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A l'heure de la contestation étudiante, le CNR jeunesse se clôt sur le thème de l'engagement citoyen

CNR jeunesse - avril 2023
CNR jeunesse - avril 2023 © Matignon
Par Clémentine Rigot, publié le 20 avril 2023
8 min

Pour la cinquième et dernière édition du CNR jeunesse, mercredi 19 avril, Matignon invitait une quarantaine de jeunes afin d’aborder, entre autres, leurs préoccupations sur les questions de citoyenneté, de scrutin et de démocratie. Un sujet fondamental rattrapé par l'actualité de la contestation étudiante qui a donné une coloration supplémentaire à cette rencontre.

"Nous n'en pouvons plus de vos mots, de vos allocutions à n'en plus finir. Nous voulons maintenant des actes", a réclamé Nina, 21 ans, vainqueure du prix Eloquencia, à la Première ministre. Après deux heures d’échanges apaisés et consensuels, Matignon a pris des airs plus théâtraux. L’étudiante n’a pas hésité à interpeller sur le "mépris social" du gouvernement, face à une Elisabeth Borne attentive. Un totem du respect de la pluralité d’opinions, en plein climat social agité ?

"Vous aurez compris que l’expression est libre. On vous écoute, ou du moins on essaie de le faire", a assuré la Première ministre. A ses côtés, face à la quarantaine de jeunes conviés, étaient également présents Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, Sarah El-Haïry, secrétaire d'État de la Jeunesse et du SNU et Sonia Backes, secrétaire d'État à la Citoyenneté.

Collégiens, lycéens, étudiants, jeunes actifs… Ils ont répondu à l’invitation de la cheffe du gouvernement pour apporter témoignages et propositions autour du thème de l’engagement citoyen, "notamment le vote et la représentation politique de la jeunesse mais aussi l'engagement dans le monde du travail", précise le ministère. Les précédents conseils avaient porté sur l’écologie, la vie quotidienne, l’avenir professionnel et l’égalité des chances.

Mise en pratique pour une jeunesse engagée et militante

Hasard de calendrier, ce dernier CNR (Conseil national de la refondation) arrive en pleine période de mobilisation contre la réforme des retraites, alors que des centaines de milliers d’étudiants manifestent partout en France depuis plusieurs semaines. Une forme d’engagement, que certains jeunes ne se sont pas privés de rappeler aux ministres présents. "Ça fait bizarre d’être à Matignon, alors qu’au quotidien on est plutôt dans la rue en manifestation", ironise Ephram, membre du bureau national de la Voie Lycéenne.

Au-delà de leur investissement en cette période de mobilisation, la jeunesse française reste fortement et durablement engagée. "C’est près de trois jeunes sur quatre qui s’engagent, en participant à une manifestation, en signant une pétition, en s’impliquant dans une association. Plus de la moitié des jeunes donnent bénévolement de leur temps", a rappelé Kenza, en préambule aux échanges.

Appel collectif à réformer l’EMC

Parmi les propositions revenues plusieurs fois sur la table : repenser l’enseignement moral et civique. Mise en place depuis seulement huit ans, la matière est déjà rejetée en bloc. Loris, 17 ans, membre du parlement régional de la jeunesse, a fustigé un "programme redondant, dans lequel on parle des valeurs de la République de la 6e jusqu’à la terminale", qui finit parfois par être mis de côté par les équipes enseignantes. "Lorsqu’on est en retard sur les programmes, les professeurs délaissent l’EMC". Le lycéen a appelé à réformer les programmes, en incitant les jeunes et leurs profs à monter des projets mais aussi à développer l’éducation à l’information, pour lutter contre les fake news.

"Tout est à revoir" a reconnu Olivier Véran, annonçant qu’une lettre de mission avait été adressée à la Première ministre sur ce sujet, pour que l’on "rénove tout du sol au plafond". Le porte-parole du gouvernement regrette lui aussi que l’apprentissage de la citoyenneté se fasse via des cours magistraux, sans supports pédagogiques.

Un statut ou un diplôme pour valoriser l'engagement lycéen

"Je suis ici devant vous alors que je pourrais être en train de réviser mon bac philo", a rappelé Ephram. "Ça prend du temps de s’engager, il faut le valoriser", expose le jeune. "Nous voudrions instaurer un statut de lycéen engagé, qui permettrait de récompenser toute sorte d’engagement, syndical, associatif, politique." Comment ? "Par des points supplémentaires au bac ou sur Parcoursup", tente le lycéen.

Des pistes également explorées par d’autres jeunes. "J’en suis à plus de 100 heures d’absence ! Les professeurs ne sous accompagnent pas, c’est dur de poursuivre", abonde Jan. L’élu du CNVL (conseil national de la vie lycéenne) est favorable à un Diplôme de l’engagement, déterminé selon l’implication dans la vie lycéenne, associative, militante. Le but : faire reconnaitre et sanctionner l’engagement.

Des solutions pour pousser les jeunes vers les urnes

Les participants se sont aussi attardés sur la question du vote et de l’abstention, particulièrement présente chez les jeunes. A titre d’exemple, ils n’étaient que 30% à s’être rendus aux urnes pour le premier tour des dernières élections législatives. Si la question de la défiance envers les politiques a été abordée, des propositions concrètes ont émergé de plusieurs camps, notamment pour lutter contre la mal-inscription électorale, c’est-à-dire le fait d’être inscrit dans un bureau de vote qui ne correspond pas à son lieu de résidence. En 2022, la France comptait entre 6 et 7 millions de mal inscrits ; "la moitié auraient moins de 30 ans", a rappelé Kenza.

Meryl, de l’association A Voté, a avancé plusieurs pistes pour lutter contre ce phénomène. Parmi elles, "la réduction du délai d’inscription sur les listes électorales, actuellement de 6 semaines", ou encore que tous les sites liés à France Connect "envoient un message de rappel pour changer de bureau de vote". Et si dans les urnes bien mal-inscrit ne profite jamais, d’autres, à l’instar de Christophe, ont plutôt plaidé pour un abaissement du droit de vote à 16 ans, de quoi permettre à un plus grand nombre d’élire leurs représentants.

Une meilleure représentativité des jeunes dans la vie publique

Et si l’abstentionnisme venait du sentiment de ne pas être de "vrais" citoyens ? C’est la thèse qui a été défendue par Ines, fondatrice de l’association Ghett'Up, qui milite pour revaloriser de l'image des quartiers populaires auprès de leurs habitants et du grand public. "Beaucoup de jeunes se sentent illégitimes et ne se considèrent pas comme des citoyens à part entière, mais plutôt comme de seconde zone voire en sursit", déplore la jeune femme. Celle-ci enjoint, en plus du soutien aux associations de terrain, à la création d’un "récit national inclusif qui donne sa place à chacun", en luttant contre les stéréotypes, pour que tous puissent se saisir de leur citoyenneté.

Côté institutions et administration aussi, on réclame un grand ravalement. "Un tiers de jeunes pour le jury du SGPI, 30% de moins de trente ans au CESE, création d’un conseil des générations futures sur le modèle onusien"… Les propositions ont foisonné la soirée durant, face à des ministres vraisemblablement convaincus.

"Un engagement en appelle un autre"

"Un engagement en appelle un autre" : la petite phrase d’une lycéenne a beaucoup plu. Reste qu’il faudra attendre encore quelques mois pour voir les idées des jeunes traduites en annonces concrètes, et ainsi vérifier si leur engagement aura bien appelé ceux des ministres.

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