Portrait

Lycéenne et dyslexique : "En quatrième, je lisais comme une élève de CE1"

Camille - lycéenne et dyslexique
Les professeurs du lycée de Camille ont l'habitude d'accueillir les élèves dyslexiques. © Laurent Hazgui/Divergence pour l'Etudiant
Par Propos recueillis par Maria Poblete, publié le 02 juin 2016
1 min

Camille, 18 ans, en terminale technologique STAV, souffre d’un trouble de la lecture depuis l’enfance. Elle s’est battue pendant toute sa scolarité et a surmonté nombre de difficultés. Aujourd’hui, avec le soutien de ses proches et de ses enseignants du lycée agricole et horticole de Saint-Germain-en-Laye (78), elle a trouvé les bonnes méthodes de travail pour y arriver.

"On a découvert ma dyslexie à l’âge de 5 ans. Mon instituteur avait dit à mes parents que j’avais du mal à me concentrer et que je n’arrivais pas à apprendre les chiffres. Des bilans médicaux ont conclu que j’étais atteinte de dyslexie. Cela signifie que l’une des deux parties de mon cerveau ne fonctionne pas exactement comme il faudrait. Cela ne veut pas dire que je sois bête ! Je préfère l’annoncer d’emblée, parce qu’on a vite fait de nous mettre dans des cases ! J’explique : les enfants “normaux” lisent d’abord lettre par lettre. Ils apprennent que la lettre 'b' collée à la lettre 'a' donne le son 'ba'. Puis ils accrochent les syllabes les unes aux autres. Plus tard, ils commencent à lire les premières lettres d’un mot sans être obligés de lire la fin. Essayez : 'l’étudiant’ par exemple. Vous lisez 'étu’, ensuite vous n’avez pas besoin d’aller jusqu’au bout pour lire aisément ‘l’étudiant’. Eh bien, pour moi, ce n’est jamais fluide. Je dois TOUT décortiquer : lettre par lettre. La lecture prend des heures !

“Tout était compliqué, lire, écrire… Ce qui m’a sauvée, ce sont les maths”

"Je suis arrivée jusque-là, parce que je me suis battue et que je suis soutenue par ma famille. Mes parents ne m’ont jamais laissé baisser les bras.Ils m’ont toujours dit que j’y arriverai comme les autres. Ma scolarité n’a pas été (et n’est toujours pas) une histoire tranquille et sans problèmes. Depuis mon enfance, c’est compliqué. Je voyais bien que les autres lisaient, avançaient et que je n’y arrivais pas. Certains instituteurs n’ont pas été très gentils (et je reste polie). Ils ne croyaient pas en moi, ça se voyait.

Au collège, j’avais honte. En quatrième, je lisais comme une élève de CE1. Vous imaginez ? J’étais très lente. Tout était compliqué, lire, écrire… Ce qui m’a sauvée, ce sont les maths ! Et puis, j’ai pris de bonnes méthodes de travail. J’ai été suivie en rééducation par une orthophoniste que je continue à voir de temps en temps."

"Si je ne comprends pas, je peux aller voir les professeurs en fin de cours"

"En arrivant au lycée agricole en seconde, j’ai constaté qu’ils avaient l’habitude d’accueillir des élèves dyslexiques. Nous sommes 5 dans ce cas dans ma classe. Les professeurs suivent des formations sur les troubles des apprentissages. Ils savent que nous ne pouvons pas tout prendre en note. Alors ils envoient les cours par mail si besoin. Et si je ne comprends pas, je sais que je peux aller les voir à la fin de l’heure. Certains enseignants restent après les cours ou viennent le mercredi après-midi, c’est franchement super. Mon professeur de philo et de français est au CDI [centre de documentation et d’information] le mercredi après-midi. Je peux aller le voir pour lui demander un conseil.

