Décryptage

Précarité menstruelle : vers qui se tourner à l'université ?

Près d’un quart des personnes menstruées indiquent qu’il leur arrive de ne "pas disposer de suffisamment de protections hygiéniques par manque d’argent".
Près d’un quart des personnes menstruées indiquent qu’il leur arrive de ne "pas disposer de suffisamment de protections hygiéniques par manque d’argent". © Eva HAEBERLE/LAIF-REA
Par Clémentine Rigot, publié le 27 octobre 2023
5 min

Depuis 2021, on peut trouver, sur les campus, des protections périodiques gratuites et en libre-service. L’objectif : que les "étudiantes n’aient plus à choisir entre se nourrir et pouvoir se protéger", avait déclaré Frédérique Vidal, alors ministre de l’Enseignement supérieur. Deux ans plus tard, on en est où ?

Les dispositifs pour lutter contre la précarité menstruelle dans les établissements du supérieur ont fait du chemin. "Nous avons 36 distributeurs sur les trois campus ; il y en a dans tous les bâtiments, en priorité au rez-de-chaussée pour être visibles et accessibles pour les personnes à mobilité réduite", explique Nicolas Bourbon, chargé de mission égalité et non-discrimination à l’université Paris Nanterre (92).

"Ils ne sont pas dans les toilettes pour être accessibles quel que soit le genre", précise-t-il.

Des protections réutilisables

L'établissement a d'abord misé sur des dispositifs en coton bio, afin de "réduire le risque de syndrome du choc toxique", souligne le responsable. Si ces derniers restent pratiques et prisés des étudiants, ils interrogent sur leur impact environnemental.

L'université s'est depuis lancée dans la distribution de protections réutilisables, notamment de culottes menstruelles. "Si on part du principe qu’il faut cinq culottes pour commencer, ça peut monter très vite à plus d'une centaine d'euros de budget, or beaucoup de nos étudiants sont en grande difficulté financière", explique Nicolas Bourbon.

L’année dernière, c’est près de 31.000 euros qui ont été déboursés pour distribuer des culottes réutilisables, allant de la taille 32 à 52. "On en donne environ 2.000 en une journée", précise-t-il. La prochaine distribution est prévue pour la fin du mois ; la suivante au second semestre.

Si l’achat de cups menstruelles a un temps été envisagé, il a depuis été écarté faute de locaux compatibles avec son utilisation, chaque toilette n’étant pas individuellement équipée de lavabo sur le campus.

Lever le tabou des règles et de la précarité

"Il y a un double tabou dans la précarité menstruelle : celui de dire qu’on a ses règles et que l’on est précaire", analyse Guérande Merland, chargée de projet égalité et non-discrimination à l’université Paris Nanterre. Au-delà de la distribution, on souhaite mettre en place des ateliers de sensibilisation, afin de briser le silence sur ces questions, notamment pour les personnes touchées par l’endométriose", précise-t-elle.

Ce tabou, l’université d’Angers (49) a, elle aussi, décidé de le lever en mettant en place, dès la rentrée 2023, un congé menstruel de dix jours par an. Le but ? Que tout le monde "se rende compte que les problèmes des personnes menstruées existent", explique Sabine Mallet, vice-présidente formation et vie universitaire.

"On s'est rendu compte que de plus en plus de médecins refusaient de faire des certificats médicaux pour une jeune femme qui ne pouvait pas aller en cours à cause de douleurs menstruelles trop importantes", se souvient-elle.

Avec la mise en place de ces congés, les étudiants et étudiantes peuvent ainsi autojustifier leur absence, une fois inscrits sur un formulaire de l’ENT. "L'idée de cette autodéclaration n'est pas d'éloigner les étudiantes du soin, mais au contraire de leur permettre d’être moins stressées et d’avoir en tête que si ces douleurs sont trop fréquentes, elles doivent consulter", précise Sabine Mallet.

Des dispositifs financés par la CVEC

Au total, ce sont plus de 25.000 euros qui ont été déboursés l’an dernier pour réassortir régulièrement les seuls distributeurs de Nanterre. Des coûts plus difficilement absorbables pour les très grandes universités.

À l’université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), difficile de placer des distributeurs dans la totalité des bâtiments, nombreux et éclatés sur le territoire. "Nous en avons installé dans les grands centres avec le plus d’étudiants", explique Raphaëlle Laignoux, vice-présidente de la Commission formation et vie universitaire.

Ces dispositifs sont financés par la CVEC, la contribution à la vie étudiante, payée en début d’année par tous les étudiants non-boursiers, et qui vient, cette rentrée, de dépasser la barre symbolique des 100 euros. De quoi impliquer l’ensemble des étudiants, qu’ils soient touchés par la précarité menstruelle ou non. "Tous ces projets sont particulièrement appréciés et valorisés", assure Raphaëlle Laignoux.

Pourtant, la précarité menstruelle ne recule pas. D’après une récente étude de l’association Cop1, en partenariat avec l’Ifop, près d’un quart des personnes menstruées indiquent qu’il leur arrive de ne "pas disposer de suffisamment de protections hygiéniques par manque d’argent", et ce malgré les mesures prises par les établissements.

Les protections périodiques, combien ça coute ?

Lors de la mise en place des dispositifs de lutte contre la précarité menstruelle, l'université de Nanterre a basé ses calculs sur différentes études, mettant en lumière le coût des protections périodiques. "Les personnes menstruées utilisent en moyenne 11.500 protections périodiques dans une vie, ce qui revenait entre 8.000 et 24.000 euros avant inflation, précise ainsi Nicolas Bourbon. Pour les étudiants, le budget mensuel dédié s'élève à environ 20 euros par mois."

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