Enquête

Violences sexistes et sexuelles : le difficile rôle des élus étudiants en section disciplinaire

Conseil section disciplinaire élus étudiants VSS
Dans les universités, des sections disciplinaires composées d'élus étudiants et d'élus personnels de l'établissement statuent sur des cas de triche, mais aussi de violences sexistes et sexuelles (VSS). © dizfoto1973/Adobe stock
Par Marine Ilario, publié le 25 novembre 2022
6 min

TÉMOIGNAGES. Dans les universités, les sections disciplinaires statuent sur les faits de triche, de fraude mais aussi de harcèlement et de violences sexistes et sexuelles. Parmi leurs membres, des étudiants élus doivent prendre des décisions sur des cas parfois difficiles.

"On a littéralement été jeté dans le bain." La première commission disciplinaire de Benjamin, étudiant élu à la faculté d’Angers (49), a été éprouvante. L’affaire, fortement médiatisée, concernait un étudiant accusé de viol et d’agressions sexuelles par plusieurs étudiantes au cours d’une soirée d’intégration. À l’issue de la procédure disciplinaire, l’étudiant a été sanctionné d’une peine de deux ans d’exclusion avec sursis.

Une sanction critiquée car jugée insuffisante. "En tant qu’élus étudiants, nous avions proposé l’exclusion définitive de la faculté", se souvient Benjamin. Mais ce jour-là, aux côtés des élus étudiants, les élus personnels de l’université, habitués de l’exercice, imposent leur décision. "C’était ma première section disciplinaire, c’était très intimidant et j’étais complètement perdu", raconte l’étudiant.

Les sections disciplinaires sont compétentes pour juger de faits commis par des étudiants à l’université. Composées d’élus étudiants et de membres du personnel de l’université (des professeurs et des maîtres de conférences), elles statuent sur des cas de triche, de fraude aux examens mais aussi de cas plus graves comme le harcèlement ou les violences sexistes et sexuelles (VSS).

Se faire une place en section disciplinaire

Dans ces séances, la parole des étudiants n'est pas toujours audible. En témoigne Benjamin, qui après avoir demandé l’exclusion définitive de l'étudiant d'Angers, a lui-même subi la violence des autres élus. "Je ne viens pas en section disciplinaire pour me faire rabaisser et insulter. Ce n’est pas normal d’avoir à subir ça."

Un comportement qu'a aussi vécu Alice, étudiante à Nantes université (44). "Lors de ma première section disciplinaire, j’étais la seule élue étudiante. J’ai subi des jugements de valeurs de la part des personnels élus qui remettaient ma parole en doute, ça m’a beaucoup blessée."

À cela, s’ajoute une mauvaise compréhension du rôle des élus étudiants. "Il y a l’idée que, comme nous sommes étudiants, nous sommes là pour défendre nos pairs et minimiser les sanctions, explique Lucas, étudiant à l’université Picardie Jules-Verne (80). Alors que notre rôle est de statuer en toute objectivité pour le bien-être de l’université et des étudiants."

Les élus étudiants peu formés

Difficile de s’imposer face à des élus "qui se sentent au-dessus, surtout lorsque ça fait longtemps qu’ils font ça", se désole Benjamin. Les élus étudiants, moins expérimentés, ne sont pas non plus suffisamment préparés à siéger.
Comment auditionner les témoins, quelles questions poser, comment se comporter, comment rédiger un dossier d’instruction… En l'absence de formations concrètes, ces questions restent souvent sans réponse.

"J’ai assisté à une réunion de présentation de la section disciplinaire, indique Rayan, étudiant à l’université Paris-Panthéon-Assas. Mais je n’ai eu aucune formation pour comprendre concrètement comment j’allais tenir mon rôle. Il a fallu se débrouiller et apprendre sur le tas."

"C’est seulement après avoir vécu ma première section disciplinaire que j’ai vraiment compris de quoi il s’agissait", confirme Alice.

Charge émotionnelle

Autre difficulté à laquelle les étudiants ne sont pas préparés, la charge psychologique entourant les séances. "Je me mets beaucoup de pression parce que j'ai peur de ne pas être assez juste et de prendre une décision trop subjective", souligne Alice.
"Parfois nous sommes face à des étudiants au bord des larmes, choqués, voire très en colère, complète Néfis, élu étudiant dans la même université. Ce n’est vraiment pas facile parce que nous devons faire preuve d’humanité tout en restant objectif."

S'assurer que la parole des étudiants soit entendue

Être élu en section disciplinaire est vécu par les étudiants comme une grande responsabilité, pas toujours facile à assumer. "On a l’avenir de certains étudiants dans nos mains, parce que les décisions qui sont prises peuvent remettre en cause leur scolarité", explique Alice, qui reste quand même convaincue de l’importance d’avoir des représentants étudiants dans les sections disciplinaires.
"Il m’arrive de remettre en cause ma légitimité pour décider du sort d’un étudiant. Parfois je n’ai pas envie de me prononcer, de prendre une décision", confie Néfis. Pour autant, l’étudiant fait tout pour être présent en commission pour s’assurer que "la parole des étudiants soit entendue, quels que soient les faits qui leur sont reprochés et que les décisions soient prises dans le respect de l’équité".

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