Reportage

Guillaume, lycéen en fauteuil : "J'essaie de ne pas être vu comme différent"

Guillaume a droit à l'ordinateur en classe et est assisté par un AESH.
Guillaume a droit à l'ordinateur en classe et est assisté par un AESH. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 12 janvier 2018
7 min

Comment se passe la vie au lycée d'un élève en fauteuil roulant ? Handicapé moteur, Guillaume est en terminale S. Entre aides techniques, retards et fatigue physique, le quotidien n'est pas toujours simple. Pour le reste (résultats, copains, profs...), en revanche, Guillaume a tout d'un élève valide.

La chorégraphie est bien huilée. Angelo, l'AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap, ex-AVS), entre dans la salle de classe en premier. Il retire une chaise du premier rang, la place dans un coin, pour que le fauteuil roulant de Guillaume puisse s'y loger. Puis, Angelo sort les affaires du sac de Guillaume et s'assied à ses côtés.

"C'est l'un des meilleurs élèves de sa classe"

Guillaume est en terminale S, spécialité maths, au lycée Jules-Ferry, à Paris (IXe arrondissement). Handicapé moteur, il est pourtant scolarisé dans un établissement classique, comme 130.000 élèves en situation de handicap du second degré (collège et lycée). Plus de 100.000 sont en revanche scolarisés dans des établissements spécialisés.

À l'instar de Guillaume, la cité scolaire Jules-Ferry accueille de nombreux élèves en situation de handicap (moteur, troubles du comportement, autisme, dyslexie…) au sein de l'Ulis (unité localisée pour l'inclusion scolaire) au collège et en "intégration individuelle", autrement dit au sein de classes classiques, au lycée.
Guillaume emprunte un ascenseur pour aller en cours
Guillaume emprunte un ascenseur pour aller en cours © erwin canard

Ce mardi 9 janvier 2018, Guillaume arrive avec près de 15 minutes de retard à son cours d'anglais, le premier de la journée. "Une route était barrée", justifie-t-il. Pour faire le trajet de chez lui au lycée, Ile-de-France Mobilités, l'établissement public qui organise les transports dans la région, met à sa disposition un transporteur qui l'emmène le matin et le ramène chez lui le soir. En cas de problème de circulation, un retard est vite arrivé. "Mais les profs sont compréhensifs", assure le lycéen qui s'est teint les cheveux couleur argentée pour la rentrée de janvier.

Guillaume peut être scolarisé au lycée Jules-Ferry car il n'a aucun problème cognitif. C'est même l'un des meilleurs élèves de sa classe, avec une moyenne générale qui frise les 15 sur 20. "Guillaume est intelligent et avec lui les choses sont faciles, indique Mélanie Bardot, enseignante et correspondante handicap du lycée. C'est lorsque les élèves ont des troubles de l'apprentissage ou du comportement que cela peut être délicat. S'il y a une trop grande différence de niveau, cela peut être également violent pour eux."

Le lycée Jules-Ferry "totalement handicapable"

Guillaume peut aussi étudier ici car le lycée est "totalement handicapable", selon les termes de Christel Boury, la proviseure. "On peut se rendre partout dans l'établissement en fauteuil roulant", précise-t-elle. C'est l'un des rares lycées de Paris à être dans ce cas. Par exemple, pour entrer, Guillaume ne passe pas par l'entrée principale composée de plusieurs marches, mais par une porte annexe qui mène à un ascenseur. Le lycée dispose même d'une salle réservée aux élèves en situation de handicap, lorsque certains ressentent le besoin de se reposer, et d'une salle de soins où les kinés des élèves peuvent venir, évitant aux élèves de se déplacer entre deux cours.

Guillaume souhaite aller en prépa après le bac
Guillaume souhaite aller en prépa après le bac © erwin canard

Les aides nécessaires à Guillaume restent purement techniques. "Je l'accompagne à l'ascenseur, je sors et range ses affaires et, parfois, je fais un travail de secrétaire, car écrire le fatigue plus rapidement que d'autres", explique Angelo. Guillaume est d'ailleurs autorisé, lorsque cela est possible, à prendre ses cours sur ordinateur, ce qui lui facilite la tâche. Au bac, en juin prochain, et comme lors de toutes les évaluations, il bénéficiera d'un tiers-temps. Il ne peut pas non plus toujours faire les expérimentations de physique-chimie ou de SVT (sciences de la vie et de la Terre), les paillasses étant trop hautes.

"Quand on ne connaît pas, on a parfois un regard dur ou de la pitié"

Mis à part cela, Guillaume est "comme tout le monde". Il aime les jeux vidéo, la NBA… "J'ai parfois l'impression d'être un ovni, mais j'essaie de toujours faire en sorte de ne pas être vu comme différent. Même si j'ai un handicap et qu'il faut l'admettre." Au sein du lycée et de sa classe, Guillaume n'a pas de problèmes d'intégration. "Il est là depuis sept ans, tous les profs le connaissent et l'aiment bien", sourit Mélanie Bardot. "Il a des potes, il est à l'aise, il est très bien intégré", confirme Mathias, en TS 5 avec lui.

Néanmoins, le passage du collège au lycée a été difficile. Ses années collège se sont très bien passées. "On le voyait faire des courses en fauteuil dans les couloirs", se souvient Mélanie Bardot. "Mais mes amis sont partis dans un autre lycée. Je n'ai pas pu les suivre car il n'était pas accessible. Seul Jules-Ferry était possible", regrette-t-il.

Il a fallu un peu de temps à Guillaume pour bien s'intégrer. Le contexte du lycée a aidé à cela. "Ici, tout le monde a un ou des élèves en situation de handicap dans sa classe, raconte Mathias. Il y a de la diversité et, du coup, on est plus sensible, on a un meilleur regard. C'est quand on ne connaît pas qu'on a parfois un regard dur ou de la pitié, alors qu'il ne faut pas." "En général, ici, cela se passe bien, ajoute Angelo. Les élèves sont habitués et il y a une véritable ouverture d'esprit."

L'AESH admet être celui qui peut freiner la bonne intégration de Guillaume. "Je suis toujours à côté de lui en classe, il ne peut se mettre à côté de ses copains", explique Angelo. "Je ne me sens pas toujours libre, explique Guillaume. De même, comme je dois rentrer avec mon chauffeur, je ne peux pas aller boire un coup avec mes potes après les cours…"

"Je galère pour trouver une prépa"

L'an prochain, Guillaume partira de l'établissement où il a passé sept années – sa réussite au bac ne faisant guère de doute. Son souhait : une prépa économique et commerciale. "Mais pour trouver, je galère, raconte-t-il. Quand je cherche une prépa, je n'ai pas les mêmes critères que les autres. Dans l'ordre, les miens sont : l'accessibilité, la localisation et le niveau. Or, c'est compliqué de trouver une prépa de bon niveau et accessible…" En outre, Mélanie Bardot met en garde Guillaume : "Il a les capacités intellectuelles pour une prépa, c'est évident. Mais en prépa, il y a des devoirs sur table tout le temps, de plusieurs heures. Le volume horaire est déjà conséquent, alors s'il doit en plus de cela ajouter un tiers-temps, cela risque d'être compliqué." Et l'enseignante d'ajouter : "Mais si Guillaume veut le faire, qu'il le fasse !" Ce qui semble bien être le cas, à l'entendre : "Je n'ai pas l'intention de changer d'orientation pour des raisons d'accessibilité."

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