Interview

Transmission du savoir-faire dans l’industrie : l’exemple de la joaillerie

Proposé par Avec l’Industrie

Transmission du savoir-faire dans l’industrie : l’exemple de la joaillerie
Transmission du savoir-faire dans l’industrie : l’exemple de la joaillerie © Avec l'industrie
Par L'Etudiant Fab, publié le 20 octobre 2023
8 min

Fleurons de l’industrie française, la joaillerie et la haute joaillerie ont plus que jamais le vent en poupe ! Le sertisseur en particulier est une pépite très convoitée. Il est celui qui donne vie aux bijoux. Un métier artisanal, prestigieux et très bien rémunéré (ce qui ne gâche rien, on ne va pas se mentir). Autre bonne nouvelle, la formation est plutôt courte et se réalise en général en apprentissage. Rencontre avec Frédéric Blanchon, sertisseur émérite, et Léonie, apprentie sertisseuse.

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Frédéric, peux-tu nous parler de tes activités ?

Frédéric Blanchon : Je suis sertisseur indépendant en joaillerie et haute joaillerie dans le 9e arrondissement de Paris. On va dire que c’est le QG de la plupart des sertisseurs en France. Je suis également enseignant en sertissage au sein de la Haute École de Joaillerie, présente à Paris, mais aussi à Aix-en-Provence, Lyon et Reims.

Ton métier de sertisseur c’est une vocation ?

F. B. : Oui, adolescent, j’avais été passionné par la démonstration d’un artisan joaillier dans une taillerie de pierres et plus tard, quand j’ai découvert qu’une formation existait, je me suis engagé dans cette filière. J’ai effectué un CAP Bijoutier en deux ans, puis une Mention complémentaire en Joaillerie en un an à l’École Boulle et enfin, un CAP Art et Techniques de la Bijouterie Joaillerie option Sertissage, en alternance sur deux ans, à la Haute École de Joaillerie. C’était une formation assez longue, mais maintenant, ça va plus vite. Par exemple, on peut devenir sertisseur via le CAP Art et Techniques de la Bijouterie Joaillerie option Sertissage en alternance sur deux ans à la Haute École de Joaillerie sans passer par la case bijoutier-joaillier. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile de découvrir ces métiers avec internet et les réseaux. La Haute École de Joaillerie a un site internet interactif où tout est clair et donne un vrai aperçu des formations. Mais à l’époque, c’était plus difficile de s’informer. En sortant de l’école, j’ai rejoint un atelier sous-traitant de Cartier, j’y suis resté sept ans avant de créer l’Atelier Blanchon.

En quoi consiste le sertissage ?

F. B. : Le sertissage, c’est l’art de mettre des pierres précieuses sur des bijoux. Présenté de cette façon, ça a l’air simple, mais en fait, ça nécessite un véritable savoir-faire. C’est un métier artisanal, un métier de gestes. Il faut de la patience, de la précision, de la dextérité. On ajuste la pierre en travaillant son assise, son trou, pour qu’elle rentre parfaitement sur le bijou. On va utiliser des techniques différentes en fonction de la pierre et du design recherché sur la bague.

C’est-à-dire ?

F. B. : On distingue plusieurs techniques, les trois grandes familles sont le serti grains, le serti clos et le serti griffe. Le serti grains consiste à venir pousser du métal sur la pierre – ce qu’on appelle le grain – qu’on vient ensuite perler pour qu’il brille et forme une petite boule. Le serti clos consiste à venir recouvrir en partie la pierre en rabattant le métal à l’aide d’un marteleur (sorte de mini-marteau-piqueur). Enfin, dans le serti griffe, sur un chaton, on va venir rabattre des fils de métal sur la pierre pour la maintenir, puis les couper et bouler leurs pointes. La précision et la concentration que cela demande peuvent être comparées au travail d’un chirurgien.

Et concrètement, quelle est la différence avec les métiers de bijoutier et de joaillier ?

F. B. : Le bijoutier et le joaillier vont limer, scier, souder, assembler les bijoux. Le bijoutier va être orienté sur des pièces avec peu de pierres et travailler parfois sur de l’argent. Le joaillier va, lui, travailler sur des bijoux plus techniques qui ont pour objectif la mise en valeur de belles pierres, qui sont souvent le point de départ des créations. Le sertisseur, quant à lui, va fixer la pierre sur la monture et donc réellement donner vie au bijou. La dernière étape, c’est le polissage du bijou par un polisseur, pour bien le faire briller.