J’ai aussi mis en place tout un système avec des appareils. J’ai une tablette et un scanner. Comme je ne peux pas lire des documents rapidement, je les scanne, je les passe au logiciel (il s’appelle Médialexie). La machine me lit les textes. Pour les examens, je bénéficie d’un tiers temps supplémentaire comme tous les élèves handicapés. Dans ce cas, un lecteur scripteur me lit les documents et je dicte mes réponses. Je suis, bien sûr, dans une salle à part pour ne pas déranger les autres. Mais ne croyez pas que le lecteur m’aide, il n’écrit que ce que je lui dicte…"

"À plusieurs, on est plus fort. J’aime ma vie à l’internat !"

"Je vis loin du lycée, j’ai alors fait le choix, comme la majorité des élèves, d’être interne. Cela m’apporte beaucoup. Je partage une chambre avec deux copines. On s’entraide. Nous avons installé sur le mur de notre chambre de grandes nappes en papier blanc et on écrit les formules de maths, de physique, de biologie, et les citations pour la philo et le français, pour les apprendre et les retenir. Chacune a un point fort, moi j’explique les maths, une autre la biologie. Tout le monde devrait le faire. À plusieurs, on est plus fort. J’aime bien la vie à l’internat parce que j’apprends à me débrouiller.

Quand on a des difficultés comme moi, on prend l’habitude de demander de l’aide à ses parents pour les devoirs. Peut-être un peu trop. Certes, c’est encore difficile. Je galère encore souvent. J’ai redoublé ma première avec un petit 8 de moyenne. Je ne suis jamais complètement tranquille, rien n’est vraiment facile (sauf les maths !). En cours de philosophie, ce matin, le professeur a distribué 4 pages. Il fallait répondre à plusieurs questions. Le tout en 30 minutes. Moi, j’avais lu peut-être 20 lignes en une demi-heure. Alors, ce soir, je vais passer le texte au scanner, l’écouter, puis répondre aux questions.
Comme l’écrit est ma faiblesse, j’essaie d’être le plus présente possible à l’oral. Je participe en cours, je pose des questions. Maintenant, j’aime bien. Il a fallu me pousser un peu, parce que je suis quelqu’un de réservé, timide. Je suis discrète, mais en classe, ça va."

"La dyslexie, je l’aurai toute ma vie, j’apprends à vivre avec"

"Les autres élèves se doutent de ma dyslexie… Je n’aime pas en parler. J’ai tendance à vouloir le cacher. Je suis gênée. Je n’aime pas qu’on dise que j’ai de la chance d’avoir une tablette et un tiers temps en plus pour les examens. Non, je n’ai pas de chance ! Je ne veux pas qu’on s’apitoie sur mon sort. La dyslexie je l’aurai toute ma vie, j’apprends à vivre avec. Physiquement, elle ne se voit pas !"

Les dyslexies en question

Le terme "dyslexie" regroupe des handicaps qui touchent certaines fonctions intellectuelles. Cela n’a rien à voir avec l’intelligence qui est préservée. Les enfants, adolescents, adultes comprennent et apprennent, mais autrement. Le cerveau est composé d’un ensemble de systèmes. Les dyslexiques ont un de ces systèmes qui ne se développe pas parfaitement. Pour en savoir plus, consultez le site du Dr Michèle Mazeau, médecin de rééducation.

La prise en charge est possible après un bilan pluridisciplinaire. Un tiers temps handicap pour les examens est recommandé ; le dossier est à monter auprès de la maison départementale des personnes handicapées.

Quelques sites utiles
La Fédération française des Dys regroupe les associations spécialisées dans le domaine des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, dont en particulier :
– pour la dyslexie : Apeda France ; Apedys Aquitaine, Apedys Midi-Pyrénées, Apedys 91 ;
– pour la dysphasie : Avenir Dysphasie France, Association Avenir Dysphasie France ;
– pour la dysphasie : Dyspraxie France Dys.

Vous aimerez aussi...

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !