Décryptage

Le long combat des femmes pour accéder au bac

Rea-Payant
Depuis les années 1960, les filles réussissent mieux le bac que les garçons. © Michel GAILLARD/REA
Par Juliette Loiseau, publié le 19 juin 2020
4 min

Depuis plusieurs décennies, les femmes sont majoritaires parmi les bacheliers. Un fait aujourd'hui établi qui est en réalité le fruit d’un très longue lutte : il a fallu plus d’un siècle pour que les filles aient accès au même baccalauréat que les garçons.

Lors de la première session du baccalauréat, en 1809, 39 candidats passent l’examen et l’obtiennent. Aucune femme ne s’y présente. "Pourtant, quand Napoléon crée le baccalauréat en 1808, il ne l’interdit pas aux filles, il parle seulement de candidats sans préciser", explique Marie-Odile Mergnac, auteure d’une "Histoire du baccalauréat" (Archives et culture, 2009). Mais en ce début de XIXe siècle, il est impensable qu’une femme puisse passer cet examen.

À l’époque, il s’agit du premier diplôme universitaire, un monde réservé aux hommes. Seuls les lycées de garçons sont habilités à préparer leurs élèves au baccalauréat. L’enseignement secondaire n’existe pas pour les filles. Leur éducation est essentiellement prise en charge par les congrégations religieuses. "Aucune des matières enseignées aux filles ne leur permet de passer l’examen, détaille l’historienne. Les filles apprennent les langues, la couture, le dessin ou encore la musique". Le bac comporte lui des épreuves de latin, de grec, et de plus en plus de sciences.

Julie-Victoire Daubié, première bachelière en 1861

Pourtant, quelques années plus tard, une femme décide de se présenter au baccalauréat : Julie-Victoire Daubié. Institutrice, elle apprend le grec et le latin avec son frère prêtre et demande à passer le bac à Paris. "Bien que rien ne s’y oppose dans les lois, la Sorbonne refuse à trois reprises que Julie-Victoire Daubié se présente à l’examen", raconte Marie-Odile Mergnac.

Julie-Victoire Daubié
Julie-Victoire Daubié © Pierre Petit

"Elle décide alors de demander à l’université de Lyon. Elle y a reçu un prix en 1859 pour une étude et se dit que cet établissement sera peut-être moins frileux à l’idée de faire passer le bac à une femme. Et en effet, l'université accepte". Elle passe donc l’examen en 1861, et le réussit. Mais la présence des femmes au bac ne se démocratise pas : trente-et-un ans plus tard, en 1892, elles ne sont encore que 10 à s’y présenter.

Un long chemin vers l’égalité

Les programmes des établissements secondaires féminins, créés en 1880, sont toujours différents de ceux des garçons, sur lesquels est fondé l'examen du bac. Mais l’idée fait son chemin. "En 1906, l’Ecole Normale Catholique s’ouvre à Paris pour mener les filles jusqu’à l’examen, précise Marie-Odile Mergnac. Elles y suivent des cours en plus du programme des filles". Celles qui passent le bac sont donc issues de familles avec suffisamment de moyens pour payer des cours particuliers.

En 1909, elles ne sont que 100 à passer le bac. Il faut attendre 1924 pour que les filles et les garçons aient le même programme et donc les mêmes épreuves. "Cette réforme a un impact fort et les femmes sont de plus en plus nombreuses à passer le bac", souligne l’historienne. "Dans les années 1960, il y a autant de bachelières que de bacheliers". Et la tendance ne s’inverse plus : les filles réussissent mieux l’examen. En 2019, elles étaient plus de 92% à obtenir un bac général contre 89% chez les garçons.

Mais, en regardant plus en détails, une inégalité demeure : les filles sont toujours minoritaires dans les filières scientifiques. En 2019, elles représentaient 46% des candidats en S contre 80% en L. Comme pour le bac, il y a maintenant plus de 200 ans, certains stéréotypes demeurent.

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