Sur toutes ces étapes, on peut parler d’un savoir-faire français ?

F. B. : Clairement ! Il y a quelques années, tous les bijoux ou presque étaient faits en France. Mais avec la concurrence internationale, la France s’est spécialisée uniquement sur le haut de gamme, c’est-à-dire la joaillerie et la haute joaillerie. On est dans l’excellence à chaque étape. Et le secteur est en pleine expansion. Toutes les grandes maisons sous-traitent à des ateliers comme le mien. À tel point qu’on est en manque de professionnels. Aujourd’hui, un jeune qui sort de la Haute École de Joaillerie est quasiment assuré d’être embauché avant même la fin de sa formation.

Léonie, justement, tu es étudiante à la Haute École de Joaillerie. Tu peux nous parler de ton parcours ?

Léonie : J’ai 19 ans, j’ai obtenu un bac général et j’ai rapidement su que je voulais m’orienter dans le sertissage. J’ai toujours été manuelle, je ne me voyais pas derrière un bureau. Depuis toute petite, mes parents m’ont encouragée dans les travaux manuels et voilà le résultat [rires, NDLR].

En quoi consiste ta formation à la Haute École de Joaillerie ?

L. : Il y a deux CAP au choix. Un CAP en un an, sans apprentissage – on se forme à 100 % à l’école – ou un CAP en deux ans, avec apprentissage. J’ai opté pour le CAP en un an, car je n’avais pas trouvé l’apprentissage que je souhaitais. Comme le disait Frédéric, les sertisseurs sont très demandés par les grandes maisons, ils ont beaucoup de travail, et il faut être sûr de trouver un maître d’apprentissage qui pourra vraiment s’occuper de nous. Au cours du CAP, on a deux jours de sertissage par semaine, un jour de sculpture sur cire et un jour de gouache, de dessin technique et d’histoire de l’art. Après l’obtention du CAP, j’ai enchaîné sur le Brevet des Métiers d’Art (BMA) proposé par la Haute École de Joaillerie. C’est dans ce cadre que j’ai trouvé l’apprentissage qu’il me fallait.

F. B. : Quand les élèves sortent de l’école, ils n’ont pas encore la dextérité et la rentabilité d’un professionnel. Le BMA en alternance est une bonne formule pour continuer à apprendre sans se mettre trop de pression.

L. : Je suis sur un rythme une semaine en école/une semaine en atelier. Ça me convient très bien, on met tout de suite en application ce qu’on apprend en cours, on n’a pas le temps d’oublier. Et puis l’apprentissage permet aussi d’être rémunéré, de gagner en indépendance, ce n’est pas négligeable.

Où réalises-tu ton apprentissage ?

L. : Dans un atelier qui travaille essentiellement pour des maisons comme Cartier ou Louis Vuitton, mais aussi pour de plus petits ateliers.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?

L. : Donner vie aux bijoux, tout simplement. C’est un métier peu commun, ça me plaît aussi. On a des pierres uniques entre les mains, c’est un privilège.

F. B. : J’ajouterais aussi le côté transmission, en tant qu’enseignant. Aider les jeunes à tendre vers l’excellence, à démarrer leur carrière, c’est passionnant humainement et très gratifiant. Dans un métier comme le nôtre, la transmission de notre savoir-faire, un savoir-faire français, c’est fondamental.

Léonie, comment vois-tu la suite de ton parcours ?

L. : Je vais enchaîner sur une deuxième année de BMA, au sein du même atelier, avant d’être définitivement recrutée. On s’est déjà mis d’accord, donc c’est top !

Travailler dans l’industrie, c’est d’abord partager des valeurs humaines, où chacun peut trouver sa place, quels que soient son parcours et son profil. Du jeune apprenti au plus aguerri, un esprit d’entraide et de bienveillance règne dans tous les ateliers, toutes les usines. Les métiers de l’industrie sont aussi source de fierté au quotidien : quoi de plus satisfaisant que de maîtriser un geste technique et de pouvoir ensuite contempler le résultat de son travail ?

L’industrie, c’est aussi un large éventail de carrières. En fait, c’est simple : si ça se fabrique, alors il existe un secteur de l’industrie dont c’est le métier ! De la chimie à l’aéronautique en passant par le textile ou encore la menuiserie, l’industrie embrasse tous les aspects de la vie. Découvrez tous les métiers de l’industrie sur aveclindustrie.fr.

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