Décryptage

Voie pro : comment les entreprises participent à la "cuisine" des diplômes

Bac pro, alternance, apprentissage
Les employeurs participent activement à la création des diplômes professionnels. © Franz Pfluegl/Fotolia
Par Erwin Canard, publié le 15 novembre 2016
1 min

La fusion des bacs professionnels "vente" et "commerce" en un unique bac "métiers du commerce et de la vente" dès 2018 est en réflexion. Qui décide des modifications de diplômes comme celle-ci ? L'Etudiant a enquêté.

Vous êtes ou souhaitez entrer en CAP (certificat d'aptitude professionnelle), bac pro ou BTS (brevet de technicien supérieur) et vous vous inquiétez de votre insertion sur le marché du travail après vos études ? C'est compréhensible : en février 2015, près de 60 % des diplômés d'un CAP l’année précédente étaient sans emploi. C’était aussi le cas pour 43 % des nouveaux titulaires d’un bac pro et pour 31 % de ceux qui avaient obtenu un BTS en 2014 (source ministère de l'Éducation nationale, 2016).

Ces taux de chômage élevés s'expliqueraient, entre autres raisons, par la faible participation des entreprises aux productions des diplômes et des programmes de la voie professionnelle. Plus largement, il y aurait un trop grand éloignement entre l’école et l’entreprise. Ce qui n'est pas forcément juste...

"Contrairement aux idées stéréotypées disant que l’école ne connaît pas le monde du travail, les diplômes professionnels sont élaborés par des membres de l’entreprise. En outre, pour les formations en alternance, nous sommes en lien constant avec les entreprises", explique Christian Lage, secrétaire général du SNETAA-FO, principal syndicat de l’enseignement professionnel. Alors, comment sont créées, modifiées ou supprimées les formations professionnelles en France ? Quelle est la place des entreprises dans ces processus ?

Lire aussi : Adieu bacs pro "vente" et "commerce", bonjour bac pro "métiers du commerce et de la vente" ! 

Les professionnels, premiers à alerter

"Dans la conception des programmes et des diplômes, il y a toujours quatre acteurs : les organisations professionnelles, les élus, les syndicats enseignants et l’État", explique Sigrid Gerardin, du SNUEP-FSU, autre syndicat d’enseignants de lycées professionnels. Ils se réunissent au sein des CPC (commissions professionnelles consultatives). Elles sont au nombre de 15, réparties par secteur : par exemple, "transport, logistique", "arts appliqués" ou encore "commercialisation et distribution"."

"Chaque CPC suit l’évolution d’un certain nombre de diplômes et propose des rénovations, créations ou suppressions", souligne Caroline Troadec, responsable emploi et formation de la Fédération commerce et distribution, qui siège à la CPC commercialisation et distribution. Quand une CPC suppose une évolution des métiers pouvant amener une évolution des diplômes, elle lance une étude d’opportunités sur les métiers concernés. "Ce sont souvent les professionnels qui alertent sur ces évolutions", relève Caroline Troadec. En effet, les professionnels (employeurs et salariés) représentent 50 % des membres des CPC.

Le métier a-t-il réellement évolué ?

Les études d’opportunités, conduites la plupart du temps par le CEREQ (centre d’études et de recherches sur les qualifications), consistent à interroger tous les acteurs concernés pour vérifier si l’évolution supposée du métier est bel et bien réelle. Des critères précis sont étudiés : l’insertion, les besoins des entreprises, l’ancienneté du diplôme, voire un éventuel manque de clarté pour les jeunes rendant difficile leur orientation. Une fois cette étude effectuée, la CPC vote sur la nécessité ou non de faire évoluer le diplôme concerné. "Si la CPC n’est qu’une commission consultative, son avis est généralement suivi par le ministère, qui a le dernier mot", précise Caroline Troadec.

"Mieux coller aux besoins des entreprises"

Si les professionnels sont souvent à l'origine des évolutions des diplômes et des contenus de formation, ils participent aussi beaucoup à leur élaboration. En effet, ils contribuent à la création des référentiels d’activités professionnelles et des référentiels de compétences qui déterminent les critères d’évaluation des élèves.

Selon Sigrid Gerardin, les organisations patronales "pèsent de plus en plus dans la construction des diplômes professionnels" depuis une dizaine d'années. "Il s'agit de mieux coller aux besoins des entreprises", explique Caroline Troadec. "Or, l’emploi n’est pas toujours connecté à la formation : 50 % des bacheliers professionnels ne travaillent pas dans la filière dans laquelle ils ont été formés. Nous préférons lier la formation avec la volonté des jeunes, d’autant que les prospections faites par les professionnels restent hypothétiques", répond Sigrid Gerardin. En outre, selon Christian Lage, "ce sont souvent les grandes organisations patronales qui sont représentées dans les instances, et non les petits employeurs. La représentativité n’est pas du tout optimale".

500 nouvelles formations professionnelles en 2017

La rentrée 2017 devrait voir naître environ 500 nouvelles formations (CAP, bacs pro, BTS...) en lycées professionnels. Ces formations "ont été identifiées comme comprenant des métiers susceptibles de manquer de main d’œuvre à l’horizon de dix ans", a indiqué Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Éducation nationale, au Sénat, le 18 octobre 2016. Par exemple : les filières de l’aéronautique, de la sécurité, des services à la personne ou du numérique.

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