Témoignage

"Les élèves révisent sans s’en apercevoir" : sur TikTok, ces profs-influenceurs repensent leur pédagogie

Lev Fraenckel alias "Serial Thinker" et Estelle Kollar, "Wonderwomath".
Lev Fraenckel alias "Serial Thinker" et Estelle Kollar, "Wonderwomath". © Photos fournies par les témoins
Par Camille Bluteau, publié le 19 décembre 2023
1 min

Allier réseaux sociaux et révisions, c’est possible ! En dehors des classes, certains professeurs comptabilisent des milliers d’abonnés sur leurs réseaux sociaux. Grâce à de courtes vidéos postées sur TikTok, ces enseignants ultra-connectés font réviser collégiens et lycéens, mais pas que.

"Monsieur, vous nous corrigez les copies en live ce soir ?" Jean-Baptiste Martin, professeur d’histoire géographie à Lyon (69), est habitué à ce type de questions de la part de ses élèves. Depuis le confinement, il s’est lancé sur le réseau social TikTok. Et ce n’est pas le seul.

Vous les connaissez peut-être sous les pseudonymes de "MonsieurLeChat94", "WonderWomath", "Leprofdhistoire" ou "Sérial Thinker". En réalité, ces comptes qui comptabilisent des milliers d’abonnés sur leurs réseaux sociaux sont tenus par des professeurs de sciences, de mathématiques, d'histoire-géo et de philosophie. Pour trois d’entre eux, le confinement a été le déclic pour se lancer sur le réseau social numéro un chez les jeunes.

@leprofdhistoire « Swim call »est une tradition militaire dans laquelle les marins se défoulent en sautant de leur bâtiment dans l’eau. #ww2 #us #usa #aircraftcarrier #porteavion

La création de contenu, "une échappatoire" pendant la pandémie

"Pendant la pandémie, on s’est retrouvés enfermés donc j’ai pris du temps pour créer du contenu pédagogique pour mes élèves. C’était une échappatoire", raconte Morgan Lechat (un surnom), alias "monsieurlechat94" sur TikTok, professeur de physique-chimie dans le Val-de-Marne.

Comme lui, Estelle Kollar, connue sous le pseudo "Wonderwomath", a posté ses premiers contenus pendant les confinements. "J’ai posté une vidéo dans laquelle je disais que j’étais prof de maths et que je pouvais donner des cours", rigole-t-elle.

De son côté, Lev Fraenckel, alias "Sérial Thinker", est sur YouTube depuis quatre ans. Mais il y a un an et demi, il commence à poster des vidéos de trois minutes qui résument les grandes notions du programme de philosophie en terminale.

Expliquer et faire aimer une matière

Ce qui le pousse à créer du contenu pédagogique, "c’est essayer de faire aimer cette manière alors qu’elle est souvent angoissante. Des élèves m’écrivent que grâce à moi, ils aiment la philo, ça me touche beaucoup", souligne l'enseignant.

"À leur âge, j'aurais aimé avoir un support pédagogique comme TikTok qui permet d’allier le divertissement et l’apprentissage." Pour attirer les jeunes, le professeur tire notamment ses exemples de la pop culture et des séries : Black Mirror, You, One Piece

Pour tous les publics

Cela permet aussi de toucher un public qui va au-delà des élèves. "L'intérêt n'est pas que pour les collégiens, c’est aussi une porte ouverte pour les nostalgiques, confirme Morgan Lechat. J’essaie de faire comprendre les éléments qui nous entourent. C’est de la culture générale. Mes abonnés les plus fidèles ne sont pas forcément mes élèves."

Dans ses vidéos, le professeur de physique-chimie illustre ses propos avec des exemples du quotidien, "pour que ce soit accessible à tous". "L’idée, c'est de parfois rebondir sur des sujets d’actualité. Par exemple, le climat, on en parle beaucoup dans les médias, mais les jeunes ne comprennent pas forcément ce que c’est que le gaz à effet de serre", ajoute-t-il.

@monsieurlechat94 La sublimation vous savez ce que c’est? 🧊 #experience #chimie ♬ son original - monsieurlechat94

Derrière une matière, une diversité de contenus

Estelle Kollar, elle, a décidé de diversifier son contenu. "Au début, je faisais seulement du scolaire. Maintenant, je fais des vidéos sur l’histoire des maths ou encore des portraits de femmes mathématiciennes, des énigmes et des jeux…"

Elle ajoute : "Au départ, je ne visais que les élèves en difficultés, aujourd’hui, je m'adresse à tous, même aux bons élèves". Les moins de 25 ans représentent 40% des abonnés de la professeure, dont l'objectif est de rendre les mathématiques "intéressantes et glamour".

@wonderwomath Une idée pourquoi les chiffres 1, 2 et 3 apparaissent le plus ? #prof #maths #apprendresurtiktok ♬ Funk It Up - John Etkin-Bell

Jean-Baptiste Martin, le professeur d’histoire-géo, propose également différents formats : corrections de copies anonymisées, vidéos d’archive et méthodologie. "Je fais des commentaires sur la correction de copie, je rappelle des faits historiques ou de la méthode…" En moyenne, les élèves passent 1h30 par jour sur Tik Tok alors "ils révisent sans s’en apercevoir et en s’amusant. Ça leur permet de faire de la veille".

Une activité qui prend du temps

La création de ces contenus prend du temps à ces professeurs. Ils doivent écrire le script, tourner la vidéo, la monter et la publier. Alors, Morgan Lechat s’est mis à temps partiel pour pouvoir développer son activité sur les réseaux sociaux. "Pour une vidéo d’une minute, je tourne 5 à 10 minutes. J’essaie de les faire à l’avance, mais ça demande de l’organisation. Maintenant, j’arrive à collaborer avec d’autres personnes, j’ai commencé à avoir un réseau dans l’audiovisuel… J’ai des projets pour 2024, mais la priorité reste mes élèves", explique-t-il.

Lev Fraenckel a lui franchi le pas : il n’enseigne plus depuis deux ans pour se concentrer pleinement à la création de contenu, à l’écriture de livres et aux conférences. Quant à Estelle Kollar, elle est toujours enseignante à temps plein.

"TikTok vient en second, en loisir. Mais je commence à y réfléchir, car j’adore vulgariser", explique-t-elle en ajoutant que cette activité "a changé [sa] relation aux mathématiques. J’ai découvert la beauté des mathématiques."

Vous aimerez aussi...

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !