre sens, et qu’il y a des choses pour nous protéger", admet Noé.

Les dangers des LGBTphobies toujours présents

Mais être identifiable en tant que personne LGBTQ+ sur le campus n’est jamais totalement sécurisé. Au sein des associations, la montée des actions de groupes d'extrême droite dans les universités inquiète. "Un groupe néonazi d’un campus voisin a déjà plusieurs fois détruit notre local et tagué des croix gammées", alerte Alex. Aujourd’hui, les portes de l’association sont blindées et l’on déconseille aux étudiants queer de se promener aux abords du campus la nuit.

Si le risque de discrimination et de violence existe toujours, même dans les facs les plus ouvertes, beaucoup étudiants ont le sentiment d’avoir trouvé un espace de sureté. "On peut toujours trouver un coin sécurisant pour nous. Il y a pleins d’univers différents qui nous permettent d’évoluer comme on le veut et de s’épanouir", se réjouit Noé, laissant fièrement derrière lui les années d’occultation de son identité.

* Lexique

  • LGBTQ+ : Lesbienne, Gay, Bisexuel.le, Trans, Queer.

  • Cisgenre : personne dont l’identité de genre correspond au genre assigné à la naissance.

  • Transgenre : personne dont le genre ne correspond pas au genre qui lui a été assigné à la naissance en fonction de son sexe biologique.

  • Non-binaire : terme englobant différentes identités de genres qui sortent de la binarité homme-femme.

  • Queer : personne dont le sexe, le genre, l’identité et/ou expression de genre diffère des attentes de la société, est considérée comme "non conforme, non traditionnelle". Ce terme définit donc toutes les lettres du sigle LGBTQ+.

  • Passing : capacité d'une personne à être considérée, en un seul coup d'œil, comme une personne cisgenre.

  • Être out : faire connaître son orientation sexuelle ou son identité de genre.

  • Dead name : prénom d’assignation d’une personne trans ou non-binaire, qu’elle ne souhaite plus utiliser, qu’elle considère dès lors comme "mort".

  • Safe space : endroit permettant aux personnes habituellement marginalisées de se réunir et d’échanger.

  • Adelphité : terme qui regroupe à la fois la fraternité et la sororité, sans dimension genrée.

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